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Rencontres du troisième type...

Par Lucasgauer @Lucasgauermagie
relation médecin malade  Certes, ce stage c'est les premiers gestes réalisés, c'est jouer au docteur en allant prendre la tension du patient et en se déguisant en cosmonaute pour imbiber des compresses de biseptine quand l'infirmière change des cathéters, mais c'est surtout la première fois que l'on rencontre des patients!
  Déjà qu'en première année on nous parle rarement de maladie, alors de malades...
  On a bien des cours de sciences humaines, d'éthique, afin de comprendre que la relation médecin-patient ne doit pas se transformer en dictature tyrannique, mais tout cela reste très abstrait, car justement, on n'avait jamais été confronté à ce milieu auparavant...
  Et si en théorie il paraît facile d'être gentil, à l'écoute, patient, c'est parce que l'on ne nous parle pas du contexte...
  Et avec ce stage, je commence à me rendre compte des enjeux et des difficultés... On croise les mêmes pathologies, traitées plus ou moins de la même façon, mais les personnalités sont tellement variées qu'à chaque fois la manière de faire est différente...
  Par exemple, monsieur B., 29 ans, qui vient pour un rejet de greffe. Je frappe à la porte et lui apporte son plateau repas:
_"Et je pourrais avoir du sel et du sucre?"
_"Ah non, désolé, vous ne pouvez pas, vous êtes limité à 4g par jour...".
_"Pff, vous faites chier, si c'est ca je vais descendre à la cafet en chercher!"
  Et sur le coup, je culpabilisais presque d'être "complice de son malheur"... Et il a fallu que Caroline me fasse remarquer que rien ne l'empêche d'aller à la cafet se servir, mais que si on le limite en sel ce n'est pas par sadisme ou économies budgétaires, mais pour éviter qu'il flingue le greffon qu'il a eu le privilège de recevoir, et que s'il avait payé ce rein, il serait peut être plus à l'écoute des recommandations...
  Finalement, je me suis rendu compte que je suis devenu plus dur vis à vis de ce patient: mes visites se limitaient au strict minimum, je ne m'éternisais pas avec, et quand il bipait, j'y allais toujours en trainant les pieds et en me disant "pourquoi il râle encore celui-là...".
  A contrario, on développe aussi des affinités avec certains patients:
  Madame E., qui au début me paraissait être une râleuse patentée qui ne répondait pas quand vous lui disiez bonjour, devenait peu à peu pour moi une pauvre femme qui était victime de son corps, et fatiguée des traitements. On lui dit la veille qu'elle va pouvoir partir, et finalement les médecins la gardent encore une nuit, lui font une biopsie le lendemain, lui laissent une perf vide "au cas où" etc.
  Monsieur C., lui, était devenu mon patient préféré: il venait pour un rejet de greffe, était hospitalisé quelques jours pour une cure d'antirejets et était plus qu'impatient de repartir (11/17 de tension le jour du départ...).
Malgré la chimiothérapie assez agressive, il souriait quand je venais et s'habillait tous les jours (souvent les patients, même valides, ne prennent pas le temps de s'habiller sous prétexte que les soignants sont habitués à la nudité...).
  Il restait patient et relativisait alors que c'était la 5ème fois que je le piquais pour tenter de faire une glycémie capillaire qu'un gamin de 8 ans arriverait à faire du premier coup (bah ouais, mais quand on pique sur le coté du doigt comme on dit de faire en théorie, la goutte n'est jamais assez grosse...).
Finalement, je surveillais le traitement et devais passer toutes les 30 min pour relever ses constantes et ajuster le débit de la perf, et à chaque fois c'était l'occasion de discuter un petit peu...
   Quand je quittais le service en sachant que quand je reviendrais il sera déjà reparti chez lui, j'avais une petite pensée pour ce Mr C., qui malgré ses problèmes de santé s’efforçait de conserver son sourire, et je me dit qu’il va me manquer à mon retour lundi...
  Avec lui, j'ai compris ce que les profs voulaient nous dire quand il parlaient de "faire du patient un acteur de son propre soin", et de passer d'une relation purement médicale à une relation humaine avant tout.

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