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Paris, un film entre deux âges

Par Rob Gordon

Paris, un film entre deux âgesDans une scène de Paris, l'historien incarné par Fabrice Luchini explique que le secret de la capitale française repose sur un mélange complexe d'ancien et de moderne. Un constat qui s'applique parfaitement au film de Cédric Klapisch, auteur-réalisateur quadra aspirant à tourner des films plus matures mais ne parvenant pas vraiment à quitter l'adolescence. Comme toutes ses œuvres précédentes, Paris livre un message profondément candide et naïf, profitant d'un conséquent capital séduction pour tenter de toucher le plus grand nombre.


Il faut dire que Klapisch sait y faire, lui qui nous offre de sympathiques films générationnels (un terme qui ne veut plus rien dire) depuis une petite quinzaine d'années (écartons cependant les infâmes Poupées russes) : Paris, c'est 2h10, et pas une seconde d'ennui. Les scènes s'enchaînent vite et bien, dans un ordre pouvant parfois sembler aléatoire, avec au minimum un bon mot ou un beau sentiment par minute. C'est souvent réussi mais presque trop facile : le film durerait cinq heures que personne ou presque ne s'en plaindrait (sauf à cause d'une envie de pipi ou d'une pénurie de pop-corn). Toujours chien fou malgré les années qui passent, Klapisch ne s'encombre d'aucun fil rouge et multiplie les personnages, les points de vue, les évènements avec cette envie latente d'en montrer plus pour gagner plus. C'est souvent le mal des jeunes réalisateurs, qui tentent de "tout" mettre dans leur premier film, quitte à ce que celui-ci explose sous son propre poids. Le problème, c'est que Klapisch n'est plus un novice, et qu'il devient fatigant de l'entendre à chaque film parler de ses difficultés de montage dues à son trop plein d'idées et d'images.
Ça donne un film fourre-tout, entre deux âges, forcément attachant parce que bien troussé, mais manquant désespérément d'unité et de profondeur. L'ambition de l'auteur de dépeindre Paris à travers une poignée d'habitants était chose louable ; hélas, ce patchwork ressemble davantage à un catalogue qu'à un état des lieux. Allez hop, un clodo et un immigré pour ne pas être accusé d'embourgeoisement ; zou, quatre femmes du monde fricotant avec des maraîchers et des poissonniers de Rungis pour bien montrer que Paris est une grande communauté sans clivages. Bertrand Delanoé doit être content : il a trouvé en Klapisch le cinéaste parfait pour remplacer Luc Besson lors de la prochaine course aux jeux olympiques.


Il y a deux ans, le "Selon Charlie" de Nicole Garcia était vilipendé (à tort) car trop fuyant, trop choral, sans réel but. Paris souffre des ces maux-là, habilement dissimulés derrière une sympathie ambiante. Ne nous sont livrés que des embryons d'histoires et de personnages, souvent éclipsés par quelques évènements qui dramatisent l'ensemble de façon excessive et totalement artificielle (cf. le personnage interprété par Julie Ferrier). À trop vouloir faire, dire, montrer, Klapisch sacrifie quelques éléments essentiels au détriment d'autres qui le sont moins. En résulte l'impression d'être passé à côté de certains acteurs (Cluzet, Viard, sans doute sacrifiés au montage) au détriment par exemple d'un Romain Duris dont les dernières prestations klapischiennes sont de plus en plus téléphonées et empreintes d'intentions flagrantes. L'heure semble venue pour Cédric Klapisch et son acteur fétiche de se remettre un peu en question et de se demander combien de temps et combien de films ils vont encore pouvoir tenir avant de sombrer dans la médiocrité la plus totale.


5/10


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