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Elle a bon dos, la Serbie

Publié le 16 février 2008 par Roman Bernard
perte du Kosovo, berceau présumé de son histoire. Que les séparatistes kosovars proclament l'indépendance de cette province paraît logique, après les conflits meurtriers de 1999, qui interdisent tout retour en arrière, et vraisemblablement toute coexistence pacifique entre Albanais musulmans et Serbes orthodoxes à l'avenir. Que les grandes diplomaties occidentales s'empressent, avant même l'indépendance, de reconnaître le nouvel État, condition de son appartenance à la communauté internationale, me semble en revanche moins justifié. D'autant que ce soutien spontané aux séparatistes kosovars force la main à la Serbie qui, en quête de respectabilisation sur la scène internationale, n'est pas en mesure de vraiment protester face au dépeçage des restes de son empire.
La récente élection présidentielle serbe l'a d'ailleurs confirmé -de justesse-, les Serbes veulent intégrer l'Union européenne, grande avocate de la cause nationale kosovare, alors que ses États-membres ont été incapables de prendre la mesure de la guerre qui s'est déroulée à leurs portes en 1999, forcés de faire appel, comme à chaque fois qu'un conflit majeur éclate sur le continent, aux Américains. Il est vrai que lorsque deux États seulement contribuent de manière significative à la défense européenne, il est difficile de réagir de façon coordonnée et efficace à l'urgence.
Pour l'Union européenne, il n'est d'ailleurs pas interdit, à cet égard, d'interpréter ce soutien franc et massif aux séparatistes kosovars comme le moyen de se soulager d'une mauvaise conscience certaine à leur endroit. Tout cela au prix d'un nouvel abaissement de la Serbie, qui, après avoir perdu toutes les anciennes républiques yougoslaves fédérées, voit maintenant lui échapper une partie d'elle-même.
Il n'est pas question ici d'excuser les crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis dans le passé par l'armée serbe, sur ordre de Belgrade, contre les Croates, les Bosniaques et les Kosovars. Après avoir longtemps été complaisante à l'égard de la Serbie, naguère perçue comme le ciment de l'unité nationale yougoslave, la communauté internationale, devant l'horreur des massacres perpétrés par les Serbes, a pratiqué la politique de la punition, démarche inaugurée par le Traité de Versailles envers l'Allemagne à l'issue de la Première Guerre mondiale, avec le succès que l'on sait. La dureté des Serbes dans les guerres d'indépendance peut d'ailleurs être vue comme une conséquence symétrique de cette politique de punition. Refusant de toucher au découpage territorial de l'ancienne République fédérale socialiste de Yougoslavie, on a interdit, de fait, le rattachement à la Serbie des minorités serbes de Bosnie et de Croatie, qui constituent aujourd'hui des enclaves linguistiques et religieuses, frontalières de la Serbie. C'est en partie l'impossibilité de rattacher ces enclaves qui a conduit aux conflits armés. Alors, s'il ne fallait pas remodeler les frontières internes de l'ex-Yougoslavie, pourquoi le fait-on pour le Kosovo, province serbe ?
Parce que dans le cas du Kosovo, un séparatisme ethnico-religieux, occulté au XXe siècle par le caractère athée et a-national du régime yougoslave, a débouché sur une véritable fracture territoriale à l'occasion de l'éclatement de la Yougoslavie, qui a signé le retour des identités nationales et religieuses en Europe. Le Kosovo, province autrefois serbophone et orthodoxe, est devenue albanophone et musulmane au XXe siècle, sous l'effet d'une forte immigration en provenance d'Albanie et du plus grand dynamisme démographique de ces Albanais musulmans une fois installés au Kosovo.
En consentant à ce que l'immigration récente d'une population, différant de la population d'accueil par la religion, la langue et la culture, conduise à la sécession de territoires où cette population immigrée est devenue majoritaire, les diplomaties occidentales valident le processus de séparatisme ethnico-religieux susmentionné, et créent ainsi un dangereux précédent en Europe. Il n'est pas irréaliste de penser, du fait de la forte poussée migratoire et démographique des musulmans d'Europe, que le cas kosovar risque de faire des émules dans d'autres pays, notamment lorsque les populations musulmanes sont concentrées, ce qui est le cas en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique, et bientôt en Italie et en Espagne.
L'histoire est riche de tels phénomènes : avant le Kosovo, il y a eu le Pakistan, et demain il y aura peut-être la partie tamoule du Sri Lanka, le Sud musulman de la Thaïlande, le Nigéria déchiré entre provinces musulmanes et chrétiennes, et, pourquoi pas, l'Afrique du Sud éclatée, quand la figure fédératrice de Nelson Mandela ne sera plus là pour unir Noirs et Blancs, guère réconciliés depuis la fin de l'Apartheid.
La Serbie, avec laquelle la communauté internationale avait été trop complaisante au début des années 1990, est ainsi devenue le bouc émissaire de la mauvaise conscience européenne. Tout cela pour qu'une logique diabolique de séparatisme ethnico-religieux se mette en place, sans savoir où elle mènera le Continent vieillissant, dont la population ne maintient son niveau que grâce à l'immigration, que, du reste, elle n'arrive pas à intégrer, quel que soit, d'ailleurs, le modèle d'intégration en cause.
Pour parer au procès en néo-conservatisme que l'on me fait ici et là, je précise comme l'a également fait le social-démocrate Cratyle que je ne suis pas d'accord avec Samuel P. Huntington, idéologue majeur des néo-conservateurs, qui prophétisait en 1993 sur un trop binaire « choc des civilisations ». L'exemple de la Tunisie, qui concilie islam et relations fructueuses et paisibles avec l'Occident, notamment avec la France, prouve que la situation est plus complexe. Je ne suis pas plus d'accord avec Huntington lorsqu'il établit une séparation civilisationnelle entre la Chrétienté occidentale (catholique ou protestante) et le monde slave orthodoxe. Si ces deux ensembles ont une existence propre -le soutien de Moscou à Belgrade le prouve bien-, il n'y a pas de césure entre eux. L'héritage chrétien commun réunit davantage l'Est et l'Ouest que la Guerre froide, qui n'était pas civilisationnelle mais idéologique, ne les avait séparés.
Dès lors, un Occidental ne peut que s'inquiéter que l'abaissement voulu d'une Serbie jadis hégémonique et agressive serve à promouvoir la naissance d'une nouvelle enclave musulmane en Europe. Si la guerre de 1999 a effectivement interdit la vie commune des Albanais musulmans et des Serbes orthodoxes -qui vont devoir s'exiler en Serbie- au Kosovo, ce précédent doit rendre l'Europe vigilante face aux prochaines enclaves musulmanes qui risquent de s'y former. Les dirigeants européens sauront-ils contrer cette menace ?
Tant que la natalité sera, par la contraception et surtout l'avortement de masse, réfrénée, et l'immigration vue comme le seul moyen de suppléer à la dénatalité en Europe, la logique fatale décrite plus haut ne pourra que s'accentuer dangereusement.
Roman Bernard

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