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Les Paradis Artificiels (Partie Finale)

Publié le 29 août 2011 par Neriodc @neriodc

Il avait tellement peur que tout s’en aille encore, qu’il oublie tout une fois de plus. Cette fois ci c’était hors de question.

À force de concentration, la musique aidant, il se souvint d’un détail. Aussi peu important qu’il puisse y paraître, c’était la clé de voûte du système. La fille portait une robe argentée ! Avec un effet miroir ou presque, car il se rappelait s’être vu déformé dessus.

Il tenait enfin un indice probant.

-   Oui ma belle Marion, je me souviens !

-   Trop cool !! Il faut se refaire ça vite alors !!

-   Dis moi, est ce que par hasard, tu te souviens d’une fille hier soir qui était sur le podium ? Robe argentée tout ça … ?

-   Oh johnny !! Tu es trop chou !! Tu te souviens de moi en fait !! C’était une robe qui appartenait à ma sœur, ma petite sœur hein. Mais mon père ne voulait pas qu’elle la mette alors elle a décidé de me la donner. Bon au début je pensais la porter en boite, mais ça faisait trop aguicheur. Pour Noel sa faisait trop Sapin lumineux et pour un mariage c’était plutôt moyen. Alors j’ai décidé de la porter hier, j’ai eu un peu peur que ce soit too much tu vois, mais bon il paraît que ça m’allait bien ; enfin ce sont mes copines qui m’ont dit ça après c’est pas forcément objectif, mais bon …
John ne l’écoutait plus. Depuis qu’elle lui avait révélé sa véritable identité, il ne tenait plus en place. Il voulait tout lui avouer. Et c’est ce qu’il fit. Il lui raconta comment sa journée avait commencé. Toutes ses péripéties. Cette musique. Ce lieu. Tout.

Elle était charmée. Tant par l’attention qui lui était portée que par ce concours de circonstances. Elle se dit : « On se croirait dans le final d’un Marc Levy ».

La voiture repartit, les laissant, penauds, à leur discussion.

La symbiose créée fit qu’ils abordèrent tous les sujets. Politiques, économiques, choix de vie. Tout.

Et plus le temps passait et plus ils se trouvaient des points communs. Il la trouvait drôle et bienveillante, elle le trouvait quelque peu désespéré, mais surtout désespérément beau.

Aux alentours de 20h, toujours aucun signe de leur invité mystère. Voilà maintenant 4 bonnes heures qu’ils parlaient.

-   Johnny je vais devoir y aller. Je suis attendue à un diner.

-   Oh … Accorde-moi une dernière cigarette alors.

Il lui en offrit une, celle qui dépassait négligemment de son paquet.

À la manière d’un ado de 15 ans ayant reçu son nouveau walkman, il lui donna un des écouteurs de son iPhone. Puis il mit en route la fameuse chanson. Et tout coula de source.

Il ne la connaissait que depuis quelques heures et pourtant elle lui semblait acquise. À ce moment précis, il se foutait de tout. Des médicaments, de l’appartement, de sa vie misérable de trentenaire solitaire. Il n’avait jamais cru au coup de foudre ni à toutes ces conneries du genre, mais il devait se rendre à l’évidence, il ne pourrait pas la laisser partir sans rien tenter. La musique se faisait de plus en plus présente à mesure qu’il s’approchait de son visage. Elle ne semblait pas réticente et cela lui fit un bien fou. Il ferma les yeux, comme pour figer l’instant. Cette journée allait être la plus belle de toute sa vie.

-   Monsieur ? Monsieur ?  Monsieur !! On ferme !!

Le barman le regardait avec un air mi-interloqué, mi-impatient ; des chaises empilées lui encombrant les bras.

-   Monsieur vous êtes notre dernier client et il est 20h la … Donc il va falloir payer et partir s’il vous plait.

Il était effectivement seul. La terrasse de la brasserie était désespérément vide. Et ce sans doute à cause de la fine bruine annonciatrice d’un orage en approche.

La nuit était tombée sans qu’il s’en aperçoive. Il n’eut pas le temps de réaliser ce qu’il se passait qu’une femme ; la soixantaine passée ; l’interpella.

-   John, mon John. Oh mon dieu, je te cherche partout depuis des heures. J’ai eu si peur ! lui dit-elle tout en l’enlaçant.

Après quelques secondes d’hésitation, il la considéra.

-   Maman … ? Maman que se passe t’il ? Peur de quoi ? Pourquoi est tu la ?

-   Jai eu si peur … John, nous sommes le 14 février … Tu te rappelle ?

John était plus que confus, cette date ne lui évoquait pas grand chose excepté cette supposée Saint Valentin dont le monde entier se foutait à part les vendeurs de pacotille, les fleuristes et les chocolatiers. Cependant, l’expression sur le visage de sa mère lui fit comprendre qu’il manquait certainement une donnée à l’équation.

-   Oh mon amour … Tu ne te rappelles pas ? Ca fait un an aujourd’hui… je suis désolée …

John bouillonnait. L’incompréhension le gagnait petit à petit. En voyant sa mère se cacher le visage dans les mains, ce fut la peur qui prit le dessus.

-   Un an que quoi maman ? Dis le moi !! Vite !  lui vociféra-t-il

-   Mon amour…je suis désolée… ça fait un an q..q..qu…qu…

-   QUE QUOI ???

-   Ça fait un an que Marion a été assassinée…

Ces quelques mots furent un électrochoc. Tout lui revint en mémoire petit à petit. La soirée, les cambrioleurs, lui s’opposant, le coup qu’il prit sur la tête, le coup de feu, sa femme à terre, lui impuissant.

Il n’y avait pas de sentiments pour exprimer ça …

-   Mon chéri, on va être en retard. Va te changer vite et rejoins-nous au cimetière. La marche commémorative commence la-bàs lui dit-elle d’un ton condescendant

Le clou étant totalement enfoncé quand il croisa du regard des inconnus arborant des pancartes et tee-shirts : « Vérité pour Marion ». Le visage de sa belle inconnue de l’après-midi s’étalant sur toute la largeur du vêtement.

Les larmes le gagnèrent, il était perdu. Il ne savait plus s’il pouvait se fier à son esprit, à ses souvenirs, à lui-même.

-   John ? Mon cœur ?

Il releva les yeux une dernière fois vers sa génitrice.

-   Va te changer et rejoins-nous. Je t’en prie…

Il remonta la rue vers son petit appartement.

Bouleversé par les événements, il vacillait, titubait… Alors qu’une pancarte BAIL A CEDER qui semblait ne pas avoir d’âge s’étendait sur la devanture du magasin de fruits et légumes, il chuta. Agenouillé ici, sur ces pavés trempés, il aperçut cette publicité sur la colonne Morris. On y voyait la Une d’un grand magazine masculin qui titrait :

« Vos souvenirs font ce que vous êtes »

Ces 7 mots finirent de l’achever.

Il était là, seul, acculé, agenouillé sous la pluie à la manière d’un homme ayant perdu jusqu’à sa dignité.

Ces 7 mots le mirent face à la réalité. À sa réalité.

Il n’était plus rien.


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