La Vie, l'espace d'un instant

Je me suis promis de trouver, cette semaine, un instant à méditer, sous la forme de photographie.  Un moment est unique par définition ; à la tragédie du Temps, ce voleur, se mêle pourtant ici la tragédie de l'Histoire. 

Le 15 août 1961, un soldat de l'armée du peuple de la République démocratique allemande (RDA) déserte et s'enfuit dans la zone occidentale de Berlin ; un photographe parvient à saisir son envol, aussi ephémère que beau. 
Le moment ultime. Quelques secondes plus tard, l'homme était mort. Une pluie de balles venait de le cueillir en plein vol. 
"A quoi bon, diraient les autres, à quoi bon alors avoir tenté la fuite, si c'était pour aller au-devant de sa mort ? La vie vaut bien qu'on la vive ; mourir ainsi, ce n'est que vacuité. Mieux aurait-il valu que ce malheureux vive."
Je rétorque à ceux-là que la première vacuité, c'est de venir au monde. A mes yeux, il n'y a donc qu'une chose réellement importante : la manière dont on meurt. 
C'est ainsi qu'un jour demandé à une personne quel était le sens de la Vie. 
Oui, j'ai osé poser une telle question à un autre humain, quelqu'un de peut-être encore plus perdu que moi. 
Sa réponse ? Un proverbe. Africain, il me semble. 
"Tu es un guerrier dans un position très inconfortable. Si tu avances, tu meurs. Si tu recules, tu meurs. Néanmoins, dans ta position actuelle, ta fin est également imminente ; alors, pourquoi ne pas reculer ? Pourquoi ne pas avancer ? "
La chose m'a dérangée, m'a retournée, m'a complètement déboussolée, même. Je doutais fort, et doute fort encore aujourd'hui, que l'on puisse on trouver une raison à la Vie. Mais je me garderai bien de dire que l'existence est exempte de sens. De DYNAMIQUE. 

La dynamique, le mouvement... Quel plus beau mouvement qu'ici ? La liberté, voilà ce qui meut un homme. Et cet homme-là, particulièrement. La liberté, c'est une composante de deux choses, essentielles et cruelles : la dynamique, certes, mais surtout, l'espace où on veut la développer, l'exercer.  

En quelque sorte, la liberté, la seule, la vraie, c'est celle d'être celui qui se choisit ses contraintes.

Ici, pendant quelques secondes, un illustre Inconnu a pu vivre comme il l'avait souhaité, dans le cadre tant rêvé, et dans un mouvement, sublime, de l'élévation.  Un ailleurs, un rêve.

Il n'est point de bonheur sans liberté, et de liberté sans courage, disait Périclès.
Gageons qu'ici, une véritable leçon de Vie, pas de Mort, nous est donnée.