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FESTIVAL DE BAYREUTH 2011: PARSIFAL, le 28 juillet 2011, dir.mus: Daniele GATTI, ms en scène: Stefan HERHEIM

Publié le 31 juillet 2011 par Wanderer

Le compte rendu de ce Parsifal a ouvert ce blog, en août 2009. Je ne l'avais pas revu depuis. C'est donc avec joie que j'ai obtenu au dernier moments des billets pour cette représentation, qui a pleinement confirmé mon opinion sur ce spectacle.
Une fois de plus, la mise en scène de Stefan Herheim, superbe à voir, qui déborde d'idées et qui multiplie les points de vue est passionnante et frappe les esprits: le final, qui implique la salle par un habile jeu de miroir, fait de Parsifal celui qui a réconcilié, le pacificateur, celui qui clôt l'histoire douloureuse de l'Allemagne. Symbole de la Renaissance, le Neues Bayreuth. En effet, la guerre a détruit la villa Wahnfried, toile de fond des deux actes précédents: c'est dans la représentation de ses ruines sur la scène de Bayreuth que se déroule la première partie du troisième, puisque le théâtre est seul demeuré debout à la fin de la guerre. L'Enchantement du vendredi saint devient du même coup un hymne à la renaissance de Bayreuth et  la cérémonie du Graal, un hymne à la renaissance de la démocratie. Débarrassé de ses oripeaux chrétiens, Parsifal devient une sorte de mythe civil de la renaissance de la nation, du monde, et du public. Tous deviennent concernés et non plus spectateurs -comme souvent dans les Parsifal vus dans les théâtres- d'une cérémonie du Graal qui n'a pas grand sens dans notre monde contemporain sinon celle d'une sorte de mysticisme à bon marché qui ne nous dit rien.

On reste toujours stupéfait de la perfection technique, des (multiples) changements de décor qui se déroulent avec une étonnante discrétion et fluidité, sans un bruit, et de la beauté des différents tableaux, ainsi que de l'ironie avec laquelle certaines périodes sont lues, grâce à des citations cinématographiques précises (l'Ange bleu: Kundry apparaît d'abord comme Marlène Dietrich, mais aussi les ballets nautiques d'Esther Williams (les filles fleurs). Tout cela fascine sans distraire: la musique, conduite toujours avec bonheur par Daniele Gatti, qui a beaucoup plus de succès ici que dans son pays. La lenteur calculée, le sens des équilibres sonores et des volumes, la mise en valeur des instruments solistes, tout cela rend ce Parsifal musicalement très intéressant, et aussi très satisfaisant.
Le chœur est dans sa forme habituelle, c'est à dire phénoménale. Et la distribution légèrement différente reste d'un bon niveau.
Depuis Waltraud Meier, Bayreuth n'a jamais su trouver une Kundry qui soit à la hauteur du lieu, sinon de l'enjeu (Evelyn Herlitzius peut être?). Dans la mise en scène précédente, elle était inexistante (Michelle De Young  n'avait pas convaincu) , dans celle-ci, Mihoko Fujimura n'était pas vraiment une Kundry, et elle s'est fourvoyée dans le rôle. . Susan Mclean domine la partition jusqu'à la fin du 2ème acte, où elle ne réussit cependant pas à donner les aigus voulus (terribles) par le rôle. On n'y est donc pas tout à fait, mais la personnification et l'engagement sont bien supérieurs à ceux de la Fujimura.
Simon O'Neill quant à lui est un Parsifal très en place, à la voix claire, sonore, bien posée. Il avait favorablement impressionné dans Siegmund à la Scala, il est ici à la hauteur dans un rôle il faut bien le dire ingrat. Seuls Domingo (et encore, pas au début) et surtout Jon Vickers ont été des Parsifal qui dès le début impressionnaient. Jon Vickers notamment avait quelque chose de tellement déchirant dans la voix! Les autres furent bons (ils s'appelaient Peter Hoffmann, René Kollo, Siegfried Jerusalem) mais pas inoubliables, certains autres complètement oubliés sans déshonorer (Poul Elming, William Pell), d'autres enfin qu'il vaut mieux avoir oublié (Endrik Wottrich, Alfons Eberz). Parsifal n'est pas un rôle où l'on peut vraiment s'envoler, mais c'est un rôle où l'on peut définitivement se noyer.
Les autres chanteurs n'ont pas changé: Detlev Roth avec sa voix claire, très douce, son phrasé impeccable, réussit à masquer ses problèmes de volume et de puissance, et la composition est vraiment impressionnante. Kwanchoul Youn compose un Gurnemanz toujours réussi: le rôle qui sollicite beaucoup les graves lui convient parfaitement. Ses aigus en effet peinent un peu quelquefois, et la voix change de couleur. Dommage, mais il reste un Gurnemanz de très haut niveau.
Au total, sans être la représentation de référence (on avait vécu la veille dans Lohengrin bien autre chose), ce Parsifal garde d'année en année ses qualités, et le niveau musical ne baisse pas, reste très homogène, dans la fosse comme sur scène. Un Parsifal à Bayreuth est toujours une expérience particulière, car l'oeuvre a été composée en fonction de l'acoustique et de l'organisation de la salle. Quant à la mise en scène, on peut ne pas aimer l'approche d'Herheim qui est un metteur en scène de la profusion, de la multiplicité des regards, étourdissant d'idées, mais on doit lui reconnaître sa logique, sa rigueur, et saluer l'expression d'une culture particulièrement profonde et subtile; on doit aussi reconnaître  aussi à son équipe, un sens esthétique aigu car on voit rarement des décors d'une telle beauté. Mises bout à bout ces mises en scène (K.Wagner, H.Neuenfels, S.Herheim, Ch.Marthaler) proposent des visions du monde très différentes, mais stimulent le spectateur qui n'a qu'une envie, prolonger la représentation par des lectures approfondies. Comme disait Wieland Wagner, ici, ce sont les valeurs de l'art qui valent, et les questions posées par les mises en scènes sont des regards artistiques posés sur le monde d'aujourd'hui, souvent pessimistes, subversifs quelquefois, courageux toujours.


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