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Poétique du contrebandier

Par Gerard

 

Samedi 13 août : Vue de loin Tanger la blanche scintille dans la lumière dans la pose avantageuse d'une odalisque alanguie. C'est ici, dans la ville mythique aux portes de l'Hadès, que je dois rencontrer, enfin, le dernier poète beat de Greenwich Village. Aura-t-il le visage coupé à la serpe style Burroughs, l'air de cow-boy rêveur à la Kerouac ? Il a connu Dylan, du temps de Suze Rotolo. Il a écumé tous les bars où faire entendre sa prose spontanée bien avant qu'on entende parler de "slam". Il a maintenu son statut de clodo poétique contre vents et marées dans tous les squares de Manhattan. Son agent m'a prévenu : il ne parle pas beaucoup, n'est pas préoccupé de littérature. Il boit sec, médite à l'improviste et s'impatiente vite. Ces mois passés à traduire son unique récit, resté inédit : une romance d'apocalypse dans "son" New York. Jusqu'à cette rencontre, au débarcadère du ferry en provenance de Tarifa, après seulement trente-cinq minutes de traversée. Il ne m'a pas attendu à l'endroit prévu. C'est lui qui est venu à moi sous l'apparence d'une sorte de père noël portant un bandana rouge et terriblement maigre. Il cligne de l'oeil. Il se dandine. Il est d'accord sur tout. Il s'en fout. Déjà ailleurs. Requis à d'autres tâches dont il ne dira rien. Sur le ferry du retour me demander si j'ai rêvé. Si j'ai bien rencontré "pour de bon" le fameux Jerry Lee Norton, légende urbaine, dernier des Mohicans de la tribu post-Beat. Seul le poids du manuscrit me semble bien réel. Et là, entre Afrique et continent européen, cette sensation de tenir enfin ce qu'il nous faut : une littérature de contrebandiers. 


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