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Castro, Alcazar et leurs fidèles

Publié le 21 février 2008 par Roman Bernard
Cet article a été réalisé en partenariat avec Gief, dessinateur.
Si la comparaison entre Nicolas Sarkozy et Séraphin Lampion était osée, celle entre Fidel Castro et le général Alcazar est assez naturelle. Non pas le « premier » général Alcazar, celui de L'Oreille cassée (1937), autocrate amoral, cruel et paranoïaque, reconverti en lanceur de couteaux sous le nom de Ramon Zarate dans Les Sept boules de cristal (1948), puis en trafiquant d'armes dans Coke en Stock (1958), mais le « second » général Alcazar - tout aussi amoral, cruel et paranoïaque d'ailleurs... - chef des « Picaros », une trentaine d'ivrognes armés qui, grâce à l'aide de Tintin, du capitaine Haddock, du remède anti-alcool du professeur Tournesol et des costumes fournis par les « Joyeux Turlurons » - dirigés par... Séraphin Lampion, justement - sortiront de leur maquis pour jeter à bas le régime néo-fasciste du général Tapioca. Un peu comme le firent les barbudos de Fidel Castro à l'encontre du régime dictatorial du colonel Batista, en 1959. Les Picaros vont instaurer une dictature d'un autre ordre, où les visages glabres et les casques simili-prussiens des tapioquistes sont remplacés par les barbes fournies et les casquettes négligées des Picaros triomphants. Une dictature tout aussi autoritaire, où le dénuement des quartiers déshérités subsiste, malgré la décontraction de leurs nouveaux tyrans, qui arborent d'insolentes lunettes de soleil. C'est sur ce tableau cynique et déconcertant que s'achève Tintin et les Picaros (1976), dernier épisode des Aventures de Tintin, le héros à la houpette n'allant pas au bout de L'Alph-Art, interrompu par le décès d'Hergé (3 mars 1983). Dans ce dernier opus, où Tintin fait figure d'anti-héros -il ne se rend pas tout de suite au San Theodoros, puis tombe dans le piège tendu par le colonel Sponsz, alias Esponja-, l'apolitisme foncier de Georges Remi, bien rendu par le romancier Benoît Peeters dans Hergé, fils de Tintin, est manifeste. Avec son portrait au vitriol des Picaros, qui ne combattent, perdus dans leur jungle, que leur propre désoeuvrement, Hergé, comme Woody Allen dans Bananas (1971), récuse le mythe de la « guérilla romantique », que des jeunes Occidentaux tout aussi désoeuvrés perpétuent aujourd'hui en se revêtant de t-shirts à l'effigie d'Ernesto « Che » Guevara, toujours présenté - à tort - comme un doux utopiste, qui aurait fait rimer révolution, aventure et fraternité - et ce malgré ses crimes nombreux, odieux et sanguinaires.
D'autres, moins jeunes, et que la stature intellectuelle devrait prémunir contre toute nostalgie du demi-siècle de dictature de Fidel Castro à Cuba, continuent, au nom d'« idéaux » marxistes surannés, à excuser le « Lider Maximo » de son despotisme. On peut, avec Le Chafouin, se demander quelle aurait été la réaction de la classe politico-médiatique française si un homme politique ou un journaliste avait fait l'apologie du régime du général Pinochet au Chili.
Comme je m'en étais étonné en juillet dernier, et comme le même Chafouin s'en offusque aujourd'hui, il semble qu'une indignation sélective soit à l'oeuvre, en France, pour dénoncer les crimes des dictatures d'extrême-droite et d'extrême-gauche. Cela alors qu'est dénoncée, par des responsables politiques, syndicaux et médiatiques de mauvaise foi, une supposée « droitisation » de la France, notamment de ses médias.
Tant que sera qualifié de « fasciste » celui qui défendra l'héritage de Pinochet ou de Franco et de « doux rêveur » celui qui évoquera avec nostalgie le maître de La Havane, ses cigares, ses harangues interminables et son tiers-mondisme - en omettant le reste-, on pourra rester perplexe devant ceux qui agitent, parce qu'ils ne sont plus en phase avec la société et leur époque, le fameux spectre de la « droitisation ».
Roman Bernard

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