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Deux étonnants voyageurs

Publié le 16 juillet 2011 par Jlhuss

Quelques héros de romans (II)

Deux étonnants voyageurs

(Philippe Jolyet (1832-1908) : La Lecture (1893)

Mes deux héros sont nés sous la plume d’auteurs venus du froid. Je les ai choisis parce que les vacances d’été sont ou seront bientôt là et que je ne connais guère de sensation plus agréable que celle procurée par la lecture d’un bon gros pavé quand le soleil donne et qu’on dispose de temps et de tranquillité.

L’ombre est propice, votre fauteuil confortable, quelques chants d’oiseaux empêchent que le silence soit inquiétant. Munissez vous du marque-page dont l’aînée de vos petites-filles a trouvé le modèle dans l’album de bricolage que, dans votre générosité, vous lui avez offert pour ses dix ans. L’objet vous sera nécessaire si, pour une raison quelconque : soleil qui tourne, guêpe intempestive, appel désespéré en provenance d’une cabane dont la porte a été bloquée (on ne saura jamais par qui) vous êtes obligé d’interrompre temporairement votre lecture. Mais le pire n’est jamais sûr et j’ai déjà (une fois de plus) trop digressé. Il est temps d’ouvrir le premier volume et de faire connaissance avec :


Sinouhé l’Egyptien…

Deux étonnants voyageurs
Du haut de sa pyramide, trente-cinq siècles nous contemplent, son créateur, le Finnois Mika Waltari, en ayant fait un contemporain des pharaons Akhenaton et Horemheb. Comme Moïse, il a commencé sa carrière dans un berceau de roseaux flottant sur le Nil. L’objet, suspendu au plafond de leur maison par ses parents adoptifs est tressé avec des nœuds d’oiseleur, détail dont on découvrira plus tard l’importance. Comme son père, Sinouhé devient médecin, profession qu’il ne cessera d’exercer de Thèbes à Babylone, en passant par le pays des Hittites, la Crête de Minos et les principautés syriennes. Autant dire qu’il parcourt, de préférence à pied, les voyages en mer ne lui valant rien, le berceau de notre civilisation.

Pour son malheur (et le bonheur du lecteur) l’Égyptien n’a pas de chance avec les femmes. Il a, avec elles, cette maladresse et ce manque d’à-propos dont, depuis Adam allant taper une belote en compagnie de ses copains chimpanzés au lieu d’emmener Eve faire les soldes (erreur dont on connaît les conséquences catastrophiques,) sont affligés la majorité des éléments mâles de l’humanité (Chambolle ne faisant pas exception). Résultat, chaque fois qu’Eros (oui, je sais, c’est un Grec, mais on reste dans l’Antiquité) qu’Eros, donc, le perce d’une de ses flèches, le résultat n’est jamais un bonheur sans nuage.

Ses déboires sentimentaux n'empêchent pas mon héros de cultiver un idéalisme tempéré de scepticisme médical. Le second prend d’ailleurs, l’âge venant, le pas sur le premier. Sinouhé participe à plusieurs batailles (dans les services sanitaires de l’armée) et il est mêlé de près aux intrigues de la cour du pharaon hérétique (Akhenaton pour ceux dont les souvenirs de collège auraient tendance à s’estomper). Il ne survivrait pas à ces diverses épreuves, si Kaptah, son fidèle esclave, n’était là pour veiller sur lui. Ce borgne, rusé et gourmet, unique possesseur de la recette d’un cocktail nommé « la queue du crocodile » mérite de figurer entre Sancho Pansa et Planchet, au panthéon des seconds rôles indispensables.

Mika Waltari raconte cette superbe histoire sous la forme de mémoires, rédigés par son héros devenu vieux. C’est magnifiquement t réussi et l'on y croit d’un bout à l’autre. Hollywood a tiré de ce beau live un navet catastrophique, si, par hasard vous avez assisté à une projection de ce triste nanar que dcela ne vous dégoûte surtout pas de vous plonger dans le livre;

Un mot pour finir. Si j’ai ironisé dans les deux paragraphes précédents c’est en vertu du principe édicté par Raymond Queneau selon lequel l’humour doit dépouiller les grands sentiments de leur connerie. J’ai pour Sinouhé, l’affection toute particulière qu’on ressent envers ceux que leurs épreuves n’ont pas dépouillé de leur humanté. Croyez moi, cet Egyptien mérite qu'on lui consacre un peyu de temps

Et maintenant un bond de vingt-trois siècles en avant et de nombreux degrés en direction du Nord pour retrouver :

Orm le Rouge

Deux étonnants voyageurs
En voilà un qui n’a pas d’états d’âme. Orm Tostesön dit Orm le Rouge à cause de la couleur de ses cheveux, mais aussi parce qu’il était homme à rendre coup pour coup et à ne pas se laisser marcher sur les pieds est un viking de l’espèce Rolf Marche à Pied ou Harald à la Dent Bleue. Embarqué malgré lui dans une aventure qui le mènera dans l’Andalousie du Califat, il en reviendra après un détour par Compostelle où il a suivi les bandes d’Almansour. Grand laboureur du champ du pingouin, grand cavalier des chevaux de la mer (métaphores nordiques pour l’océan et les bateaux), Orm manie l’épée avec une dextérité redoutable ce qui lui est fort utile lors de ses diverses et périlleuses aventures qu’a imaginées pour lui son créateur. Celui-ci se nomme Frans Bengtsson. En véritable auteur de roman d’aventures, il a le talent qu’il faut pour nous laisser croire que son héros va périr avant la fin de chaque chapitre alors que nous savons, dès la première ligne, qu’il sera encore debout et en pleine forme six cents pages plus loin.

Après la Galice, l’Irlande, l’Angleterre et le Danemark, Orm ira traîner ses guêtres chez les Russes et les Petchenègues. Il y fera des rencontres inattendues. Le lecteur, quant à lui, enrichira considérablement sa connaissance des us et coutumes des navigateurs scandinaves aux environs de l’an mil. Il apprendra, en particulier, comment venir à bout de deux hommes avec un manche à balai, pourquoi il faut se méfier des maîtres d’école trop superstitieux et ce que signifie l’apparition des aurochs dans une forêt qu’ils avaient désertée.

Orm n'a qu'une faiblesse : Après un cauchemar, il est devenu hypocondriaque. Partant, il a pour sa santé des inquiétudes que rien ne justifie mais qu'il cultive avec un soin jaloux. C'est ce qui l'a rendu encore plus sympathique à Chambolle qui souffre du même mal imaginaire.

Ceci étant, une fois qu »'il s'est persuadé que, malgré la fraîcheur de l'air et l'humidité ambiante, il y a, quelque chiose à gagner au bout du voyage qu'il entreprend, il n'hésite pas et il s'embarque. Suivez le sans hésiter. Par temps de canicule, les deux tomes des aventures d’Orm le rouge valent tous loes climatiseurs du monde.K On les ouvre et le vent se lève.

Chambolle


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