L’art du soufflé

A propos de Mes meilleures amies de Paul Feig 2 out of 5 stars

Kristen Wiig, Maya Rudolph

A 35 ans, Annie connait une crise sans précédent : son fiancé l’a quittée, son magasin de pâtisseries a fait faillite et elle entretient une relation sans lendemain avec un riche et séduisant mais goujat homme d’affaires (John Hamm). Alors que sa meilleure amie Lilian doit bientôt se marier et qu’elle a été désignée comme témoin en chef, Annie se prend rapidement le « bec » avec Helen, une demoiselle d’honneur et récente amie d’Annie qui en fait un peu trop…

Que serait Mes meilleures amies sans Kristen Wiig ? La réussite de cette comédie américaine doit beaucoup au génie comique de son actrice principale qui a également co-écrit le scénario.

L’actrice de 37 ans, dont le physique oscille entre Jennifer Aniston et Sarah Jessica Parker et qui avait jusque là été cantonnée à des seconds rôles, dévoile un potentiel et une palette comiques qui puisent largement leur inspiration dans le cinéma burlesque de l’époque du muet. Kristen Wiig porte en tout cas le film de bout en bout.

Elle incarne avec brio une trentenaire peu équilibrée, mal dans sa peau voire en dépression. Sa vie s’écroule de jour en jour sans qu’elle ne puisse infléchir la trajectoire de ce naufrage intime. Dépassée, abonnée à la «  loose », Annie subit les évènements comme elle collectionne les échecs amoureux et professionnels. Passive, elle n’en reste pas moins philosophe, gardant un certain sens de l’ironie voire de l’autodérision. Sa rivalité avec Helen va donner autant lieu à une accumulation de gags (où les deux femmes surenchérissent pour prouver à Lilian leur amour et leur attachement) que constituer la goutte qui fait déborder un vase déjà bien rempli de malheurs.

Kristen Wiig, Chris O'Dowd

Pendant une heure, Mes meilleures amies fonctionne. Au-delà d’un humour franchement potache (scène des essayages de robes pour les demoiselles d’honneur), on rit de bon cœur aux déconvenues d’Annie autant qu’on s’attache aux personnages secondaires (le colocataire chauve d’Annie et la grosse Megan en tête). Il faut dire que pendant cette première scène, les sketches s’enchainent à toute allure et sur un rythme effréné. Le scénario, extrêmement bien ficelé, réserve de nombreux rebondissements et une surprise de taille avec la rencontre inattendue entre Annie et un gentil policier. L’allusion en forme de métaphore amoureuse des feux arrière qu’Annie doit changer (le flic lui fait : « Mais je ne pourrai pas supporter que vous ne changiez pas vos feux arrière ! ») est aussi fine qu’hilarante, clin d’œil à une scène célèbre dans La femme du boulanger de Raimu (1938) avec Raimu et contrepoint subtil à l’humour qui règne dans le film.

Mais voilà, au bout d’une heure, tout s’écroule. Le film hésite entre plusieurs pistes dont celle d’un Very bad trip version filles et se retrouve à court d’idées. A force  d’en faire trop, Mes meilleures amies ne fait plus rire. La comédie aurait gagné à ne durer qu’1h30 au lieu de ces 2 heures interminables. Que la morale soit sauve et la chute très convenue (sorte de spectacle total à l’américaine) n’est pas un inconvénient. Que le film s’essouffle totalement au bout d’une heure et retombe comme un soufflé (c’est le cas de le dire), si.

On aurait aimé que les scénaristes fouillent davantage les enjeux et les filons du film, ce qui constitue son cœur, sa morale, les liens ténus d’amitié entre Annie et Lilian (Maya Rudolph) notamment. Car si tout n’est qu’histoire de remords dans Mes meilleures amies (remords d’Annie pour sa méchanceté vis-à-vis du flic, remords de Lilian qui a répudié sa meilleure amie pour la remplacer par une arriviste) et de remise en question, ses pistes sont largement sous-exploitées…

www.youtube.com/watch?v=2GiaAcqYH4Q

Film américain de Paul Feig. Avec Kirsten Wiig, Maya Rudolph, Rose Byrne (2 h 04)

Scénario : 2 out of 5 stars

Mise en scène : 2 out of 5 stars

Acteurs : 4 out of 5 stars

Dialogues : 2 out of 5 stars