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Maré : genèse d’un drame annoncé

Publié le 09 août 2011 par Tazar


Le drame de Maré
aurait-il pu être évité ? C’est la question que tout le monde se pose en Calédonie, trois jours après le week-end meurtrier qui s’est soldé par la mort de quatre personnes (pour trente blessés). En d’autres termes, l’Etat aurait-il pu intervenir préventivement ?

 

Albert Dupuy, haut-commissaire de la République, explique que, « des deux côtés, on se doutait qu’il y aurait des rencontres, sans doute musclées. Les deux parties (m’) ont dit qu’à Maré ce genre de contacts était presque traditionnel mais se déroulait toujours à la loyale. »

Il précise cependant, en réponse à des accusations d’intervention trop tardive de l’Etat, que « personne ne pouvait imaginer une telle violence. » (Les Nouvelles du 09/08/2011).

Contrairement à la thèse officielle, cependant, plusieurs évènements récents pouvaient au contraire laisser craindre une telle issue :

 

- Juin 2009 : suite au non renouvellement du contrat à durée déterminée d’une employée d’Aircal (cf ça tangue sur Aircal), puis pour réclamer le paiement des jours de grève, l’USTKE (et son Président de l’époque, M. Jodar) menace le territoire d’une grève générale (cf Au fond à gauche, à côté des toilettes) et bloque l’aérodrome de La Roche (cf Les bâches bleues sont de sortie).

Une marche de soutien à Nidoïsh Naisseline, grand-chef de Maré et PDG d’Aircal, est alors organisée à Tadine par des usagers excédés (cf Une grève contre le peuple).

 

Voici ce qui apparaît alors sur un tract signé par les grandes chefferies de Maré :

 

« Les grands chefs de Maré décident d'interdire toute manifestation de l'USTKE à proximité de l'aérodrome de Maré sous peine de sanction coutumière. Tant que cet affront (les insultes de l'USTKE proférées à l'égard de Nidoïsh Naisseline, « renégat à ta race », « cadre kanak incompétent », « grand chef bâtard », NDLR) n'aura pas été réparé, toute entrave au service public (aérodrome, service de santé, école, mairie...) du fait de l'USTKE sera considérée comme de la provocation et traitée comme tel. »

 

A la suite de cette marche, la tension est vive. Une délégation de Guahma monte à La Roche pour déloger les militants de l’USTKE et libérer l’aéroport. Seules quelques bousculades sont à déplorer. A la loyale.

 

- Avril 2010 : le conflit foncier qui oppose le district de Guahma au reste de l’île entre dans une phase plus active, sous la forme de fermetures sauvages de sites, pour l’essentiel des accès à la mer (cf La mer est fermée n°4). La tension monte d'un cran.

 

- Juin 2010 : le conflit foncier est à son apogée. Une délégation de Guahma se rend dans le district de Medu et y installe une borne géante, symbole de la discorde et de la nouvelle délimitation foncière imposée. Cette borne sera détériorée peu après, entraînant une expédition de rétorsion de quelques centaines de personnes de Guahma. Des coups de feu sont tirés en l’air, la tension est extrême pendant plusieurs jours, des rumeurs circulent mais le drame est encore évité.

 

Août 2011 : je ne vis plus à Maré depuis la fin de l’année dernière, mais suis avec attention les nouvelles en provenance de l’île.

Un Comité contre la vie chère (ou Collectif des usagers) réclame maintenant des billets AR îles/Nouméa à un tarif unique de 10 000 F. Difficile à accepter pour Aircal, compagnie privée qui remplit déjà – à perte – une mission de service public (le désenclavement des zones éloignées du territoire, non rentables) et se trouve à deux doigts du dépôt de bilan.

Pour obtenir gain de cause, le Comité recourt une fois de plus au blocage de l’aérodrome  de La Roche (ainsi qu'à Lifou et à l'île des Pins), et cela depuis deux semaines.

En face, un Comité pour la défense des populations les plus démunies se met en place, réclame le retour des avions et émet des craintes quant à la possible disparition d’Aircal. La compagnie est en effet maintenant au bord de la faillite (cf Les Nouvelles du 05/08/2011). Parallèlement, l'activité touristique (d'ordinaire déjà peu florissante) est au point mort.
Aircal et le tourisme regroupant à eux deux la quasi totalité des emplois des Kanak des îles et la principale source de leurs revenus, la situation économique n'est pas loin de devenir catastrophique.

 

6 août 2011 : dans son édition du matin, Les Nouvelles précise que la gendarmerie reste sur les lieux (de l’aérodrome de La Roche) pour éviter tout affrontement entre les deux camps. Un risque existait donc bel et bien.


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