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Discours aux ambassadeurs 2011

Publié le 01 septembre 2011 par Egea

C'est la rentrée : le président prononce le discours aux ambassadeurs, et égéa lit le discours et vous le commente, comme en 2008, 2009, 2010. A force, on aura des permanences et des évolutions.

Discours aux ambassadeurs 2011
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Autrement dit, mes marronniers "à moi" sont encore verts (ce n'est as l'automne) : mais je n'ai jamais prétendu être journaliste.

Ne nous y trompons pas, ce sont les services qui ont rédigé ce texte et derrière celui qui prononce le texte, il faut donc voir l'appareil d'État. Derrière cette permanence, c'est un discours très marqué par les contingences du moment.

1/ Curieusement, pas d'annonce du plan. Du coup, il faut lire attentivement le texte pour retrouver sa structure. Elle est ternaire, comme on apprend aux normaliens : une très grosse partie défense et arc de crise, une petite partie sur l'Europe et la crise, une partie sur le G20 et l'ordre mondial.

2/ Toute la première partie évoque les aspects militaires de l'action extérieure de la France : Côte d'Ivoire, Libye, Afghanistan, OTAN.... avec beaucoup de "bilan".

  • sur l'Afrique, un discours optimiste qui montre les transitions, la croissance du continent, démographique et économique, pour conclure par la nécessité d'investir dans le continent. Autrement dit, la priorité africaine de l'an dernier est confirmée, mais elle remet un peu en question l'accent donné à l'arc de crise dans le LBDSN. Ce sera peut-être une des réorientations de la révision de celui-ci.
  • une intéressante comparaison entre l'Europe de l'Est à l'issue de la chute du mur, et les révoltes arabes : pour conclure que justement, les deux choses ont peu à voir. Cela permet un plaidoyer pour l'action de la France, qui comprend que "ce sont les peuples qui font l'histoire", et qu'elle a su prendre l’initiative et montrer le chemin, grâce à la responsabilité de protéger, notion initiée par la France à l'ONU en 2005: il y a là un satisfecit.
  • à propos de la Syrie : la France fera ce qui est "légalement possible". Curieux cette façon de se retrancher derrière une "légalité" qui ne fonde pas une "politique" même si elle peut en être le moyen (ou l'environnement permissif). Il faut vraiment qu'on creuse cette notion de légalité au regard des "intérêts" ou même de la nécessité morale. Cela renvoie au débat entre légalité et légitimité (voir billet, où je n'avais pas inséré la notion d'intérêt : il faudra y revenir; et billet sur légitimité de la guerre). En Syrie, aujourd'hui, les conditions ne permettent pas d'action, ce n'est pas la faute du CSNU, me semble-t-il.
  • un autre plaidoyer pro-domo au sujet de l'OTAN : l'opération en Libye permet à l'évidence au chef de l'Etat de justifier a posteriori le retour de la France dans l'orga intégrée. J'y reviendrai dans un prochain billet....
  • au sujet de l’Europe, "les Européens ont démontré pour la première fois qu'ils étaient capables d'intervenir de façon décisive" : euh... c'est aller quand même un peu vite en besogne. FRUK, et un peu le Danemark et la Belgique (UE et OTAN) et la Norvège (OTAN mais non UE).... En tirer "les Européens" alors qu'une majorité a suivi de loin, voire s'est opposée... Bon, j'imagine que c'est pour être poli avec les voisins : de la diplomatie pure, donc. D'ailleurs, le texte poursuit "l'Europe est menacée de rétrécissement stratégique" et je ne peux que partager la phrase suivante : "l'invocation d'un soft power qui sert de paravent au renoncement". Du coup, compte tenu "de la nouvelle vision de l'engagement militaire américain" présentée par le Pdt Obama, il faut que les "Européens assument davantage leurs responsabilités". Certes, mais comment ? le rappel du traité de Lancaster house suffit-il à une politique ?
  • l’Afghanistan, où il faut "être fier du travail accompli".
  • un passage sur les menaces : il en reste deux, la menace terroriste ("le Pakistan dont l'évolution m'inquiète") mais aussi l'Iran où le chef de l'Etat évoque une "attaque préventive contre les sites iraniens", ce qui constitue un durcissement de la position française.
  • le conflit israélo-arabe où le PR s'interroge sur la méthode de négociation (ne faudrait-il pas dire : la méthode de non-négociation?). Du coup, dans la perspective du vote à l'ONU sur la reconnaissance de l'Etat de Palestine, il faut "que les 27 de l'UE s’expriment d'une seule voix, et qu'ensemble nous assumions nos responsabilités" : on comprend que la reconnaissance est reconnue comme inéluctable, et que malgré l'opposition US, il faut voter en sa faveur afin de constater les réalités et revenir dans le jeu de la négociation. Cette position sera-t-elle partagée ?

3/ au final de cette première partie, je suis frappé de trois faits :

  • un discours de plus en plus "Realpolitik" sur la puissance, alors que les moyens des Etats ne cessent de s'affaiblir, y compris sur les dimensions traditionnelles de cette puissance (militaire et économique). Et à côté de ce réalisme politique, le souci d'une légalité internationale.....
  • la référence fréquente au président Obama, mais en revanche très peu de choses sur les Etats-Unis, leur évolution, la relation transatlantique : on est loin des discours au temps de G Bush junior, où la question américaine occupait un tiers du propos.
  • aucune - aucune! - citation de l'Allemagne !

4/ La deuxième partie, assez brève, traite d'économie et d'Europe : manière de dire que l'une a des problèmes, et que la seconde n'a pas vraiment la solution....

  • après un plaidoyer sur l'euro, le PR recommande "une intégration plus poussée des économies, ... une coordination accrue des pol éco bud, ...une architecture institutionnelle plus cohérente" : bref, rien de nouveau par rapport à ce qu'on dit depuis.. trente ans ?
  • Satisfecit sur le Mécanisme européen de stabilité, présenté comme un Fonds monétaire européen, des "avancées majeures, inimaginables il y a dix-huit mois". Et la citation des "initiatives prises avec la chancelière Merkel (première citation) le 16 août, avec deux piliers : un "véritable gvt économique", incarné dans le sommet des chefs d'Etat "qui se réunira deux fois par an et plus si nécessaire" : on s'interroge quand même sur ce gouvernement qui gouverne une fois par semestre....
  • le deuxième pilier est la surveillance accrue des économies de la zone, avec un plaidoyer pour la règle d'or : mais ici, on voit clairement apparaître l'homme politique en pré campagne, qui cherche à jeter les bâtons dans les roues de son opposition.
  • un mot sur la convergence fiscale qui est un vrai sujet, recevant malheureusement peu de détails...
  • autrement dit, nulle part allusion à un quelconque fédéralisme budgétaire, alors que des conseillers influents ne cessent de le chanter sur tous les tons. C'est que le ton est à la Realpolitik, donc à la renationalisation des politiques, et qu'il n'est pas à un transfert de souverainetés ou de compétences à des institutions communes. Structurellement, l'heure n'est plus aujourd'hui au partage. Ceci confirme ce que je disais sur le fédéralisme récemment, auquel je ne croyais pas. Au contraire, me semble-t-il, on observe une renationalisation et pire, une fragmentation par les minorités du champ européen.
  • c’est peut-être à cette lumière qu'il faut lire le développement sur l'espace Schengen, et la tenue de la frontière extérieure.
  • on le voit, on a le sentiment d'un discours minimal. Ce n'est pas le signe d'une grande ambition en la matière.

5/ La dernière partie traite de l'ordre mondial. Elle est plus développée pour la simple raison que la France accueille dans deux mois le sommet du G20 à Cannes, ce qui justifie les consignes données aux ambassadeurs dans cette perspective.

  • j'apprécie tout particulièrement le diagnostic porté sur les marchés : "Les marchés ont perdu leur boussole : ils demandent à la fois de réduire les déficits et les dettes, mais s’inquiètent immédiatement de l’impact de la réduction des déficits sur la croissance. " Je relevais cette contradiction il y a déjà un mois....
  • des considérations assez techniques sur la réforme du MSI (que les DTS puissent inclure de nouvelles monnaies), la régulation du marché des matières premières, la promotion d'une taxe sur les transactions financières.
  • mais auparavant, je remarque que si on mentionne le G20 , on insiste beaucoup sur le G8 : dans cette partie, mais aussi dans la première, puisque le "partenariat de Deauville", décidant le soutien financier par le G8 des pays des révoltes arabes (Tunisie, Égypte, Maroc, Jordanie, et peut-être Libye), est vivement mis en avant (au point de concurrencer l'Union pour la Méditerranée ?).
  • on ne parle plus d'organisation mondiale de l'environnement : tout juste évoque-t-on la réforme de l'OMC, de l'OIT, de la FAO.....

6/ Cela nous amène à évoquer ce dont il n'a pas parlé : Asie centrale, Amérique Latine, Océanie, c'est coutumier. Mais en revanche pas un mot sur la Russie, sur la Chine, sur l'ONU, sur l'Inde, sur la prolifération ou la dissuasion, sur la maîtrise des armements... qui ont été autrefois traités dans le même cadre. C'est ce contraste aussi qui rend ce discours intéressant, avec trois thématiques appuyées :

  • la promotion d'une politique de puissance traditionnelle utilisant notamment l'outil militaire
  • une certaine gêne envers l'Europe, ressentie comme une affaire plus technique que politique
  • une attention portée à la gouvernance mondiale, principalement dans l'ordre économique, que ce soit dans le cas européen, au G8 ou au G 20.

Il s'agit donc d'un discours porté par les "circonstances", qu'il s'agisse des révoltes arabes, de la crise économique ou du sommet de Cannes : autrement dit, un discours pragmatique, ne posant pas des principes mais s'attachant à des mesures concrètes. Également, un discours marqué par le temps politique intérieur : outre la promotion de la règle d'or, il s'agit du dernier discours du quinquennat : Personne ne s'attendait à un discours programme, traçant des perspectives de moyen et long terme; mais un "discours aux ambassadeurs", un guide pour leur action pour les quelques mois qui sont leur horizon...

Réf : discours aux ambassadeurs du 31 août 2011.

O. Kempf


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