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"Je suis neuf" : François HOLLANDE

Publié le 21 août 2011 par Letombe

François Hollande accorde le dimanche 21 août un entretien au Journal du Dimanche où le candidat à l'élection présidentielle réplique à François Fillon sur la "règle d’or", dévoile ses priorités.

La crise rend-elle plus difficile la victoire du PS en 2012?
Elle ramène les uns et les autres à leur responsabilité. La droite, car elle est au pouvoir depuis dix ans et n’a rien vu venir, rien pu empêcher ni rien su régler. Nicolas Sarkozy termine son quinquennat avec une croissance au plus bas, un pouvoir d’achat en berne et un déficit du commerce extérieur record. Il aura donc du mal à prétendre disposer pour demain de solutions nouvelles. Quant à la gauche, elle doit démontrer qu’elle a une solution pour sortir de la crise et que son programme va plus loin qu’un seul partage plus juste de l’effort. Bref, la situation actuelle disqualifie la droite mais ne qualifie pas mécaniquement tout candidat socialiste.

Ne pas voter la "règle d’or", est-ce raisonnable en pleine crise ? Est-ce manquer de "sens des responsabilités et d’intérêt général", comme le dit François Fillon dans Le Figaro?
L’élection présidentielle doit permettre à chaque prétendant de prendre un engagement clair pour rééquilibrer nos finances publiques avec un calendrier précis et des instruments pour y parvenir. Je veux croire que nous poursuivons tous le même but, celui de maîtriser la dette publique, mais nous ne proposons pas le même chemin pour l’atteindre. Ce sera aux Français de juger ! Ma démarche, c’est de faire voter au lendemain de la présidentielle une loi de programmation qui respectera nos objectifs européens de réduction de déficits. Les fameuses et si contestables agences de notation ne réclament pas une règle d’or, mais des actes concrets susceptibles de donner durablement confiance. L’explication des mouvements boursiers de ces derniers jours est simple : les marchés ont compris que le sommet franco-allemand n’avait pas décidé de mécanismes, notamment des euro-obligations, à même de régler les dettes souveraines. Et ces mêmes marchés craignent que la faiblesse de la croissance à moyen terme rende incapable certains états de rembourser leur dette, d’où la spéculation sur les banques françaises. C’est un cercle vicieux. Je pose donc trois objectifs pour la conduite de la politique économique : la croissance, sans laquelle il n’y aura pas de retour à l’équilibre des comptes ; la vertu budgétaire, sans laquelle il n’y aura pas de confiance ; et une réforme fiscale, sans laquelle il n’y aura pas de justice.

Comment expliquez-vous la remontée de Nicolas Sarkozy?
Parce qu’il était très bas. À mesure que l’élection présidentielle approche, il retrouve une partie de son électorat, celui qui s’était détourné de lui à cause de ses excès et qui par tradition ou clientélisme n’ose pas encore voter à gauche. L’échéance de 2012 est ouverte, nous ne l’avons pas encore gagnée. La victoire se mérite, chaque voix se conquiert, une crédibilité se gagne, nous sommes au début du chemin. Nicolas Sarkozy affirme que, pour être président, mieux vaut l’avoir déjà été, et c’est là son problème : il l’est depuis cinq ans, et l’échec est patent. Sauf à rompre avec lui-même, il ne pourra prétendre ni changer, ni avoir changé.

Vous n’avez jamais été président, mais vous n’avez jamais non plus été ministre. Est-ce un handicap?
C’est ce qu’avancent parfois, en mal d’arguments, mes concurrents ou mes adversaires. Ceux qui connaissent les institutions savent que j’ai été associé aux décisions du gouvernement de Lionel Jospin peut-être plus qu’aucun ministre ne le fut. Je n’ai pas exercé directement le pouvoir, mais je l’ai approché de près. Et après tout, si je ne suis pas nouveau, je suis neuf.

Et c’est un avantage?
C’est un atout. On ne fait pas le changement avec une réplique du passé, aussi respectable soit-il.

Que pensez-vous de la "majorité du courage" de François Bayrou?
Le courage est une vertu nécessaire qui ne suffit pas à faire une majorité politique. Le rassemblement que j’aurai à réussir en 2012 sera celui du second tour. Je ne dis pas qu’il n’y aura que des courageux, mais je sais qu’ils seront tous convaincus de mon projet. Je parlerais plutôt de contrat de majorité avec toute la gauche qui veut gouverner sans écarter les bonnes volontés.

Ségolène Royal estime qu’une faible mobilisation pour la primaire favorise les "caciques" du PS comme vous, et que sinon elle a ses chances. Quelle est votre analyse?
Le nombre de votants ne modifiera pas le résultat. Le ou la gagnant(e) sera celui ou celle qui sera vu(e) comme pouvant l’emporter face à Nicolas Sarkozy et qui fera un(e) bon(ne) président(e). Ce sentiment sera partagé harmonieusement par les militants et par les électeurs. Mais si la participation est faible, le grand défi démocratique du PS sera perdu. J’espère 1 million de votants le 9 octobre, cela serait cinq fois plus qu’en 2006. La première campagne qu’il faut mener, c’est l’information et la mobilisation des citoyens pour la primaire. Je rappelle que tous les Français qui veulent le changement y sont invités.

Vous pensez que vous gagnerez la primaire?
Si je me suis déclaré candidat, c’est pour gagner la présidentielle, et donc la primaire. Je n’ai jamais douté. Au-delà des sondages, quand DSK était donné comme favori, j’étais convaincu que ma démarche pouvait être comprise par les Français comme étant la meilleure.

Quelle est votre différence avec Martine Aubry?
Ce qui nous unit tous, c’est le projet que nous avons voté. Nous n’avons pas le même ordre de priorités. J’insiste plus que d’autres sur la jeunesse, j’étais le premier à défendre une réforme fiscale et j’ai affirmé avec plus de force que nous ne pourrions pas tout faire et tout promettre. Et enfin, il y a ce qui relève de la relation de chacun avec le pays.

La crise rend-elle le projet du PS caduc?
Rien n’est caduc ; tout ce qui est prévu doit être mené, mais pas forcément au même rythme. Ce qui doit être réalisé le plus vite ? La réforme fiscale. Sur quoi faut-il être plus fort ? La jeunesse. L’université, la recherche, les transports, l’énergie nécessitent des investissements longs durant tout le quinquennat. La gauche et le PS doivent se persuader qu’ils sont là dans la durée et récuser que l’on fait tout tout de suite, et après on verra. En 2012, il y aura sûrement un état de grâce, mais pas un délai de grâce. Évitons la résignation, qui n’est pas un projet politique, et l’incantation, dont on paye très cher le prix en cas de victoire – regardez du côté de Nicolas Sarkozy!

Votre positionnement est celui d’un Pinay de gauche?
C’est une incongruité, car Pinay n’était pas de gauche, et je me revendique de figures plus glorieuses dans ma famille politique.

Lesquelles?
Si c’est pour dire la vérité, Pierre Mendès France a toujours été un exemple. Si c’est pour la volonté, François Mitterrand en a fait preuve tout au long de sa vie, et si c’est pour le sens de l’État, Lionel Jospin n’est pas le moins bien placé. Je n’ai pas besoin d’aller chercher des références dans le camp d’en face ni de m’inventer un inspirateur. J’essaye d’être moi-même. Les Français me connaissent. Je corresponds à la période que nous traversons. Elle exige cohérence, constance, stabilité de comportement et, pour tout dire, une capacité à redonner à notre nation espoir dans le rêve français, celui qui permet à chaque génération de vivre mieux que la précédente.

Cecile Amar - Le Journal du Dimanche

François Hollande


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