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Conseil d’État précise l’interprétation et les conditions d’application de la Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat

Publié le 13 août 2011 par Marx


Par cinq décisions du 19 juillet 2011, le Conseil d’État a apporté d’importantes précisions sur la façon dont il convient d’interpréter la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.
Les cinq affaires que le Conseil d’État a tranchées correspondaient à une réelle diversité de situations : elles ne concernaient pas toutes le même culte, ni le même type d’opérations. Quatre d’entre elles présentaient toutefois un point commun : dans chacune d’elles, étaient contestées des décisions de collectivités territoriales qui, poursuivant un intérêt public local, avaient soutenu un projet intéressant, d’une manière ou d’une autre, un culte. Dans la cinquième affaire, se posait la question de l’application des dispositions législatives permettant à des collectivités territoriales de conclure un bail emphytéotique administratif en vue de la construction d’un édifice destiné à un culte : la loi, en ouvrant une telle faculté à ces collectivités, devait-elle être regardée comme dérogeant à la loi de 1905 ?
Se posait ainsi pour l’essentiel dans ces affaires la question de la conciliation entre des intérêts publics locaux et les principes posés par la loi du 9 décembre 1905.
Pour rendre ses décisions, le Conseil d’État s’est appuyé sur les principaux articles de la loi du 9 décembre 1905 :
- l’article 1er dispose que : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public » ;
- l’article 2 affirme que : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. » ;
- Enfin, les articles 13 et 19 prévoient que les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, sont laissés gratuitement à la disposition des associations cultuelles formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice d’un culte et que celles-ci ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes qui peuvent toutefois leur allouer des sommes pour la réparation des édifices affectés au culte public. La loi autorise également que les personnes publiques propriétaires d’édifices du culte engagent les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation de ces derniers.
Le Conseil d’État a rappelé qu’en vertu de ces dispositions, les collectivités publiques peuvent seulement :
- financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l’Etat ;
- ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels.
Il leur est en revanche interdit d’apporter une aide à l’exercice d’un culte.
Dans ce cadre, deux enseignements majeurs se dégagent des décisions du Conseil d’État :
- d’une part, si la loi de 1905 interdit en principe toute aide à l’exercice d’un culte, elle prévoit elle-même expressément des dérogations ou doit être articulée avec d’autres législations qui y dérogent ou y apportent des tempéraments ;
- d’autre part, si les collectivités territoriales peuvent prendre des décisions ou financer des projets en rapport avec des édifices ou des pratiques cultuels, elles ne peuvent le faire qu’à la condition que ces décisions répondent à un intérêt public local, qu’elles respectent le principe de neutralité à l’égard des cultes et le principe d’égalité et qu’elles excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte.
1. Affaire n°308544 – Commune de Trélazé
Le sens de la décision
La loi du 9 décembre 1905 ne fait pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale participe au financement d’un bien destiné à un lieu de culte (par exemple, un orgue dans une église) dès lors qu’existe un intérêt public local (organisation de cours ou de concerts de musique) et qu’un accord, qui peut par exemple figurer dans une convention, encadre l’opération.
Les faits à l’origine de l’affaire
Par trois délibérations du 15 octobre 2002, le conseil municipal de la commune de Trélazé (Maine-et-Loire) avait décidé de procéder à l’acquisition et à la restauration d’un orgue en vue de l’installer dans l’église communale Saint-Pierre, qui était jusqu’alors dépourvue d’un tel instrument. Puis, par une délibération du 29 octobre 2002, il avait autorisé le maire à signer l’acte d’acquisition de cet orgue.
Un contribuable de la commune avait demandé l’annulation de l’ensemble de ces délibérations au motif qu’elles méconnaissaient la loi du 9 décembre 1905. Par un jugement du 7 octobre 2005, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande. Saisie en appel, la cour administrative d’appel de Nantes a confirmé la solution retenue. La commune de Trélazé contestait cette analyse devant le Conseil d’État.
Cadre juridique et question posée par l’affaire
La loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes dispose, à son article 5, que : « A défaut d’associations cultuelles, les édifices affectés à l’exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion (…). ». Il résulte ces dispositions, interprétées constamment en ce sens par la jurisprudence, que les ministres du culte ont la faculté d’utiliser pour le culte tous les biens qui se trouvent installés dans l’édifice cultuel et de s’opposer à ce que ces biens soient utilisés à d’autres fins que le culte.
La question posée par l’affaire était donc de savoir si les dispositions des lois des 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907 faisaient, par principe, obstacle à ce qu’une collectivité territoriale acquière un bien « mixte » (à usage cultuel et culturel) et l’installe dans un édifice affecté à l’exercice d’un culte.
Ce qu’a jugé le Conseil d’État
Le Conseil d’État a rappelé que les dispositions de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 garantissent un droit de jouissance exclusive, libre et gratuite des édifices cultuels qui appartiennent à des collectivités publiques, au profit des fidèles et des ministres du culte, ces derniers étant chargés de régler l’usage de ces édifices, de manière à assurer aux fidèles la pratique de leur religion.
Il a ensuite jugé que ces dispositions et celles de la loi du 9 décembre 1905 ne font pas obstacle à ce qu’une commune qui a acquis, afin notamment de développer l’enseignement artistique et d’organiser des manifestations culturelles dans un but d’intérêt public communal, un orgue ou tout autre objet comparable, convienne avec l’affectataire d’un édifice cultuel dont elle est propriétaire ou, lorsque cet édifice n’est pas dans son patrimoine, avec son propriétaire, que cet orgue sera installé dans cet édifice et y sera utilisé par elle dans le cadre de sa politique culturelle et éducative et, le cas échéant, par le desservant, pour accompagner l’exercice du culte.
Le Conseil d’État a subordonné une telle opération à la conclusion d’engagements destinés à garantir une utilisation de l’orgue par la commune conforme à ses besoins et une participation financière du desservant, dont le montant soit proportionné à l’utilisation qu’il pourra faire de l’orgue afin d’exclure toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte.
Enfin, dans le but d’éclairer le sens de sa décision et d’assurer la sécurité juridique de telles opérations, le Conseil d’État a précisé que ces engagements qui peuvent notamment prendre la forme d’une convention peuvent également comporter des dispositions sur leur actualisation ou leur révision, sur les modalités de règlement d’éventuels différends ainsi que sur les conditions dans lesquelles il peut être mis un terme à leur exécution et, le cas échéant, à l’installation de l’orgue à l’intérieur de l’édifice de culte.
En l’espèce, les principes ainsi dégagés ont conduit le Conseil d’État à casser l’arrêt de la cour administrative d’appel et à lui renvoyer l’affaire pour qu’elle examine si, en l’espèce, les conditions qui doivent encadrer ce type d’opérations ont été respectées.
 
 2. Affaire 308817 – Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône et M. P.
Le sens de la décision
La loi de 1905 ne fait pas obstacle aux actions des collectivités territoriales visant à valoriser les atouts culturels ou touristiques qu’un édifice cultuel présente pour elles. Ainsi, l’attribution, par la commune de Lyon, d’une subvention en vue de la réalisation d’un ascenseur facilitant l’accès des personnes à mobilité réduite à la basilique de Fourvière n’est pas contraire à l’interdiction d’aide à un culte posée par la loi de 1905, même si cet équipement bénéficie également aux pratiquants du culte en cause. En effet, cet ascenseur présente un intérêt public local lié à l’importance de l’édifice pour le rayonnement culturel et le développement touristique et économique de la ville, qui justifie l’intervention de la commune.
Les faits à l’origine de l’affaire
La basilique de Fourvière est un monument privé, détenu et géré par la Fondation Fourvière, reconnue comme établissement d’utilité publique. Elle accueille près de 2 millions de visiteurs par an.
Par une délibération du 25 avril 2000, le conseil municipal de Lyon avait attribué une subvention de 1,5 million de francs (228 673,52 euros) à la Fondation Fourvière afin de contribuer à la réalisation d’un ascenseur, d’un coût total de 3,3 millions de francs, destiné à faciliter l’accès des personnes à mobilité réduite à la basilique. Cet ascenseur devait permettre d’accéder directement à la nef ou à la crypte depuis le parvis, sans avoir à utiliser l’escalier – particulièrement pentu – qui relie ce dernier aux deux parties de l’édifice.
La Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône et M. P. avaient demandé l’annulation de cette délibération, au motif qu’elle méconnaissait l’interdiction des aides aux cultes posée par la loi du 9 décembre 1905. Par un jugement du 5 novembre 2002, le tribunal administratif de Lyon avait rejeté cette demande. Par un arrêt du 26 juin 2007 la cour administrative d’appel de Lyon, statuant en formation plénière, a rejeté l’appel que ces derniers avaient formé contre ce jugement. C’est l’arrêt que les requérants contestaient en cassation devant le Conseil d’État.
La question posée par cette affaire était de savoir si les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 font par principe obstacle à ce qu’une collectivité territoriale prenne en charge tout ou partie des dépenses de réalisation d’un équipement ou d’un aménagement en rapport avec un édifice affecté à l’exercice du culte – qu’elle en soit ou non propriétaire – lorsque la réalisation de cet équipement ou de cet aménagement présente un intérêt public local, lié notamment à l’importance particulière de l’édifice pour le rayonnement culturel et le développement touristique et économique de son territoire.
Ce qu’a jugé le Conseil d’État
Le Conseil d’État a jugé que les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 ne faisaient pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale finance des travaux qui ne sont pas des travaux d’entretien ou de conservation d’un édifice servant à l’exercice d’un culte, soit en les prenant en tout ou partie en charge en qualité de propriétaire de l’édifice, soit en accordant une subvention, lorsque l’édifice n’est pas sa propriété, en vue de la réalisation d’un équipement ou d’un aménagement en rapport avec cet édifice.
Il a toutefois soumis une telle possibilité à plusieurs conditions :
- en premier lieu, l’équipement ou l’aménagement projetés doivent présenter un intérêt public local, lié notamment à l’importance de l’édifice pour le rayonnement culturel ou le développement touristique et économique du territoire de la collectivité et il ne doit pas être destiné à l’exercice du culte
- en second lieu, lorsque la collectivité territoriale accorde une subvention pour le financement des travaux, il faut que soit garanti, par exemple par voie contractuelle, que cette participation n’est pas versée à une association cultuelle et qu’elle est exclusivement affectée au financement du projet.
Le Conseil d’État a ensuite précisé que la circonstance qu’un équipement ou un aménagement remplissant ces conditions soit, par ailleurs, susceptible de bénéficier à des personnes qui pratiquent le culte ne saurait affecter la légalité de la décision de la collectivité territoriale de financer ces travaux.
En l’espèce, et après l’examen des autres moyens qui lui étaient soumis, il a rejeté le pourvoi dirigé contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon.
 
3. Affaire n° 309161 - Communauté urbaine du Mans – Le Mans Métropole
Le sens de la décision
Une communauté urbaine ne méconnaît pas les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 en aménageant un équipement permettant l’exercice de l’abattage rituel, si un intérêt public local le justifie. Ainsi, la nécessité que les pratiques rituelles soient exercées dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public, en particulier de la salubrité et de la santé publiques, justifie légalement, en l’absence d’abattoir proche, l’intervention de la collectivité territoriale. En outre, les conditions d’utilisation de l’équipement en cause doivent respecter le principe de neutralité à l’égard des cultes et le principe d’égalité et elles doivent exclure toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte.
Les faits à l’origine de l’affaire
En septembre 2003, le conseil de la communauté urbaine du Mans – Le Mans Métropole- avait décidé l’aménagement de locaux désaffectés en vue d’obtenir un agrément sanitaire pour un abattoir local temporaire d’ovins. Cet abattoir était destiné à fonctionner essentiellement pendant les trois jours de la fête musulmane de l’Aïd-el-Kébir. Le conseil communautaire a autorisé le président de la communauté à engager la passation des marchés publics nécessaires. Puis, par une délibération du 21 octobre 2003, le conseil communautaire avait arrêté à 380 000 euros l’enveloppe budgétaire destinée au financement de ces travaux.
Un contribuable local avait demandé l’annulation de cette dernière délibération, au motif qu’elle avait été prise en méconnaissance de la loi du 9 décembre 1905.
Par un jugement du 31 mars 2006, le tribunal administratif de Nantes avait fait droit à cette demande. Par un arrêt du 5 juin 2007, la cour administrative d’appel de Nantes a confirmé ce jugement en jugeant que le crédit de 380 000 euros affecté à l’aménagement de l’abattoir en cause était constitutif d’une dépense relative à l’exercice d’un culte. La communauté urbaine contestait cet arrêt en cassation devant le Conseil d’État.
Cette affaire posait la question de savoir si et dans quelles conditions une collectivité territoriale peut, sans méconnaître les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, aménager un équipement pour permettre l’exercice de pratiques rituelles se rattachant à un culte, tel que l’abattage rituel, afin de concilier le libre exercice des cultes et des impératifs se rattachant à l’ordre public, tels que la salubrité publique ou la santé publique.
Ce qu’a jugé le Conseil d’État
Le Conseil d’État a jugé que la loi du 9 décembre 1905 ne fait pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, construise ou acquière un équipement ou autorise l’utilisation d’un équipement existant, afin de permettre l’exercice de pratiques à caractère rituel relevant du libre exercice des cultes.
Il a toutefois précisé qu’une telle faculté ne peut être légalement mise en œuvre que si sont respectées deux conditions :
- il faut qu’existe un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public, en particulier de la salubrité et de la santé publiques ;
- il faut que le droit d’utiliser l’équipement soit concédé dans des conditions, notamment tarifaires, qui respectent le principe de neutralité à l’égard des cultes et le principe d’égalité et qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte.
En conséquence, le Conseil d’État a cassé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, qui avait jugé que la délibération attaquée devant elle était illégale sans examiner si la communauté urbaine faisait état d’un intérêt public local tenant à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, du fait, notamment, de l’éloignement de tout abattoir dans lequel l’abattage rituel aurait pu être pratiqué dans des conditions conformes à la réglementation. Il a renvoyé à cette cour le jugement de l’affaire.
4. Affaire n° 313518 - Commune de Montpellier
Le sens de la décision
Une commune peut, dans le respect des principes de neutralité et d’égalité, permettre l’utilisation d’un local qui lui appartient pour l’exercice d’un culte si les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. En revanche, la mise à disposition pérenne et exclusive d’une salle polyvalente en vue de son utilisation par une association pour l’exercice d’un culte a pour effet de conférer à ce local le caractère d’édifice cultuel et méconnaît les dispositions de la loi du 9 décembre 1905.
Les faits à l’origine de l’affaire
Par une délibération du 28 janvier 2002, le conseil municipal de la commune de Montpellier avait décidé de construire une « salle polyvalente à caractère associatif » d’une surface totale de 1 010 m², d’inscrire au budget un crédit correspondant au coût de l’opération (soit 1 068 000 euros) et d’autoriser le maire à présenter une demande de permis de construire ainsi qu’à signer les marchés publics nécessaires. Deux années plus tard, par une convention signée le 2 juillet 2004, cette salle polyvalente avait été mise, pour une période d’un an renouvelable, à la disposition de l’association des Franco-Marocains, pour qu’elle puisse être utilisée comme lieu de culte par cette association.
Plusieurs conseillers municipaux avaient demandé l’annulation de la délibération du 28 janvier 2002 décidant de la création de la salle polyvalente. Par un jugement du 30 juin 2006, le tribunal administratif de Montpellier avait annulé cette délibération au motif qu’elle décidait une dépense relative à l’exercice d’un culte, en méconnaissance de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905. Par un arrêt du 21 décembre 2007, la cour administrative d’appel de Marseille a confirmé ce jugement. La commune de Montpellier contestait cet arrêt en cassation devant le Conseil d’État.
La question posée par l’affaire était de savoir dans quelles conditions une collectivité territoriale peut décider de mettre un local à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte, sans méconnaître les dispositions de la loi du 9 décembre 1905.
Ce qu’a jugé le Conseil d’État
Le Conseil d’État a tout d’abord rappelé sa jurisprudence constante, selon laquelle les dispositions législatives applicables (art. L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales) permettent à un commune d’autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, l’utilisation d’un local qui lui appartient pour l’exercice d’un culte par une association, dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. Il a également rappelé qu’une commune ne peut rejeter une demande d’utilisation d’un tel local au seul motif que cette demande lui est adressée par une association dans le but d’exercer un culte.
Il a ensuite posé le principe selon lequel les collectivités territoriales ne peuvent, sans méconnaître les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, décider qu’un local dont elles sont propriétaires sera laissé de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte et constituera ainsi un édifice cultuel.
En l’espèce, le Conseil d’État a censuré l’arrêt de la cour, en jugeant que celle-ci avait commis une erreur de droit en jugeant que la commune de Montpellier avait décidé une dépense relative à l’exercice d’un culte, alors qu’elle avait elle-même relevé que la délibération attaquée devant elle avait pour seul objet de réaliser une salle polyvalente et non d’autoriser son utilisation à des fins cultuelles ou de décider qu’elle serait laissée de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte.
Après avoir annulé l’arrêt attaqué devant lui, le Conseil d’État a renvoyé le jugement de l’affaire à la cour administrative d’appel de Marseille.
 
5. Affaire n° 320796 - Mme V.
Le sens de la décision
En autorisant la conclusion d’un bail de longue durée (« bail emphytéotique administratif ») entre une collectivité territoriale et une association cultuelle en vue de l’édification d’un édifice du culte, le législateur a permis aux collectivités territoriales de mettre à disposition un terrain leur appartenant, en contrepartie d’une redevance modique et de l’intégration, au terme du bail, de l’édifice dans leur patrimoine. Ce faisant, le législateur a dérogé à l’interdiction, posée par la loi du 9 décembre 1905, de toute contribution financière à la construction de nouveaux édifices cultuels pour permettre aux collectivités territoriales de faciliter la réalisation de tels édifices.
Les faits à l’origine de l’affaire
Par une délibération du 25 septembre 2003, le conseil municipal de Montreuil-sous-Bois avait approuvé la conclusion d’un bail emphytéotique d’une durée de 99 ans avec la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil, moyennant une redevance annuelle d’un euro symbolique, en vue de l’édification d’une mosquée sur un terrain communal d’une superficie de 1693 m² et il avait autorisé le maire à signer ce contrat.
Une conseillère municipale, Mme V., avait demandé l’annulation de cette délibération, au motif qu’elle avait été prise en méconnaissance des dispositions de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905. Par un jugement du 12 juin 2007, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait fait droit à cette demande. La cour administrative d’appel de Versailles avait, par un arrêt du 3 juillet 2008, annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme V, qui s’était pourvue en cassation devant le Conseil d’État.
Cadre juridique et question posée par l’affaire
Depuis la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988, ultérieurement codifiée aux articles L. 1311-2 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT), les collectivités territoriales peuvent conclure des baux emphytéotiques administratifs sur des dépendances de leur domaine privé, mais aussi de leur domaine public.
Cet article a été modifié par l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques qui a explicitement fait figurer à l’article L. 1311-2 du CGCT qu’un bail emphytéotique administratif peut notamment être conclu « en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public ».
Cette modification faisait écho aux considérations générales du rapport annuel du Conseil d’État pour 2004, « Un siècle de laïcité », qui avaient souligné que le recours aux baux emphytéotiques en matière d’édifices cultuels constituait un « instrument efficace et précieux pour les associations souhaitant construire un édifice cultuel. Il se développe cependant dans un contexte juridique incertain. Dès lors qu’il a fait ses preuves, il serait souhaitable de remédier à ces incertitudes. ».
L’affaire soumise au Conseil d’État posait deux questions :
- d’une part, la conclusion d’un bail emphytéotique administratif à objet cultuel était-elle possible avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 21 avril 2006 ?
- d’autre part, comment les dispositions relatives au bail emphytéotique devaient-elles être articulées avec celles de la loi du 9 décembre 1905 ?
Ce qu’a jugé le Conseil d’État
Le Conseil d’État a tout d’abord jugé que par l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dont la portée exacte sur ce point n’avait été qu’explicitée par l’ordonnance du 21 avril 2006, le législateur a permis aux collectivités territoriales de conclure un bail emphytéotique administratif vue de la construction d’un nouvel édifice cultuel, avec pour contreparties :
- d’une part, le versement, par l’emphytéote, d’une redevance qui, eu égard à la nature du contrat et au fait et au fait que son titulaire n’exerce aucune activité à but lucratif, ne dépasse pas en principe un montant modique ;
- d’autre part, l’incorporation dans le patrimoine des collectivités, à l’expiration du bail, de l’édifice construit, dont elles n’auront pas supporté les charges de conception, de construction, d’entretien ou de conservation.
Il a ainsi répondu à la première question par l’affirmative, en estimant que la conclusion d’un bail emphytéotique administratif en vue de la construction d’un édifice cultuel était possible dès avant la modification intervenue en avril2006.
En outre, le Conseil d’État a estimé que ce faisant, le législateur avait dérogé aux dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905. Il en a déduit que les règles posées par cette loi n’étaient pas applicables à un litige concernant la conclusion, par une collectivité territoriale, d’un bail emphytéotique administratif en vue de la construction d’un édifice cultuel : ce bail doit simplement respecter, notamment, les conditions régissant ce type de contrat.
En l’espèce, le Conseil d’État a substitué ce motif à celui retenu à tort par la cour administrative d’appel de Versailles et, après avoir écarté les autres moyens qui étaient soulevés devant lui, il a rejeté le pourvoi de Mme V.
 CE, 19 juillet 2011, Commune de Trélazé
N°308544
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Séance du 1er juillet 2011 - Lecture du 19 juillet 2011
COMMUNE DE TRELAZE
N° 308544
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Vu le pourvoi, enregistré le 14 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour la COMMUNE DE TRELAZE (49800), représentée par son maire ; la COMMUNE DE TRELAZE demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt n° 05NT01941 du 24 avril 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel qu’elle a formé contre le jugement n° 02-3956 du 7 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. G., les délibérations n° 6, 7 et 8 du 15 octobre 2002 par lesquelles son conseil municipal a décidé l’acquisition et la restauration d’un orgue pour l’installer dans l’église communale de Saint-Pierre et, par voie de conséquence, la délibération du 29 octobre 2002 par laquelle le conseil municipal a autorisé le maire à signer l’acte d’acquisition de cet orgue ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er et 72 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
Vu la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur,
- les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la COMMUNE DE TRELAZE et de Me Foussard, avocat de M. G.,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la COMMUNE DE TRELAZE et à Me Foussard, avocat de M. G. ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DE TRELAZE a, par trois délibérations de son conseil municipal du 15 octobre 2002, décidé de procéder à l’acquisition et à la restauration d’un orgue en vue de l’installer dans l’église Saint-Pierre, dont elle est propriétaire, puis a, par une délibération du 29 octobre 2002, autorisé le maire à signer l’acte d’acquisition de cet orgue ; que, par un jugement du 7 octobre 2005, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. G., contribuable de la commune, ces délibérations ; que la COMMUNE DE TRELAZE se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 24 avril 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel qu’elle a formé contre ce jugement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public » ; qu’aux termes de l’article 2 de cette loi : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes (…). » ; qu’aux termes de l’article 13 de la même loi : « Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (…). L’Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. » ; qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice d’un culte « ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. » ; qu’enfin, aux termes du premier alinéa de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes : « A défaut d’associations cultuelles, les édifices affectés à l’exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion. » ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l’Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels et qu’il leur est interdit d’apporter une aide à l’exercice d’un culte ; que, par ailleurs, les dispositions de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 garantissent, même en l’absence d’associations cultuelles, un droit de jouissance exclusive, libre et gratuite des édifices cultuels qui appartiennent à des collectivités publiques, au profit des fidèles et des ministres du culte, ces derniers étant chargés de régler l’usage de ces édifices, de manière à assurer aux fidèles la pratique de leur religion ;
Considérant, toutefois, que ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’une commune qui a acquis, afin notamment de développer l’enseignement artistique et d’organiser des manifestations culturelles dans un but d’intérêt public communal, un orgue ou tout autre objet comparable, convienne avec l’affectataire d’un édifice cultuel dont elle est propriétaire ou, lorsque cet édifice n’est pas dans son patrimoine, avec son propriétaire, que cet orgue sera installé dans cet édifice et y sera utilisé par elle dans le cadre de sa politique culturelle et éducative et, le cas échéant, par le desservant, pour accompagner l’exercice du culte ; qu’à cette fin, il y a lieu que des engagements soient pris afin de garantir une utilisation de l’orgue par la commune conforme à ses besoins et une participation de l’affectataire ou du propriétaire de l’édifice, dont le montant soit proportionné à l’utilisation qu’il pourra faire de l’orgue afin d’exclure toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte ; que ces engagements qui peuvent notamment prendre la forme d’une convention peuvent également comporter des dispositions sur leur actualisation ou leur révision, sur les modalités de règlement d’éventuels différends ainsi que sur les conditions dans lesquelles il peut être mis un terme à leur exécution et, le cas échéant, à l’installation de l’orgue à l’intérieur de l’édifice cultuel ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que les dispositions précitées de la loi du 2 janvier 1907 impliquent que tout équipement installé dans une église ne peut qu’être exclusivement affecté à l’exercice du culte et en en déduisant qu’une telle installation était nécessairement constitutive d’une aide au culte, sans rechercher si, compte tenu notamment de la nature de l’équipement en cause et des conditions convenues entre le desservant et la commune, les délibérations litigieuses avaient pu prévoir son installation dans l’église sans méconnaître les dispositions précitées des lois des 9 décembre 1905 et 2 janvier 1907, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE TRELAZE, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. G. d’une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la COMMUNE DE TRELAZE au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
———————
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 24 avril 2007 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nantes.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la COMMUNE DE TRELAZE et les conclusions de M. G. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article  4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE TRELAZE et à M. G.
Une copie en sera adressée pour information au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.
 CE, 19 juillet 2011, Fédération de la libre pensée et de l’action sociale du Rhône, M. P.
N° 308817
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Séance du 1er juillet 2011 - Lecture du 19 juillet 2011
FEDERATION DE LA LIBRE PENSEE ET DE L’ACTION SOCIALE DU RHÔNE , M. P.
N° 308817
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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 26 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la FEDERATION DE LA LIBRE PENSEE ET DE L’ACTION SOCIALE DU RHONE et M.  P.,; la FEDERATION DE LA LIBRE PENSEE ET DE L’ACTION SOCIALE DU RHONE et M. P. demandent au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt n° 03LY00054 du 26 juin 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté leur requête tendant à l’annulation du jugement n° 0002959 du tribunal administratif de Lyon du 5 novembre 2002, rectifié par ordonnance du 15 novembre 2002, rejetant leur demande tendant à l’annulation de la délibération du 25 avril 2000 par laquelle le conseil municipal de la commune de Lyon a attribué une subvention de 1,5 million de francs à la Fondation Fourvière pour participer au financement de travaux de construction d’un ascenseur destiné à faciliter l’accès des personnes à mobilité réduite à la basilique de Fourvière  ;
   …………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er et 72 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur,
- les observations de la SCP Boutet, avocat de la FEDERATION DE LA LIBRE PENSEE ET DE L’ACTION SOCIALE DU RHÔNE et de M. P., de la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Lyon et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la Fondation Fourviere,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boutet, avocat de la FEDERATION DE LA LIBRE PENSEE ET DE L’ACTION SOCIALE DU RHÔNE et de M. P., à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Lyon et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la Fondation Fourviere ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la basilique de Fourvière est détenue et gérée par la Fondation Fourvière, qui a été reconnue comme établissement d’utilité publique par un décret du 15 octobre 1998 ; que, par une délibération du 25 avril 2000, le conseil municipal de Lyon a attribué une subvention de 1,5 million de francs (228 673,52 euros) à la Fondation Fourvière, afin de contribuer à la réalisation d’un ascenseur, dont le coût total s’élevait à 3,3 millions de francs, destiné à faciliter l’accès des personnes à mobilité réduite à la basilique depuis le parvis, sans avoir à utiliser l’escalier qui relie l’une à l’autre ; que, par un jugement du 5 novembre 2002, rectifié par ordonnance du 15 novembre 2002, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la FEDERATION DE LA LIBRE PENSEE ET DE L’ACTION SOCIALE DU RHONE et de M. P. tendant à l’annulation de cette délibération ; que, par un arrêt du 26 juin 2007, contre lequel les requérants se pourvoient en cassation, la cour administrative d’appel de Lyon a confirmé ce jugement ;
Considérant, en premier lieu, que la cour n’a commis aucune erreur de droit en jugeant que le principe constitutionnel de laïcité n’interdisait pas, par lui-même, l’octroi, « dans l’intérêt général et dans les conditions prévues par les lois », de subventions au bénéfice d’organismes ayant des activités cultuelles ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public » ; que l’article 2 de cette loi dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. » ; qu’aux termes de l’article 13 de la même loi : « Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (…). L’Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. » ; qu’enfin, aux termes du dernier alinéa de l’article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice d’un culte « ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. » ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l’Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels et qu’il leur est interdit d’apporter une aide à l’exercice d’un culte ;
Considérant, toutefois, que ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale finance des travaux qui ne sont pas des travaux d’entretien ou de conservation d’un édifice servant à l’exercice d’un culte, soit en les prenant en tout ou partie en charge en qualité de propriétaire de l’édifice, soit en accordant une subvention lorsque l’édifice n’est pas sa propriété, en vue de la réalisation d’un équipement ou d’un aménagement en rapport avec cet édifice, à condition, en premier lieu, que cet équipement ou cet aménagement présente un intérêt public local, lié notamment à l’importance de l’édifice pour le rayonnement culturel ou le développement touristique et économique de son territoire et qu’il ne soit pas destiné à l’exercice du culte et, en second lieu, lorsque la collectivité territoriale accorde une subvention pour le financement des travaux, que soit garanti, notamment par voie contractuelle, que cette participation n’est pas versée à une association cultuelle et qu’elle est exclusivement affectée au financement du projet ; que la circonstance qu’un tel équipement ou aménagement soit, par ailleurs, susceptible de bénéficier aux personnes qui pratiquent le culte, ne saurait, lorsque les conditions énumérées ci-dessus sont respectées, affecter la légalité de la décision de la collectivité territoriale ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, si les requérants soutiennent que la cour aurait entaché son arrêt de contradiction de motifs et fait une inexacte application des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 en ce qu’elle ne pouvait juger qu’un ascenseur susceptible d’être utilisé par des fidèles pouvait faire l’objet d’une participation financière de la commune de Lyon, un tel moyen ne peut qu’être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la cour, en analysant les caractéristiques du projet en cause, n’a entaché son arrêt ni d’insuffisance de motivation ni de dénaturation des faits ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION DE LA LIBRE PENSEE ET DE L’ACTION SOCIALE DU RHONE et M. P. ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent ;
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la FEDERATION DE LA LIBRE PENSEE ET DE L’ACTION SOCIALE DU RHONE et de M. P. le versement à la commune de Lyon, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, d’une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la FEDERATION DE LA LIBRE PENSEE ET DE L’ACTION SOCIALE DU RHONE et de M. P. est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Lyon tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DE LA LIBRE PENSEE ET DE L’ACTION SOCIALE DU RHONE, à M. P. et à la commune de Lyon.
Une copie en sera adressée pour information à la Fondation Fourvière et au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.
 CE, 19 juillet 2011, Communauté urbaine du Mans, Le Mans métropole
N° 309161
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Séance du 1er juillet 2011 - Lecture du 19 juillet 2011
COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE
N°309161
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Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 6 septembre 2007, 7 décembre 2007 et 25 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE, dont le siège est Hôtel Communautaire Condorcet, 16 avenue François Mitterrand à Le Mans Cedex 09 (72039), représentée par son président ; la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 06NT01080 du 5 juin 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel qu’elle a formé contre le jugement n° 03-4569 du 31 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. M., la délibération du 21 octobre 2003 de son conseil communautaire décidant le financement des travaux d’aménagement d’un abattoir pour ovins d’un montant de 380 000 euros ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. M. une somme de 5 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
   …………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’arrêt attaqué ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er  et 72 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive (CE) n° 93/119 du Conseil du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code rural ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la  COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de M. M.,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de M. M.;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 21 octobre 2003, le conseil communautaire de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE a décidé l’aménagement de locaux désaffectés en vue d’obtenir l’agrément sanitaire pour un abattoir local temporaire destiné à fonctionner essentiellement pendant les trois jours de la fête de l’Aïd-el-Kébir ; qu’il a autorisé le président de la communauté à engager la passation des marchés publics nécessaires ; que, par une délibération du 21 octobre 2003, le conseil communautaire a arrêté à 380 000 euros l’enveloppe budgétaire destinée au financement de ces travaux ; qu’à la demande de M. M., le tribunal administratif de Nantes a annulé cette dernière délibération, au motif qu’elle avait été prise en méconnaissance de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ; que, par un arrêt du 5 juin 2007, contre lequel la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Nantes a confirmé ce jugement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public » ; qu’aux termes de l’article 2 de cette loi : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes (…). » ; qu’aux termes de l’article 13 de la même loi : « Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (…). L’Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. » ; qu’enfin, aux termes du dernier alinéa de l’article 19 de cette loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice d’un culte « ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. » ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l’Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels et qu’il leur est interdit d’apporter une aide à l’exercice d’un culte ;
Considérant, toutefois, que ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu’une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi ou qui sont prévues par ses statuts, construise ou acquière un équipement ou autorise l’utilisation d’un équipement existant, afin de permettre l’exercice de pratiques à caractère rituel relevant du libre exercice des cultes, à condition qu’un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, justifie une telle intervention et qu’en outre le droit d’utiliser l’équipement soit concédé dans des conditions, notamment tarifaires, qui respectent le principe de neutralité à l’égard des cultes et le principe d’égalité et qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en se bornant à relever que l’abattage d’ovins lors de la fête de l’Aïd-el-Kébir présente un caractère rituel, pour en déduire que la décision d’aménager un abattoir temporaire méconnaissait les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, sans examiner si l’intervention de la communauté urbaine était justifiée par un intérêt public local tenant à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l’ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, du fait, notamment, de l’éloignement de tout abattoir dans lequel l’abattage rituel pût être pratiqué dans des conditions conformes à la réglementation, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. M. d’une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. M. la somme que demande la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE au même titre ;
DECIDE :
 —————
Article 1er  : L’arrêt du 5 juin 2007 de la cour administrative d’appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nantes.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et les conclusions de M. M. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et à M. M.
 
Une copie en sera adressée pour information au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.
 CE, 19 juillet 2011, Commune de Montpellier
N° 313518
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Séance du 1er juillet 2011 - Lecture du 19 juillet 2011
Commune de Montpellier
N°313518
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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE MONTPELLIER (Hérault), représentée par son maire ; la COMMUNE DE MONTPELLIER demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 06MA03165 du 21 décembre 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel qu’elle a formé contre le jugement n° 0202935 du 30 juin 2006 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé, sur la demande de Mme A. et autres, la délibération du 28 janvier 2002 de son conseil municipal décidant de construire une salle polyvalente rue Emile Picard ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de Mme A., Mme C., M. C. et Mme Ch., la somme de 5 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
   …………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er et 72 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE MONTPELLIER et de la SCP Odent, Poulet, avocat de Mme Françoise de Castet,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE MONTPELLIER et à la SCP Odent, Poulet, avocat de Mme Françoise de Castet ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 28 janvier 2002, le conseil municipal de Montpellier a décidé de construire une salle polyvalente, d’inscrire au budget un crédit correspondant au coût de l’opération et d’autoriser le maire à présenter une demande de permis de construire ainsi qu’à signer les marchés publics nécessaires ; que cette salle polyvalente a été mise à la disposition de l’association des Franco-Marocains pour une période d’un an renouvelable par une convention signée le 2 juillet 2004 ; que, par un jugement du 30 juin 2006, le tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de Mme A. et autres, la délibération du 28 janvier 2002, au motif qu’elle décidait une dépense relative à l’exercice d’un culte, en méconnaissance de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ; que, par un arrêt du 21 décembre 2007, contre lequel la COMMUNE DE MONTPELLIER se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Marseille a confirmé ce jugement  ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public » ; que l’article 2 de cette loi dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. » ; qu’aux termes de l’article 13 de la même loi : « Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (…). L’Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. » ; qu’enfin, aux termes du dernier alinéa de l’article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice d’un culte « ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. » ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l’Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels et qu’il leur est interdit d’apporter une aide à l’exercice d’un culte ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales prévoient que « des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande. / Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l’administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public. / Le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation » ; que ces dispositions permettent à une commune, en tenant compte des nécessités qu’elles mentionnent, d’autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, l’utilisation d’un local qui lui appartient pour l’exercice d’un culte par une association, dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte ; qu’une commune ne peut rejeter une demande d’utilisation d’un tel local au seul motif que cette demande lui est adressée par une association dans le but d’exercer un culte ;
Considérant, en revanche, que les collectivités territoriales ne peuvent, sans méconnaître les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905, décider qu’un local dont elles sont propriétaires sera laissé de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte et constituera ainsi un édifice cultuel ;
Considérant que la cour, tout en constatant que la délibération attaquée devant elle avait pour seul objet de réaliser une salle polyvalente et non d’autoriser son utilisation à des fins cultuelles ou de décider qu’elle serait laissée de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte, a jugé qu’elle avait décidé une dépense relative à l’exercice d’un culte, en méconnaissance de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 ; qu’elle a ainsi commis une erreur de droit ; que la COMMUNE DE MONTPELLIER est, dès lors, fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE MONTPELLIER, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme de Castet au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions que présente la COMMUNE DE MONTPELLIER au même titre ;
    
D E C I D E :
   ———————
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 21 décembre 2007 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la COMMUNE DE MONTPELLIER et les conclusions de Mme de Castet tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MONTPELLIER, à Mme A., à Mme  C., à M. C. et à Mme Ch.
 CE, 19 juillet 2011, Mme V.
N° 320796
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Séance du 1er juillet 2011 - Lecture du 19 juillet 2011
Mme V.
N°320796
——————————————
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 16 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme V.; Mme V. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 07VE01824 du 3 juillet 2008 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles, faisant droit à l’appel de la commune de Montreuil-sous-Bois, a annulé le jugement du 12 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du 25 septembre 2003 du conseil municipal de Montreuil-sous-Bois consentant un bail emphytéotique à la fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil sur les parcelles sises 212 à 221 rue de Rosny pour l’édification d’une mosquée ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de la commune de Montreuil-sous-Bois ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montreuil-sous-Bois la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
   …………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juillet 2011, présentée pour Mme V.;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er et 72 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code rural ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures et, notamment, son article 138 ;
Vu l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de Mme V.et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune de Montreuil sous Bois,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Griel, avocat de Mme Mme V. et à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune de Montreuil-sous- Bois ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 25 septembre 2003, le conseil municipal de Montreuil-sous-Bois a approuvé un bail emphytéotique d’une durée de 99 ans à conclure avec la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil, moyennant une redevance annuelle d’un euro symbolique, en vue de l’édification d’une mosquée sur un terrain communal d’une superficie de 1 693 m² et a autorisé le maire à signer ce contrat ; que, par un jugement du 12 juin 2007, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette délibération, à la demande de Mme V. , au motif qu’elle avait été prise en méconnaissance des dispositions de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ; que, par un arrêt du 3 juillet 2008, contre lequel Mme V. se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Versailles a annulé ce  jugement et rejeté la demande de l’intéressée ;
Considérant, en premier lieu, qu’en jugeant, au demeurant par un motif surabondant, que le principe constitutionnel de laïcité ne fait pas par lui-même obstacle à l’octroi de certaines aides à des activités ou des équipements dépendant des cultes, « dans l’intérêt général et dans les conditions définies par la loi », la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public » ; que l’article 2 de cette loi dispose : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er  janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. » ; qu’aux termes de l’article 13 de la même loi : « Les édifices servant à l’exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s’il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (…). L’Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. » ; qu’enfin, aux termes du dernier alinéa de l’article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice d’un culte « ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l’Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques. » ;
Considérant, par ailleurs, que l’article L. 451-1 du code rural dispose : « Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. /  Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction. » ; qu’aux termes de l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction à la date de la délibération attaquée : « Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l’objet d’un bail emphytéotique prévu à l’article L. 451-1 du code rural, en vue de l’accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d’une mission de service public ou en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence (…). » ; qu’aux termes du même article, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, ratifiée par la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, un tel bail peut notamment être conclu « en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public » ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d’entretien et de conservation des édifices servant à l’exercice public d’un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l’Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d’édifices cultuels et qu’il leur est interdit d’apporter une aide à l’exercice d’un culte ; que les collectivités publiques ne peuvent donc, aux termes de ces dispositions, apporter aucune contribution directe ou indirecte à la construction de nouveaux édifices cultuels ;
Considérant, toutefois, que, ainsi que l’a jugé la cour sans commettre d’erreur de droit, l’article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dont la portée exacte sur ce point a été explicitée par l’ordonnance précitée du 21 avril 2006, a ouvert aux collectivités territoriales la faculté, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, d’autoriser un organisme qui entend construire un édifice du culte ouvert au public à occuper pour une longue durée une dépendance de leur domaine privé ou de leur domaine public, dans le cadre d’un bail emphytéotique, dénommé bail emphytéotique administratif et soumis aux conditions particulières posées par l’article L. 1311-3 du code général des collectivités territoriales ; que le législateur a ainsi permis aux collectivités territoriales de conclure un tel contrat en vue de la construction d’un nouvel édifice cultuel, avec pour contreparties, d’une part, le versement, par l’emphytéote, d’une redevance qui, eu égard à la nature du contrat et au fait que son titulaire n’exerce aucune activité à but lucratif, ne dépasse pas, en principe, un montant modique, d’autre part, l’incorporation dans leur patrimoine, à l’expiration du bail, de l’édifice construit, dont elles n’auront pas supporté les charges de conception, de construction, d’entretien ou de conservation ; qu’il a, ce faisant, dérogé aux  dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, si la délibération par laquelle une collectivité territoriale décide de conclure un bail emphytéotique administratif en vue de la construction d’un édifice cultuel doit respecter les règles applicables à un tel contrat, les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ne lui sont pas applicables ; que le moyen soulevé devant la cour, tiré de ce que la délibération litigieuse aurait été prise en méconnaissance de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905, ne pouvait dès lors qu’être rejeté ; qu’il y a lieu de substituer ce motif de pur droit au motif retenu à tort par la cour, tiré de ce que, compte tenu des engagements pris par l’emphytéote, la redevance annuelle prévue par le bail litigieux ne pouvait être regardée comme une subvention déguisée aux cultes ; qu’ainsi, le moyen de Mme V., tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que la délibération attaquée ne méconnaît pas les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, ne peut qu’être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération » ; que la cour a relevé qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, d’une part, que la convocation à la séance au cours de laquelle a été adoptée la délibération litigieuse était accompagnée du projet de délibération et d’un rapport de présentation valant note explicative de synthèse, qui indiquait les motifs pour lesquels la commune envisageait la conclusion d’un bail emphytéotique pour la construction d’une mosquée et qui précisait la composition et l’objet de la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil, d’autre part, que, si Mme V. avait sollicité la communication du projet de bail deux jours avant la séance du conseil, ce projet lui avait été remis le matin du jour de cette séance et que, même si elle n’avait pu prendre connaissance des statuts de l’association, elle devait être regardée, compte tenu des précisions figurant dans le rapport de présentation, comme ayant disposé d’une information suffisante ; que la cour n’a ainsi entaché son arrêt d’aucune dénaturation ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme V. n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montreuil-sous-Bois, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme V.au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme V.  la somme que demande la commune de Montreuil-sous-Bois au même titre ;
D E C I D E :
———————
Article 1er  : Le pourvoi de Mme V. est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Montreuil-sous-Bois tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme V. et à la commune de Montreuil-sous-Bois.


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