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De retour de la planète Fusion.

Publié le 07 septembre 2011 par Jekyllethyde

De retour de la planète Fusion.

En juin 2009, alléchée par les récits hauts en couleurs, froufrous, paillettes et confettis d’une amie, reine de la night de Livourne à Paris, en passant par Cannes et Bourg la Reine, je m’envolais en bonne compagnie vers l’Allemagne, non pas pour bouffer d’la saucisse et boire de la bière harnachée d’un baudrier accroché à un comptoir, ni même pour clubber à Berlin mais pour vivre l’expérience du festival estival à la sauce allemande. 45 E les 5 jours de festoche, une prog’ éclectique dans une ambiance bon enfant, où la présence des services de sécu, patrouillant à bord de vieilles bécanes à la Mad Max fait plus partie du show qu’elle ne se justifie par la quelconque nécessité d’intervention.

Willkommen au Fusion Festival ! Une sorte de camp d’vacances à l’échelle d’une petite bourgade (55 000 participants quand même) situé sur une ancienne zone militaire désaffectée de l’armée soviétique, à 1h30 au nord ouest de Berlin et de la frontière polonaise. Ici, pas de stands aux designs dégueu Heineken ou SFR, pas de sponsors du tout d’ailleurs. D’aucun diront une sorte de fête de l’huma géante mais en mieux, avec de la bonne musique quoi. Un public à l’image de la diversité des styles musicaux (21 scènes ! Ça en fait de quoi contenter toute une populace ! Même ta grand-mère elle y trouve son compte !). Des hippies et néo Krishnas, des tranceux, des punks et autres silhouettes cloutées ballai-brossées, des gosses, des vélos… Sans oublier le fleuron de la hype berlinoise, parée pour l’occasion de son plus beau panache – merde, on m’avait dit d’prendre des plumes mais là, j’suis dans la putain d’basse-cour de Marie Antoinette, si j’imite le cris du paon, ça l’fait ? – venue se trémousser sur de la minimale léchée et de la tech house pointue, comme nos voisins en ont le secret.

De retour de la planète Fusion.

Défilé chromatique et aiguisage de tympans en perspective, j’allais enfin pouvoir me la péter briller en société en revenant sur Paris avec une ribambelle de noms des dernières releases de la crème des Dj résidents des clubs tels que le Der Visionäre, le Berghain, le fameux Bar 25 pour ne citer qu’eux, qui font de Berlin la capitale de la techno par excellence.

C’était sans compter sur le fait que bah ouai, ce festoche est peut-être écolo (bouteilles consignées, bouffe végétarienne et végan, 5 euro de « deposit » récupérable à la fin en ramenant ta poubelle), il n’en reste pas moins un putain de super marché de la défonce à ciel ouvert ! Ils nous ont bien eu les chleuhs ! Ok, on aurait p’t'être pas dû installer notre abris d’pêche bâche kaki bleu campement 5 étoiles aussi prés de la scène Trance. Grossière erreur d’appréciation… Mais comme le veut la politesse, difficile de refuser un présent, encore plus quand il s’agit d’un met local, venant de l’autochtone qui te reçoit sur ses terres (‘sont bizarres ces gens qui mangent du papier ?!).

N’étant pas là pour faire l’apologie de la drogue, je ne me lancerai donc pas dans l’établissement périlleux d’une liste exhaustive de tous les produits stupéfiants consommés aux limites de l’excès lors de ces quelques jours. Pour sûr, on s’est bien marré, on a dansé comme des furies sur tout et surtout n’importe quoi, on a vu les ovnis s’élevaient dans le ciel à chaque couché de soleil (cf: les lanternes chinoises dont je cherche toujours la notice de fabrication DIY), on a suivi des fées jusqu’à l’orée des bois, scintillant de mille couleurs par le jeux des lumières et boules à facettes savamment installés de-ci de-là, on s’est cru à Ibiza chaque matin après midi sur la plage de la scène principale déversant de la grosse minimale aux basses lourdes et envoutantes, on a échappé aux trolls de la nuit et fuit au maximum le village des mecs à oreilles pointus – putain merde ! Pourquoi on s’retrouve encore une fois devant le stage trance ! Satané vortex ! On a joué à cache cache entre les cubes fluorescents du Kubic… Enfin tout ça quoi mais surtout pour se dire, après moultes pérégrinations, qu’on en avait p’t'être pas assez profité « Sinon, l’son c’était bien? Vous avez vu qui? – Euh..ouai ouai d’la balle, enfin, j’crois… Ah oui on a vu Elisa Do Brazil… Pour lui demander son passe backstage… – Ah, super… ». Loin de s’enorgueillir de cette piètre performance, la décision était prise, l’année prochaine, on y retourne !

Sauf qu’en 2010, pour la première fois depuis la création de cet événement, les tickets étaient vendus en ligne sur le site du Fusion. En 48h, et nonobstant le secret du line-up maintenu jusqu’au premier jour de festoche, les 55 000 places étaient vendues, sold out dans ton cul ! Bim ! Qu’à cela n’tienne, le compte à rebours était lancé, 2011 sera la bonne.

Le 1er décembre 2010, jour d’ouverture de la billetterie, s’annonçait comme un prélude de Noël. En cliquant sur la touche « book your ticket », suivi du mail de confirmation et d’explication de la procédure à suivre, j’y découvrais, outre les galères de virement à l’étranger devant s’effectuer directement à son guichet – bah ouai quand on est dans l’auto gestion, on passe pas par digitick – (pratique quand ta banque est la même depuis l’ouverture de ton premier pack « Jazz mes couilles » à l’âge de 16 ans dans ton bled pommé à l’autre bout d’la France) et que donc j’avais jusqu’au 1er janvier pour payer: « We have established a paiement period of four weeks so that you can wait for Santa Clause’s subsides ».Décidément, ‘sont balaises ces Allemands.

Le 10 mai, comme promis, je recevais chez moi, en recommandé s’il vous plait, les précieux tickets manufacturés. J’ouvrais, émue, l’enveloppe, avec quand même, une petite pensées pour tous ceux qui comme moi, s’étaient fait grillés en s’y prenant trop tard. Même pour ces gros nazes infortunés les orgas du Fusion pourvoyaient, en mettant en place le tirage au sort de la seconde chance ! Elle est pas belle la vie ?
Une fois l’équipement acheté (une vraie tente, ce qui est un luxe en soi, et t’évites de parcourir tous les shops de sports dévalisés de Berlin, pour ne finalement trouver qu’un abris de pêche, sorte d’ersatz de tente igloo coupée en deux et complètement perméable) ainsi que les derniers préparatifs (3 bouteilles de Pastis 51 d’un litre pour deux et pour 4 jours, il faut c’qu’il faut), nous étions fin prêtes à partir, l’esprit léger, vers l’accomplissement de notre destinée. À nous les dance floors à paillettes ! Les coupes de veuches du Hair Drunk Cut, les pizzas au feu d’bois des Efles, le soleil et les pieds nus dans le sable fin du Turmbüne. On avait juste omis un petit détail, checker la météo… ou plutôt prendre plus au sérieux les infos balancées sur le site. En Allemagne, quand il est écrit que le temps sera nuageux, il faut comprendre: bruine dégueu non stop et humidité ambiante à la bretonne. Les 5 jours qui s’en suivirent restent gravés dans ma mémoire tel un remake de la Guerre du Feu version le plastic c’est fantastique, saupoudré d’une bonne dose de bonne humeur et d’ultra motivation, le tout accompagné d’une capacité d’endurance digne de l’entrainement des bérets rouges.

De retour de la planète Fusion.

Mercredi 29 : décollage imminent.

Arrivées telle la rosée du matin à Berlin-Schönefeld - »Lucien, t’as encore la trace de l’oreiller sur la joue« , nous ne tardons pas à apprécier la différence culturelle entre nos traditions dites latines et les leurs d’origines germaniques. Outre la gentillesse de notre guide de fortune polyglotte qui nous indiqua aimablement notre chemin, c’est en passant près de 12 heures en centre ville que cet écart saute vraiment aux yeux.

- Achtung! On traverseuh tanh les clouh! Achhh, on ne frauteuh pas tan le métroh! bon, ok je sors…et m’incline devant tant de civisme et de citoyenneté. 18h, nous nous rendons, à côté de la gare de Ostbahnof où le staff a installé sa T.A.Z. Toutes les demi-heures, un type barbu munis d’un mégaphone annonce le départ imminent de l’une des navettes en partance pour Lärz. Une ambiance de colonie d’vacance règne à bord, ça joue aux cartes, ça boit des bières, tout l’monde semble se connaître. 2 heures plus tard, le véhicule s’arrête. Une file de voiture longue de plusieurs kilomètres occupe la chaussée jusqu’à l’entrée du festoche. Commence une attente presque aussi longue que le trajet. Les gens squattent sur les toits, d’autres quittent le bus pour parcourir le reste du chemin à pieds. L’impression d’être dans « Taking Woodstock »… Nous qui pensions nous trouver parmi les premiers la veille de l’ouverture… Arrivées sur place, on monte la tente à l’opposé du stage Trance (on nous y reprendra pas deux fois !), avant d’aller prendre la température. Il n’y pas vraiment d’son mais une atmosphère festive règne dans la plus part des zones. Certains finissent d’installer d’étranges structures de métal articulées aux allures de pieuvres tentaculaires, d’autres de monter leur chapiteau avant le lancement, demain. Toutes les scènes sont prêtes à cracher leur watts, ne manque que le Kubik, le fameux club éphémère, qui ne répondra pas à l’appel cette année. Crevées, on retourne à la tente, sous un ciel encore étoilé.
Jeudi 30 : le feu ou le nerf de la guerre.

Réveil les pieds humides, la tente était restée ouverte, il pleut. Après un bon café, on s’dirige vers l’une des douches (mixtes et à moitié en pleine air) histoire d’avoir l’air présentables… C’est l’début, alors on tient encore aux apparences ! Bizarrement, personne ne se presse à l’entrée des cabines. Seules quatre nanas blondes bien en chaire se tortillent en gloussant sous un crachin dont la température se devine aux faciès qu’elles arborent. Je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire que je perdrai aussi tôt après avoir fait moi même l’expérience d’une eau à 10°, encore plus glacée que la pluie qui n’en finit pas de tomber. Comme le disait ma grand-mère, rien d’telle qu’une bonne douche froide pour se réveiller ! Et puis, c’est bon pour la circulation, non ? Alors on sert les dents et on ferme sa gueule ! Après tout, on est pas là pour râler. Et puis c’est pas tout, mais on a nos duvets à faire sécher, histoire de pas choper une pneumonie dès le premier jour. Heureusement, hormis les stages à ciel ouverts qui malgré la pluie battante, ont commencé à se remplir, de grands bunkers, témoins de l’ère communiste, viennent servir d’abris aux moins défoncés courageux d’entre nous. Nous trouvons refuge dans l’un d’eux, le Kino, à l’intérieur duquel une foule s’engouffre. On y passe un documentaire chèp-chèp sur les danses transcendantales dans les différentes cultures, parfait pour piquer un p’tit somme en attendant que nos sacs de couchage, accrochés tels des chauves souris géantes à un câble poussiéreux, rendent leurs dernières gouttes. Nous réouvrons les yeux au générique de fin pour s’apercevoir que le sol n’est plus qu’un tapis humain de corps blottis les uns contre les autres venus rechercher la précieuse chaleur humaine « - mais Wass ifs das ?! Umm, salut toi… ». finalement c’est sympa la pluie, ça resserre les liens !

De retour de la planète Fusion.

Comme on est pas là pour acheter du terrain, ni bouffer du docu que l’on aurait très bien pu mater chez soi en streaming un jour de défaite, on s’décide à pointer le bout de notre nez dehors en profitant d’une légère accalmie. Nous sommes pas tout à fait en zone conquise, la Dub Station, mais les hippies y ont fait un feu. Nous profitons donc de l’aubaine pour y faire sécher notre unique paire de baskets en assistant à une danse chamanique exécutée avec dévotion par unesilhouette fluette sur laquelle se devinent des années de festival trance goa. Tandis que la possédée se rue dans le sable en crachant sur un mini autel à l’effigie de Shiva érigé par ses soins sous les regards ahuris de l’assistance, je joue les GO investi d’une mission, que ce feu ne périsse pas ! Moi, ainsi qu’une autre tête chevelue l’avons bien saisi, la survie de l’espèce en dépend. Ouga ouga ! Sous le chapiteau du chill out à quelques pas de là, Chancha Via Circuito du label ZZK ouvre le bal. La cumbia dubstep qu’il nous ramène de ses terres ensoleillées réchauffe un tantinet l’atmosphère, les corps se meuvent, les esprits s’échauffent, caliente se pone la onda ‘qua ! Après un fat burger vengan dégoulinant de sauce – Yummi ! (tout réside dans l’auto persuasion) – et un passage obligé à la tente pour remplir nos biberons d’un liquide opalin, il est temps de passer aux choses sérieuses. Dans quelques heures, youANDme débute son set au Tanzwiese venu remplacer le Kubic. Juste le temps de choper dans un des hsops éphémère une paire de chaussettes chaudes. Pas si évident le choix entre ces sortes de bonnets ? Chaussons ? Sacs à vomi ? De laine tricotées multicolores 100% alpa..quoi ? Ou encore les american skateboarding socks style footballeurs… On opte finalement pour l’esthétique sportwear, quitte à faire führer !

Pils poils dans les temps. Le duo berlinois amorce son set avec le classique I get deep devant un public frétillant looké à souhait. La scène ne paie pas de mine question déco mais le système Funktion One et leur son groovy parsemé de tracks freshy flesh comme Don’t look down now (Anthony Collins – Roman Fluegel remix) fait plaisir aux tympans. Ces mecs ont la niaque, comme l’avait prouvé leur témérité à n’pas lâcher l’bout d’gras face aux flics qui avaient fait cesser leur set sur le rooftop de l’Hôtel Center au Sonar OFF. Devant le stage, ça danse pieds nus, ça swing dans les bermudas, les lâchés intempestifs de fumigènes qu’on se reçoit en pleine gueule nous incitent à quelques boutades sur les relations parfois conflictuelles qu’on pu entretenir nos deux pays. L’occasion aussi de ré-entendre joué le remix de James Blake Limit to your love découvert au Sonar OFF. Voilà qui s’annonce comme un bon début de Fusion.


Vendredi 30 : le calme avant la tempête.

Enfin un matin digne des souvenirs de camping comme on les aime. Réveil en sursaut. C’est moite, ça colle… Mais quelle bête repoussante a bien pu s’infiltrer durant la nuit pour qu’une telle odeur ait envahi la tente ?! Sensation de suffoquement. Je m’extirpe de là en mode somnambule. En faisant les choses bien, il y a moyen de s’accrocher les pieds dans une des sardines et, fait comme un verre dans son sac à viande, de s’étaler de tout son long sur le sol. Selon la teneur en alcool contenu dans le sang, dû aux déboires de la veille, choir ainsi dans l’herbe recouverte de rosé rosée fraiche le temps que le corps se réoxygène reste souvent la meilleure alternative. C’est généralement une fois que le soleil commence à bien taper en pleine gueule que la journée peut commencer. Direction les douches, il fait presque beau. Hors de question de rater le défilé de chaires dodelinantes qu’offrent les cabines à ciel ouvert du festoche. Au milieu du va et vient permanent des festivaliers, cette tripotée de corps nus ne fait pas plus d’effet qu’un stand de distribution gratis de bières sans alcool. Il n’y a pas de doute, on est bien en Allemagne. Le moment de s’faire plaisir si on est un tant soit peu voyeur ou exibo, ou les deux !

Plus tôt dans la nuit, le coup d’envoi était lancé sur la plage du Turmbüne, la grosse scène minimale, encaissée entre deux bunkers. Nous entreprenons l’Ascension de l’un d’eux, le spot offrant une vue imprenable sur le site. Parfait pour chiller au soleil tout en se délectant du spectacle de cette marée humaine multicolore qui se déploie en contre bas. Nous n’en sommes qu’aux prémices, cependant les visages déformés des participants trahissent déjà une consommation immodérée de liquide multivitaminé. Pour le bien être de cette faune, frôlant chaque minute la combustion spontanée, d’énormes vasques d’eau fraiche sont disposées sur un comptoir derrière lequel une bande de bénévoles s’affairent, remplissant inexorablement les récipients, agrémentant leur parfum d’essence de menthe, de citron, orange…(ceci expliquerait-il les excès de « filtre d’amour » dans les bouteilles? J’ignore de le savoir). S’amorce alors une partie de Où est Charlie? version Freaks avec ma partenaire de crimes. Solomun mène la danse et sur la piste, de splendides spécimens comblent à ravir notre quart d’heure pute. L’effet brouillard cérébral dissipé, nous décollons, enfin. Une silhouette familière attire mon attention… Notre première acolyte du Fusion ! Faut dire qu’elle ne passe pas inaperçue tout de poils et de fleurs vêtue, brandissant dans les airs une banane géante… une offrande à King Kong ? On échange, le temps d’un apéro pastis, sur la pluie et le beau temps, la mycologie, ahhh… la mycologie, quelle belle science, n’est-pas? Avant de nous quitter, BB nous révèlera l’existence d’une scène, inconnue au programme, cachée au fond des bois… Mais l’heure n’est pas à la balade champêtre et d’humeur sportive, on enchaine sur une partie de tennis de table pour le moins acrobatique, histoire de s’mettre en jambes et de tester l’effet de notre collation sommaire sur nos réflexes. Non loin de là, Son of Kick a commencé son show. Changement de décor et, j’ai envie d’dire, de public aussi. Mais ne dit-on pas qu’il est mal de renier son passé ? Mis à part quelques tracks d’assez mauvais goût, ambiance Mc Lach’ pa’ l’mic’, dont le petit frenchy semble, à regret, assez friand, je n’suis pas déçue de la performance de cet espèce de haricot sauteur du dubstep. Ça faisait même bien longtemps que je n’avais pas vu un mec jouer avec autant de ferveur et d’énergie. Chapeau bas… et tout ça à jeun de surcroît (mais chut chut pas de marques…laissez-moi y croire).

De retour de la planète Fusion.

Son set termine en même temps que commence celui de Beardyman. The show must go on. Nous ne sommes pas les premières arrivées et devant la scène s’amasse une foule dense et compacte. Note anthropologique, les fans de Beardyman mesurent tous plus d’1m80. Ce qui signifie que du haut de mon mètre soixante, je fais figure d’hérétique, à juste titre, et surtout j’y vois que dalle ! Mais ce soir apparemment, pas de one man show à la Jim Carrey, le prodigue du human beatbox nous a concocté une heure de live ambiance Techno revival à coup de grosse basses « mouth made » samplées et recrachées violemment par le sound système. Finalement je bénis le rempart humain que constituent ces géants qui m’entourent.

Bien que la frénésie se soit emparée de ce vaste parc d’attractions acoustiques, nous décidons d’en rester là pour cette nuit. Cela restera la version officielle pour ne pas divulguer que l’excès de pastis aura, en tout état de cause, décidé pour nous. Tout ce dont je me souviens après est d’avoir suivi jusqu’à sa tente un type croisé sur le chemin du camping. C’est moi ou nous sommes entrés dans un putain d’camp de réfugiés après une réplique sismique? Sur le sol gisent un amas de cadavres de bouteilles de bières, de boites de conserves vides et de paquets d’chips éventrés. Le motif de notre présence en ces lieux, quémander un pétard avant d’aller s’pieuter. Merde qu’est-ce qu’on ferait pas pour avoir notre dose?! C’est moche… L’une des rescapées (incroyable! deux p’tites nanas dormaient en ces lieux) me demande, consternée, quelle idée nous ait passé par la tête pour avoir cru en la fiabilité de leur pote, un jeune polonais mi-hipster mi-…molette ? Je ne saurais répondre, pas plus que je n’ai de mots pour décrire ce qui s’en suivit sinon, absurde, abscons et vain. Guten dark !
Samedi 1 et Dimanche 2 : À l’assaut de la grande Arche.

Encore un réveil qui s’annonce sous de tristes augures, météorologiquement parlant. Je sens que le moral des troupes n’est pas au beau fixe et choisis de me rendormir, avec un peu d’chance quand je rouvrirai les yeux, le ciel resplendira d’un soleil radieux? Loupé… La première mission de la journée consiste donc à trouver des sapes qui ne soient pas complètement détrempées, alors on renfile son unique paire de chaussettes chaudes, son unique jeans déjà bien crasseux et son unique pull avant de taper un sprint sous la pluie jusqu’au point info où il y a distribution massive de sac poubelle rose. Place à l’atelier haute couture. Aujourd’hui, nous apprendrons comment confectionner une tenue mode et design en sac plastique :

1- Découper trois trous dans un sac à la façon de la chemise du capitaine.
2- Prendre un deuxième sac et avec un coin, en faire une capuche, effet Ku Klux Klan PD garanti.
3- Elément essentiel, enrober soigneusement ses chaussettes dans les restes de plastique afin d’étanchéifier ses pompes.

De retour de la planète Fusion.

J’ai vraiment le look coco mais nous sommes samedi, c’est la dernière ligne droite et je m’apprête à voir Daniel Dexter. Le dancefloor ressemble à une chaine de tri dans un centre de recyclage mais la joie et la bonne humeur se lie sur les visages, et les parapluies multicolores agités dans les airs donneraient presque à cette teuf un p’tit gout de carnaval de Rio. Je me risque à tomber dans l’énorme cliché Berlin vraiment c’est trop tophein, les parisiens eux savent pas faire la fêthein mais a-t-on jamais vu en France des gens aussi motivés dans des conditions aussi extrêmes ? Si quelqu’un en a la preuve, je ne demande qu’à voir. L’ambiance est encore une fois survoltée et le set de Dexter mieux que n’importe quel rayon de soleil. J’en aurais presque les larmes aux yeux. Cependant je sens qu’il va en falloir plus à ma coéquipière qui mène déjà le front contre le débarquement anglais, si je veux la voir poursuivre cette bataille contre les éléments avec moi. Son set terminé, je m’lance en croisade. Une expérience qui m’aura valu quelques désappointements pour finalement arriver à cette fâcheuse conclusion, rien ne distingue le pusher allemand du parfait stéréotype du beauf nordique, croisement malheureux entre un hooligan et un tchetchène. Pour le coup, plus cliché tu meurs.

Le ravitaillement livré, nous pouvons monter au front. C’était sans compter une énième averse torrentielle qui nous pousse à nous retrancher dans le premier bunker à l’horizon. À l’intérieur se tient Le Cabaret. Une madame loyale affriolante annonce en anglais les numéros. Je ne pourrais dire avec certitude combien de temps nous sommes restées ici mais assez longtemps pour voir défiler sur la piste tout à tour, une acrobate cordiste à la grâce plus que douteuse, un contorsionniste irlandais à la carrure de Hells Angels échappé d’une jaule russe, un duo de jongleur italien super gais, un numéro d’équilibristes lupanesques suivi d’une autre performance de corde version expérimentale / conceptuelle / art contemporain… Je commence à trouver le temps long et ressentir quelques fourmillements. Mais dehors, c’est le putain de déluge et j’ai oublié ma barque ainsi que mon gilet de sauvetage. Déboule ensuite sur la piste une immonde créature moulée dans un costumede Batman-disco en lycra argenté affublée d’un nez porcin, Batpig. Il porte sur son torse des ersatz de mamelles emplies de ketchup et de mayo qu’il fait gicler avec jouissance sur le public. Beurk.. S’en est trop ! Il est vraiment temps qu’on se casse, quitte à trouver un autre refuge.

Dehors, le chemin n’est plus qu’une immense marre de boue dans laquelle les gens, tels des pantins désarticulés, peinent à avancer. La scène est assez rocambolesque. Je retiens de justesse un mec qui manque de se ramasser à mes pieds, loupant une bonne occasion de me marrer, ma bonté me perdra. Non loin de là, nous nous embusquons dans une sorte de préfabriqué à la façade façon trompe l’oeil. À l’intérieur est reconstitué ce qui semble être un décor typique de taverne bavaroise, du moins dans mon imaginaire fantasmé. Ça boit d’la bière, ça parle fort et ça danse autour d’un trio guitare électrique, contre basse, alto. On s’accorde une trêve dans cet endroit pour le moins atypique. Trois binouzes plus tard et nous voilà sur la piste en train de pogoter gincher, à Rome, fais comme les romains. Tout ceci est bien cholie mine dear fraulein mais il me semble qu’il y a un sound système à réveiller les morts qui nous attend dehors. Le temps de rafistoler notre tenue d’homme grenouille et nous voilà à l’assaut du Turmbüne tandis que poignent les premières lueurs du jour. De loin, la vision de la plage assaillie par une cohorte de zombies fait très scène post-apocalyptique. Nous nous rapprochons de la scène et perçons le noyau dur paraissant encore habités par un souffle de vie.

Aux platines, Oh fatche de con! mais c’est l’enfant de la garrigue, Bloody Mary, et avec elle, un rayon de soleil vé ! À cet instant, j’ai juste envie de lever les yeux au ciel et de dire: merci ! On quitte nos frusques et nous voilà parti pour trois heures de teck house à l’effet d’un bon bol de weetabix ! À l’instar des paroles du track de Danny Daze Your everything, I feel in love! Nous ne tardons pas à nous faire de la compagnie. Fraichement débarqué de Hambourg, Anton nous explique qu’il est arrivé ici avec son pote sans tente, sans sac de couchage et surtout sans ticket et m’enseigne un bracelet du Fusion vulgairement raccommodé autour de son poignet. Pour seul bagage, une glacière remplie de bouteilles de rhum et de Jägermeister et une sacoche qui je pense, ne contenait pas que des barres de céréales. Well done mec! Nice to meet you ! Absorbée par la musique, je ne vois pas juste en face de moi derrière les barrières une silhouette qui me fait de grands signes. Hè mais c’est notre hôte berlinoise chez qui nous sommes supposées crécher la veille de notre départ. Coiffée d’une serviette sur la tête et dégoulinante, elle me raconte comment elle s’est finalement retrouvée embarquée jusqu’ici malgré le temps et me donne rendez-vous plus tard à cette mystérieuse scène cachée dans les sous bois, le Bachstelzen, digne successeur du Bar25 résidant du Fusion. Merde ! Les mecs vont jusqu’à organiser un contre Fusion dans le Fusion, loin des masses et de la plèbe vulgaire. Une programmation fantomatique, non divulguée, connue des seuls initiés. Tout juste si l’emplacement apparait sur le programme officiel du festival. Putain d’cHipster Berlin ! Mais pour le moment, je n’ai aucune intention de partir d’ici, le son est bon, la tise coule à flot et nos compagnons de fortune ont le bon goût de partager cet humour débile qui nous est si cher. I amth’ whath’ I amth’ ! scande Anton face au public en affichant fièrement un sourire fictif à la dentition moribonde.

De retour de la planète Fusion.

Derrière le desk, J. Phlip aka Jessica Phillippe, la nymphette du posse Dirtybird a pris la relève. Il est 8h du mat’ et la fraicheur de son set, à l’image de cette jolie ricaine nous fait l’effet d’un bouche à bouche à la Baywatch, ne manquent plus que les palmiers et les gros nichons de Pamela moulés dans son maillot rouge. Petit à petit, de nouvelles têtes viennent renflouer les rangs du public où se mêlent maintenant survivors de la nuit et frimousses fraichement pomponnées. Dans le lot, on s’en sort plutôt bien et le mélange Maté-Jägermeister dont nous abreuvent nos acolytes est plutôt efficace… et de l’endurance, il nous en faudra pour poursuivre ce marathon acoustique orchestré à coup de relais-set de trois heures, régulièrement ponctué d’averses diluviennes. Je retiendrai la performance scénique de Niconé, résidant du Bar25 en mode after d’after, une bouteille de Jack en perfusion et grâce à lui, la découverte du track de Nu feat Jo Ke Who loves the sun totalement de circonstances. Oliver Koletzki, la star national de la scène techno germanique. Le live du geek Siruismo complètement chep chep déganté. Le Gogo dancer du Fusion, la version 2.0 de Carlos interprétant Big Bisous, torse poils derrières les barrières, distribuant des coeurs et des bisous à la foule tel une miss venant d’être promue à un concours de beauté. La gentillesse d’un bénévole qui, devant tant d’acharnement et de pêche, nous lèguera son parapluie… Il est 17h30 quand j’arrive au bout de mes forces. M.A.N.D.Y clôture dans deux heures et dans un excès d’optimiste, je promets d’être de retour à temps pour la dernière danse. Ça n’est que 4 heures plus tard que je me réveillerai au coin d’un feu dans une tente collective où j’étais venue m’enliser me réchauffer pour finalement m’endormir, bercée par Orange mécanique conté en allemand. Argh ! Le temps de retrouver ma complice, elle aussi échouée dans un quelconque abris de fortune au sec, et c’en était fini du set de M.A.N.D.Y. et par la même occasion de notre épopée préhistorico-futuriste, le reste de pâtes trop cuites ayant eu raison de nos derniers élans de motivation.
Lundi 3 : Repliement des troupes

Ultime réveil aquatique et pas des moindre. L’opération paquetage du campement – tente et fringues muddy à souhait, sinon c’est pas rigolo – menée avec brio, une dernière épreuve nous attend, trouver un moyen de rapatriement sur Berlin. Le parking d’où partent les navettes n’est plus qu’un immense cimetière de bottes en caoutchouc dépareillées, de parapluies cassés et de toiles de tente déchiquetées. Devant le stand de vente de tickets, une queue à n’en plus finir laisse présager de longues heures d’attente dont on se passerait volontiers. Chemin faisant, nous rencontrons deux suisses dont nous faisons rapidement nos compagnons de galère. Bonne étoile oblige, nous nous faisons rapidement prendre en stop par un type au volant d’un van qui nous embarque tous les quatre sous les yeux d’une nuée de festivaliers dépités, enrôlés dans bataille de la course aux taxis. Adieu Fusion et retour à la civilisation.

Le bilan personnel pour ces quatre jours: +1 pour les bonnes résolutions, j’aurai le droit à une pâte de fruit en rentrant ! 0 pour la garde de robe: prévoir un scaphandrier pour l’année prochaine et surtout une putain d’paire de chaussures de golfe ! Car au final, nous ne serons jamais parvenues jusqu’au Bachstelzen… Outre nos impaires, on ne peut que féliciter le staff pour avoir su une fois de plus nous offrir un Fusion grandiose et épique. Vivement la version 3.0 !

Texte et photos argentique par Sarah Spoutine

Fusion Festival website

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