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L'in-surrection du Nom, retour en talvera (la contrelittérature à contrecoeur)

Par Tudry

A propos de Au Coeur de la Talvera, Alain Santacreu, Arma Artis, 2010

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Les noolecteurs quelque peu habitués au lexigon de ce non-espace doivent être plutôt familiarisés à ce terme étrange de « contrelittérature » et savoir, en outre, l'importance qu'il a revêtu dans l'existence même du processus qui se donne à voir et entendre ici-nul part. Pour les autres, non-habitués ou inattentifs je les renvois sans plus de forme à ceci :

http://thierryjolif.hautetfort.com/archive/2009/04/20/la-spirale-intensificatrice-de-l-esocriture.html

et cela encore

http://thierryjolif.hautetfort.com/archive/2009/06/23/la-contrevolution-des-armees-celestes.html

Pour son « in-venteur », Alain Santacreu, la Contrelittérature n'est pas une théorie au sens moderne du mot, mais bel et bien une « theoria », vision et contemplation orientée vers l'archidivin. En ce sens Matthieu Baumier a bien raison, dans sa postface, de la nommer « poétique ». Il y aurait un livre à écrire en miroir à ce livre. Afin de composer ce texte dense, Alain Santacreu a repris, retravaillé et refondu ces principaux écrits « théoriques ». Ce brillant exposé appelle à un dépassement du « dialogue » en forme close. Ce dépassement se fait alors dia-logos qui régénère l'échange, la relation mutuelle de deux visions qui, tout en restant, strictement intérieures et personnelles se rencontrent et s'éclairent l'une l'autre. De par sa mise en forme, ce livre nous délivre donc un véritable « outre-texte ». Il est chemin, cheminement dans le déploiement de la vision-theoria, poétique inspirante et miroir noétique. Chaque « partie » chargée d'intuitions, renvoie à une autre postérieure ou antérieure.

La ligne de force de cette poétique stratégique et véritablement transgressive se tient dans la discrimination. La mise au jour du renversement de la littérature, de la naissance de celle-ci dans l'abandon de la « mystique », c'est-à-dire de la vie secrète (intérieure et éternelle) de l'eso-anthropos est déjà une victoire.

Ayant, à la lecture de certain passage ressenti (encore) une véritable joie, un mouvement de communion très particulier, je ne saurais trop dire qu'il est essentiel de lire et de relire ce texte dont on ne peut que saluer la capacité à faire partager une enthousiaste énergie intuitive et créatrice. Particulièrement exaltant est le chapitre « Mesure contre Usure » qui, par une lecture contrelittéraire inspirée de Pound et de Novalis, ouvre à la généalogie de la littérature et de son contraire par elle engendrée ; que le chapitre suivant analyse plus précisément encore...

Toutefois, le « but » premier de cet espace projectif n'étant pas la « critique littéraire » et que ce livre est d'essence contrelittéraire il me semble, intuitivement, qu'il est essentiel d' aller « outre » !

Je disais en préambule l'importance dans l'ignition du nooblog de ma rencontre avec Alain Santacreu et de mon cheminement en contrelittérature. Je revois encore aux textes cités afin de souligner que la rupture fut tout aussi décisive. Elle s'est amorcée autour d'un texte. Celui-ci est, et demeurera l'outre-texte in-plicite du processus Tropinka... Longuement préparé, travaillé et retravaillé (en étroite sympathie avec AS), il n'est lui-même qu'une « scholie à un texte implicite » et sa destination finale devait être le livre-manifeste de la Contrelittérature (paru aux éditions du Rocher, ...). Il n'en sera rien à cause d'une brouille obscure. Et peu importe, puisque « la lumière luit dans les ténèbres mais que les ténèbres ne peuvent la contenir », au-delà de nos individualités aux saillies égotiques il y a nos personnalités et le pardon.

Bref, ceci étant exposé, éclaircissons encore un peu. « Mon » texte est-était une glose-intuitive autour d'un essai du Père Serge Boulgakov sur le Saint-Graal. Ce symbole éminemment occidental posait question au Père Serge et sa réflexion se basait sur sa grande expérience à la fois des textes saints et de la pratique liturgique orthodoxe.

Ce thème et la « littérature » qui l'a accompagné ne peuvent être étrangers à l'oeuvre contrelittéraire. Et, c'est ici, entre autre, que nous divergeons. Mais, « l'espace de l'interhumain est théocentrique » (p.62)

« Le Graal aura été, durant l'époque romane, le symbole de la grâce du Saint-Esprit... Fort curieusement et très subitement, vers la fin du XIIIe siècle, le symbole du Graal s'effaça, ne donnant plus lieu à de nouveaux développements littéraires et cessant d'opérer dans l'imaginaire occidental : le Sacré-Coeur se substitua à lui à travers le langage mystique. » (p.222)

« Le Sacré-Coeur est une métamorphose du Graal. Lorsque la signification intérieure d'un symbole n'est plus connue, il perd toute efficience, son caractère sacré et sa fonction. Il ne peut plus être un canal pour la grâce. Il faut alors le remplacer, soit par un signe équivalent, soit par un symbole fondamental de nature à réintégrer la tradition concernée dans son état antérieur. » (p.45)

Je ne saurais contredire et contrevenir à ceci. Oui mais, voilà. Il manque « quelque chose ». C'est déjà ce que « disent » les romans du Graal. Ils content une perte. Qui ne sait l'importance dans cette quête de la table et de la réunion des chevaliers autour d'icelle ? Qui ne connaît ces étranges « procession » qui intriguent encore les professeurs et professionnels de l'analyse ? Or, dans toutes ces fines analyses on a, au fil du temps, soigneusement relégué tout ce qui embarrassait, tout ce qui semblait « surajouté », « superflu »... Le tailloir et puis la lance, le plat...

A plusieurs reprises Alain remarque que les textes, la « spiritualité » autour du Graal appartiennent en propre à la période « romane », que le nom même qu'ils initièrent de « roman » correspond encore à cela... Mais qu'est-ce à dire ? Et pourquoi la fin du XIIIe siècle ? N'est-ce pas là le temps des croisades ? N'est-ce pas là que définitivement l'Occident (et la résistance romane, c'est-à-dire « romaine impériale », celle des gallo-romains orthodoxes soumis aux mensonges politico-théologiques des Francs) cède devant l'esprit du « doux-commerce » et se vend aux marchands, ouvrant par la guerre « religieuse » le dépeçage de l'authentique Empire romain chrétien... ?

La doctrine de la transsubstantiation qui s'élabore alors est l'un des signes de l'échec de la résistance orthodoxe... La coupe, la coupe inséparable de la lance qui saigne, de la table... Le Corps inséparable du Sang... Une abstraction doctrinale (non dogmatique) s'y substituera et dans les derniers écrits « graalique » (1) (chez Wolfram) la Coupe est une pierre, le coeur de l'occident est pétrifié...

Le sang est ce qui porte l'Esprit igné... La perte de la communion sous les deux espèces est comme le reflet inversé de l'erreur pneumatologique qu'est le filioque. La « double procession » révèle ses conséquences funestes dans cet assèchement (2).

Une triste confusion donc, une erreur de focale, de mise au point... Logique. Toute « réaction » en Occident part d'une base faussée, rendue inféconde de par ses prémisses mêmes. Néanmoins, très, très au-dessus des réactionnismes, du « culturisme » se situe la contrelittérature, véritable vision personnifiante, nécessaire puisque l'occident a tant oublié ! Et je ne peux douter un seul instant qu'elle ne sache mener plus-loin, toujours de l'avant (« oubliant le chemin parcouru, nous allons droit de l'avant », saint Paul), l'ayant expérimenté moi-même ! Persuadé même, qu'elle seule, ou à peu près, pourra, par sa stricte et amoureuse rigueur, ramener à l'au-delà de la lettre !

  1. La Queste du Graal, ce texte qui semble condenser et étendre tout le symbolisme latent, est quand à lui, d'inspiration très nettement bénédictine. Est-ce donc vraiment un hasard si à notre époque, parmi les moines convertis à l'Orthodoxie se rencontrent nombre de bénédictins ? Je ne citerais que le Père Placide Deseille et renverrais à son texte : "Nous, Romains... Réflexions sur les origines orthodoxes de la France", Monastère saint-Antoine-le-Grand, métochion de Simonos Petra

  2. Comme il conduit à la réduction de l'ecclésiologie conciliaire et oecuménique à une centralisation absolutiste allant de conserve avec l'idée désastreuse de la lieu-tenance du Christ, ce qui suppose Son « absence »... !


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