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Perturbateurs endocriniens : le principe de précaution s'applique aujourd'hui

Publié le 26 juillet 2011 par Arnaudgossement

sénat.jpegLe sénateur Gilles Barbier vient de publier un rapport important intitulé "perturbateurs endocriniens : le temps de la précaution" établi au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Pour avoir consacré ma thèse de doctorat au principe de précaution, il me semble que ce rapport emporte des conséquences immédiates, tant pour l'application du principe de précaution que pour la responsabilité des acteurs concernés.


Le rapport de Gilles Barbier peut être consulté ici.

Les règles, rapports et études se multiplient sur les conséquences sanitaires possibles des perturbateurs endocriniens. En France, le député Yvan Lachaud a, au demeurant, déposé une proposition de loi, adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale "visant à interdire l'utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols".

En réalité, s'agissant des perturbateurs endocriniens, nous sommes en train de glisser de la précaution à la prévention. La somme des connaissances scientifiques disponibles entre ces substances et certaines pahtologies devient conséquente.

M Barbier note ainsi, dans son rapport :

"Depuis quelques dizaines d'années, on a découvert que des substances chimiques, naturelles ou artificielles, étrangères à l'organisme pouvaient perturber le fonctionnement du système hormonal et induire des effets délétères aussi bien à court qu'à long terme sur un individu ou sa descendance. Ces substances sont regroupées sous le vocable général de perturbateurs endocriniens. La perturbation endocrinienne est un mécanisme d'action qui induit un déséquilibre de l'homéostasie. Les cibles comme les effets sont multiples".

La dépêche AFP relative au rapport du sénateur Gilles Barbier précise :

"Il existe ainsi un lien de causalité crédible entre certaines maladies touchant à la fertilité ou au cancer et les perturbateurs endocriniens, note l'auteur du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)".

Dés l'instant où ledit lien de causalité est "crédible" et que cela est dûment consigné dans un rapport qui fait nécessairement autorité, il incombe de ne plus attendre

C'est pourquoi M Barbier conclut alors à la nécessité d'agir :

"L'ensemble de ces données mettant en évidence les dangers et les risques des perturbateurs endocriniens pour l'environnement et la santé humaine sont suffisamment nombreuses et précises pour inciter à l'action. Il convient de développer une politique évolutive de protection de l'environnement et des populations en fonction des résultats scientifiques".

L'auteur du rapport propose alors une série de mesures dont celles-ci :

  • Elargir les recherches en termes de substances et d'organes cibles
  • Donner la priorité à l'adoption de tests reconnus internationalement pour identifier les perturbateurs endocriniens et que soit donné un fondement plus solide aux mesures de réglementation pour la santé et l'environnement au niveau européen.
  • Limiter l'usage des substances incriminées, prendre en compte leur dimension de perturbateur endocrinien potentiel et réduire leur rejet dans l'environnement.
  • Réduire l'exposition périnatale, c'est-à-dire du jeune enfant et de sa mère, de la conception aux premières années de la vie.
  • Soumettre à un étiquetage particulier les produits de consommation courante contenant des substances présentant un risque élevé de perturbation endocrinienne, pour informer les mères et les inciter à en utiliser d'autres
  • Accélérer le retrait des phtalates à chaîne courte dans les applications médicales à destination des femmes enceintes et jeunes enfants.
  • Adopter le principe selon lequel tous les produits qui leur sont spécifiquement destinés soient exempts de perturbateurs endocriniens.

Alertes et responsabilité des producteurs

Trés précisément, ces rapports - dont celui de M Barbier - constituent autant d'alertes, qui seront un jour analysées par le Juge pour identifier la responsabilité éventuelle des acteurs qui n'auront peut être pas réagi auxdites alertes.

Il n'est pas de propos de présenter ici tous les régimes de responsabilité susceptibles d'être impactés par la révélation de telles informations sur le risque lié aux perturbateurs endocriniens.

Il importe cependant d'écarter un certain nombre d'idées reçues en tenant compte de précédents comme celui de l'amiante qui a notamment donné lieu à une jurisprudence abondante, depuis 2002 de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

En premier lieu, il convient de rappeler que l’absence de texte spécifique n’exonère pas l’employeur de son obligation de protéger la santé de ses employés. En second lieu, l'incertitude des connaissances ne constitue pas davantage une cause d'exonération de responsabilité.

Il faut donc souligner que ces rapports, tels celui de M Barbier, sont autant d'informations qui appellents les acteurs concernés. Il appartient alors aux industriels, aux producteurs, aux employeurs de s'assurer, d'une part qu'ils sont correctement informés de l'évolution des connaissances sur le risque, d'autre part et dans toute la mesure du possible, qu'ils contribuent à cette évolution des connaissances, enfin, qu'ils prennent toutes les mesures appropriées pour limiter ou prévenir le risque.

Last but not least, le principe de précaution implique un important travail d'archivage et de mobilisation rapide des preuves de la réalisation de ces mesures en cas de contentieux. 

Le temps de la précaution est donc le temps d'aujourd'hui.

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Perturbateurs endocriniens: protéger les mères et les enfants d'abord (AFP)


PARIS - Etiqueter des produits contenant des perturbateurs endocriniens pour protéger les plus vulnérables, les bébés et les femmes enceintes: un rapport parlementaire, publié mercredi, propose d'agir, sans attendre, au nom du principe de précaution.
Les produits de consommation courante qui contiennent des substances présentant un risque élevé de perturbations hormonales pourraient être soumis à un étiquetage particulier pour informer les mères et les inciter à les éviter, suggère le sénateur Gilbert Barbier qui a présenté le rapport.
Il propose l'exemple du pictogramme -un sens interdit barrant une silhouette de femmme enceinte- apposé sur les bouteilles de vin et d'alcool.
Substances naturelles ou de synthèse, étrangères à l'organisme, les perturbateurs endocriniens (PE) incluent des pesticides, des phtalates (présents dans les tuyaux de perfusion, cosmétiques...), le bisphénol A (revêtement plastique interne des canettes, boîtes de conserve...).
Les PE peuvent perturber le fonctionnnement du système hormonal (endocrinien) et induire des effets délétères aussi bien à court qu'à long terme sur l'individu et sa descendance, souligne le sénateur du Jura.
Il existe ainsi un lien de causalité crédible entre certaines maladies touchant à la fertilité ou au cancer et les perturbateurs endocriniens, note l'auteur du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).
Certes, de nombreuses incertitudes (mécanismes d'action à faibles doses, en mélange...) persistent, mais l'on en sait assez pour agir dès maintenant afin de protéger les populations les plus vulnérables, selon lui.
Réduire l'exposition périnatale, c'est-à-dire du jeune enfant et de sa mère, de la conception aux premières années de la vie, doit devenir un objectif, souligne-t-il.
C'est, en effet, la période la plus sensible où les conséquences d'une exposition, même faible, risquent d'être importantes, estime-t-il.
Car les PE ne répondent pas à la règle d'une relation linéaire entre la dose et l'effet poison.
Avec ces substances, des effets forts peuvent être constatés à faible dose ou bien l'inverse. Et leur mélange peut entraîner des effets allant au-delà de leur simple addition, pointe le rapport.
A certaines périodes de la vie, comme pendant la vie intra-utérine, ce n'est plus la dose qui fait le poison, mais le moment précis de l'exposition, note-t-il.
Il appelle aussi au remplacement accéléré de produits problématiques, tels les phtalates à chaîne courte (DEHP), utilisés en médecine notamment en néonatalogie et gynéco-obstétrique.
Le sénateur préconise également de développer la recherche, en améliorant sa coordination nationale et européenne avec une priorité: l'adoption de tests de détection reconnus internationnalement.
Dans ce rapport, le sénateur rappelle que les inquiétudes sur les PE proviennent de l'augmentation importante et non encore expliquée de maladies liées au système hormonal, comme certains cancers (prostate, sein), ou des problèmes de fertilité.
En France, l'incidence du cancer du sein a doublé depuis 1980. Il en serait de même du cancer du testicule dans les pays développés depuis 1970.
En matière de fertilité, les chercheurs s'inquiètent d'une possible combinaison d'une baisse de moitié du nombre de spermatozoïdes et d'une augmentation des malformations génitales masculines.
Les PE sont également soupçonnés d'altérer la croissance, le développement et le comportement.
(©AFP / 13 juillet 2011 18h21)


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