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Retour sur le protectionnisme français du XIXème siècle

Publié le 27 juillet 2011 par _

JacquesLaffitte

 

Jacques Laffitte, banquier et homme politique de premier plan durant la Monarchie de Juillet, symbole de la nouvelle classe dominante en France : la Grande Bourgeoisie

Alors que la généralisation des échanges à l'échelle mondiale et l'émergence de grandes nations économiques concurrentes raniment le débat sur le protectionnisme français ou européen, il me semble intéressant de revenir sur le protectionnisme français du XIXème siècle1, soit à une époque où précisément le libéralisme voire certaines prémisses de l'anarcho-capitalisme avaient le vent en poupe.

Le XIXème siècle français, et plus précisément la période de la monarchie de Juillet (1830-1848), a ceci de particulier que des industriels, à l'image du banquier Jacques Laffitte, qui possédaient déjà le pouvoir économique, accèdent au pouvoir politique, que ce soit au parlement ou même dans certains ministères occupés traditionnellement par l'aristocratie foncière et la noblesse militaire. Dès lors, les moyens publics vont se mettre au service des intérêts privés d'une classe – la Grande Bourgeoisie – qui compte bien conserver ses avantages dans la compétition économique naissante.

Alors même que les doctrines libérales et libre-échangistes se diffusaient massivement jusque dans le Collège de France, et face à la Ligue du Libre-Echange fondée par le héros de l'anti-étatisme, Frédéric Bastiat, la résistance des grands industriels se met en place grâce aux pouvoirs de l’État. C'est ainsi que s'établit à Mulhouse le « Comité pour la Défense du travail national » et qu'une série de mesures protectionnistes concernant le bois, le textile ou l'agriculture sont prises, souvent par simples ordonnances.

Si le gouvernement de la monarchie de Juillet tente bien de limiter ces lois protectionnistes pour mieux servir l'intérêt général – en permettant à l'industrie française de se moderniser et de se dynamiser par la confrontation avec des concurrents mieux équipés et par des projets d'accords douaniers avec la Belgique – le Parlement, composé essentiellement de grands industriels, fait bloc en matière de protectionnisme et refuse toute intiative libérale du gouvernement.

Un accord tacite est passé : au gouvernement les questions de politique générale, et au parlement les affaires économiques. S'en suivront des oligopoles dans certains secteurs comme celui des chemins de fers qui feront la fortune de grands bourgeois comme Rothschild, Péreire, ou Blount. C'est à cette époque qu'apparaissent ou se consolident certains futurs mastodontes du CAC 40 comme la Société Générale ou Saint-Gobain.

Durant la monarchie de Juillet, le protectionnisme est donc le nom que la classe dominante a donné à sa stratégie d'enrichissement et de préservation de parts de marché. En fin de compte, il apparaît que le protectionnisme protège d'abord les capitaux, et donc ceux qui les détiennent, avant de protéger l'emploi ou les travailleurs. Si l'époque et les conditions de la concurrence économique ont bien changé, il n'est pas inutile d'avoir cet élément en tête lorsqu'on en appelle au « protectionnisme2 » ou à la « démondialisation3 ».

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1 Voir pour tout ce qui suit : Jean Lhomme, La grande bourgeoisie au pouvoir (1830 – 1880), PUF, 1960

2 http://www.lepoint.fr/economie/les-craintes-economiques-alimentent-le-protectionnisme-21-07-2011-1354906_28.php

3 http://lexpansion.lexpress.fr/economie/la-demondialisation-pour-les-nuls_258440.html


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