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fiscalité environnementale : le débat avance

Publié le 21 août 2011 par Rcoutouly

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Il y a un an et demi, Sarkozy enterrait la taxe carbone. Aujourd'hui, il n'existe plus grand monde pour la défendre mais de plus en plus de responsables politiques et d'experts réclament une fiscalité verte, environnementale. Quel glissement s'est opéré dans leur réflexion? Comment évolue l'opinion sur ces questions? Travaillant depuis maintenant 5 ans sur la fiscalité environnementale, je peux analyser avec recul cette évolution.

Pourquoi la taxe carbone est enterrée dans l'opinion? Essentiellement, parce qu'elle était une taxe environnementale rudimentaire qui avait pour principal défaut de fonctionner sur le mode punitif : "je te sanctionne parce que tu pollues". Ce principe était très mal passé dans l'opinion qui acceptait mal qu'on demande aux ménages de payer pour un mode de vie qu'on leur a vendu depuis des décennies. J'ai écris de nombreux articles sur cette question, prévoyant dés 2007 son abandon (1).

Aussi aujourd'hui, certains veulent d'une taxe "verte" conçue comme une nouvelle vache à lait pour régler d'autres problèmes. Un exemple récent (le  18 août) se trouve dans une tribune du NouvelObs d'un candidat à l'élection présidentielle, François Hollande. Préoccupé par la crise de la dette, il cherche d'autres moyens de trouver de l'argent et il écrit : ..., il n'est plus possible d'alourdir le coût du travail quand notre balance commerciale est à ce point dégradée. C'est pourquoi je propose un basculement des cotisations patronales de la branche famille vers des prélèvements d'Etat (notamment par la fiscalité écologique).

Hollande fait la même erreur que de nombreux experts, il y a deux ou trois ans: croire que la fiscalité verte va régler nos problèmes de charges sociales. Dans un débat maintenant assez connu avec Jacques Weber, j'avais vigoureusement combattu ce choix préjudiciable à notre système de solidarité nationale qui n'apportait pas grand chose à la résolution de nos problèmes écologiques. Je note d'ailleurs que ma position semble avoir fait des émules puisque cette idée n'est plus guère défendue par les experts aujourd'hui; Hollande, comme de nombreux politiques, étant en retard d'une guerre sur ce point là.

L'évolution de la fiscalité environnementale, on la trouve aussi dans un rapport qui vient de sortir, écrit pour la fondation Terra Nova, par une commission présidée par Alain Grandjean.

Grandjean est l'auteur malheureux d'un manifeste intitulé "financer l'avenir sans creuser la dette" où il proposait de relancer l'emprunt pour financer la transition écologique. Seulement, ce texte, écrit en mars 2011, a vieilli très vite devant la crise des dettes souveraines.  Terra Nova lui a demandé un rapport sur la maîtrise de l'énergie, rapport bien davantage pertinent que le précédent. 

Grandjean a fait parti des défenseurs de la taxe carbone. Son évolution est intéressante car il propose maintenant d'utiliser la taxation du carbone pour financer des investissements "verts" de maîtrise des consommation (rénovation des bâtiments) et de développement des Renouvelables (2). Autrement dit, avec quelques années de retard, Grandjean se rallie aux propositions de contributions incitatives que je défend depuis 2007. C'est une bonne nouvelle pour la fiscalité environnementale !(3)

Tout doucement, l'opinion progresse sur cette question de fiscalité environnementale : on comprendra dans quelques années que cette fiscalité n'est pas une contrainte de plus mais le seul moyen de trouver l'argent nécessaire pour relancer l'économie. Devant le mur des dettes, il nous faut trouver de l'argent ailleurs pour sortir nos sociétés du carbone et du gaspillage des ressources, c'est la véritable nature des contributions environnementales : financer le changement de société.

 

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(1) En septembre 2007, j'écrivais un article qui expliquait pourquoi la taxe carbone n'allait jamais être appliquée: extraits: la taxe carbone est une proposition environnementale remarquable puisqu'elle s'attaque à aux menaces pour notre avenir que constitue l'effet de serre et la fin du pétrole.Elle consiste à sanctionner, de manière progressive les comportements générateurs de CO2.Pourtant, il est probable qu'elle ne soit jamais appliquée, et cela pour trois raisons. La première tient à l'impopularité d'une nouvelle taxe. Quel gouvernement prendra ce risque politique? La seconde tient à la difficulté de fixer une assiette à ce type de taxe. Le taux de CO2 est un indicateur chimique difficilement conciliable avec les contingences fiscales ou administratives. Il sera donc difficile de créer des taxes proportionnelles à la consommation de carbone.Mais la dernière raison est sans doute la plus embarrassante : la taxe carbone est progressive pour pousser les consommateurs à changer leurs habitudes de vie. Mais cette taxe sanctionne de mauvaises habitudes sans donner aux personnes les moyens de changer. A quoi cela sert-il de sanctionner celui qui utilise son véhicule automobile si le réseau de transports en commun n'est pas à la hauteur ? A quoi bon sanctionner la surconsommation énergétique de logements mal isolés dont les propriétaires n'ont pas les moyens de financer l'isolation thermique? Pourquoi pénaliser le transporteur routier si il n'existe pas de système de ferroutage assez conséquents pour encourager les chefs d'entreprises à l'utiliser?

(2)CREER UNE « CONTRIBUTION AU SERVICE PUBLIC DE LENERGIE » POUR ASSURER LA SOLIDARITE AVEC TOUTES LES PERSONNES EN SITUATION DE PRECARITE ENERGETIQUE, SOUTENIR LE DEVELOPPEMENT DES ENERGIES RENOUVELABLES ET ACCOMPAGNER LES EFFORTS DE MAITRISE DE LA DEMANDE EN ENERGIE 

La Contribution au service public de l’électricité est généralisée à l’ensemble des énergies et devient la au service public de l’énergie (CSPE). Elle devient ainsi une taxe chapeau regroupant plusieurs taxes existantes, à l’image de la TGAP dans le domaine de l’environnement. Cette contribution au service public de l’énergie est une taxe affectée au financement d’une nouvelle tarification de l’électricité (...) et d’une solidarité réelle avec les cinq millions de ménages les plus modestes dans leurs dépenses d’énergie et de carburant, au développement des énergies renouvelables, à la péréquation tarifaire entre les îles et la métropole et au soutien aux investissements dans la maîtrise de la demande en énergie.

(3) J'expliquerais dans un prochain article les faiblesses du plan que Grandjean propose à TerraNova.



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