AVANT L’AUBE de Raphaël Jacoulot

Il y a du Chabrol dans l’air. En effet, Avant l’aube- avec son intrigue complexe bien moins intéressée par la résolution policière de l’ensemble que par ses figures antagonistes (bourgeoisie versus pauvreté)- rappelle les leitmotivs du cinéaste disparu. Avec ce second long métrage (après Barrage), Raphaël Jacoulot frappe fort : niveau mise en scène, sens du cadre, tenu du scénario et direction d’acteurs. Le pitch a tout du bon polar mais sent bon la subtilité : pas de meurtre ici, juste une bataille entre innocents qui tentent de tirer leur épingles du jeu. Soit un père de famille (Bacri qui fait du Bacri, parfaitement !), qui couvre l’erreur d’un fils (Xavier Robic). Un directeur d’hôtel, père d’un futur père, deux figures patriarcales qui s’engueulent, se font des reproches, mais se retrouvent unies dans un silence qu’il faut préserver. Face à eux, le gosse de rien, sans père (justement !) et sans fortune, petit taulard crédule, au courant de la chose : un accident de voiture fatal, maquillé, une mort involontaire, dissimulée, du meurtre sans l’intention de meurtre.
Un terreau formidable pour y inscrire l’essentiel : une dimension psychologique profonde, et une lutte des classes sous-jacente, cruelle et correctement exploitée. Au diapason, des acteurs impeccables : de Vincent Rottiers, en amateur de rap naïf, à Sylvie Testud en femme Colombo tout sourire, en passant par une Céline Sallette accablée, tout ce beau monde est pris dans les rouages d’un vrai bon film français, coincés dans l’étau d’un cadre étudié (l’espace montagneux des Pyrénées, paradoxalement anxiogène). Tout du long, Raphaël Jacoulot- dont on retiendra le nom- s’acharne à distiller une atmosphère pesante, captivante, envoûtante, qui susurre les non dits et les critiques sociales. Ce n’est pas un policier à proprement parler (comme en témoigne cette fin joliment suspendue), ni un véritable polar (pas de vilains assassins ni de manichéisme). Finalement, Avant l’aube, hanté par des protagonistes ni tout blancs ni tout noirs qui essaient simplement de sauver leur peau, porte bien son titre : se situant entre chien et loup, quelque part au crépuscule des nuances.

Sortie DVD : 20 juillet 2011