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Fiscalité du capital: ce qu’on ignore et ce qu’on occulte

Publié le 14 septembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Beaucoup pensent que les revenus du capital bénéficient d’une fiscalité moins lourde que les revenus du travail. Mais c’est une idée reçue. Démonstration.

Par Florent Belon

Fiscalité du capital: ce qu’on ignore et ce qu’on occulteIdée reçue partagée par 99% des prétendus économistes, politiques, journalistes et autres  experts autorisés : « Les revenus du capital bénéficient d’une fiscalité moins lourde que les revenus du travail. » Il n’y a pas une once de vérité dans cette affirmation.

Le capital (extraits du dictionnaire d’économie politique de Charles Coquelin)

Le capital « est le fruit de l’accumulation. C’est l’ensemble des valeurs antérieurement soustraites à la consommation improductive et que le passé a légué au présent. […]. »

Le capital est ainsi à la fois matériel (outils, machines, immeubles, aménagements …), financier (réserves de pouvoir d’achat de précaution ou d’investissement) et humain (compétences intellectuelles). Le capital résulte d’une privation de jouissance immédiate. Lorsqu’il est matériel, l’individu renonce notamment à la consommation immédiate du bien produit ou obtenu par l’échange. Lorsqu’il est intellectuel l’individu a renoncé à un temps de travail immédiatement productif ou à un temps de loisirs.

« Le capital est un levier qui doit augmenter l’énergie, la puissance, la fécondité, de ses travaux futurs. » « Sans l’assistance d’un capital dans l’œuvre de la production, l’homme ne peut rien et son travail même est stérile. »

Ainsi, le capital est le paramètre fondamental de la productivité du travail humain. Sans compétences , ni outils, ni autre forme de capital, l’Homme en est réduit à une vie de subsistance. Plus le capital est abondant, et plus la production de richesses d’un homme par unité de temps de travail est élevée. Cette abondance de capital est la seule voie permettant la prospérité générale.

En outre, si  le travail a besoin de capital pour être efficace, un capital sans travail dépérit. Par conséquent, le nombre d’emplois offerts dans une économie est également une fonction du capital disponible.

Le capital est une notion économique essentiel qui mérite de plus amples développements, mais je souhaite ici relever seulement deux idées :– Tout capital est issu du travail, physique ou intellectuel.– Le bien-être général est essentiellement conditionné par le niveau d’accumulation du capital, tant matériel qu’intellectuel.

On prête à François Guizot les propos suivants,  « Enrichissez-vous par le travail et l’épargne », slogan dont l’application a généré celle du monde occidental pendant des décennies. Le « profitez et consommez » de ces quarante dernières années  n’aura laissé que des montagnes de dettes, le chômage et le désespoir.

Le capital : souvent taxé avant même d’avoir produit !

Le travail, dès qu’il est rémunéré sous forme monétaire subit la fiscalité sur les revenus. Une activité salariée, commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou encore agricole est en principe soumise à imposition, qui n’est pas particulièrement douce. Par ailleurs, les cotisations sociales sont obligatoires et ouvrent des droits non proportionnels aux cotisations versées. Il convient de ne pas oublier les impositions sur la consommation qui, si elles sont plus indolores, ne sont que des impositions sur le revenu différées le cas échéant.

Seul le travail non rémunéré et non comptabilisé échappe à l’imposition. Il s’agit de l’acquisition de compétences, du travail matériel ne donnant pas lieu à échange (résultat des travaux conservés par l’individu exécutant) ou du travail dissimulé.

Or, le capital est issu du travail. Tout capital trouvant son origine d’une activité rémunérée sous forme monétaire et de façon non dissimulée a déjà supporté l’impôt au seul titre de l’imposition des revenus du travail.

« Toute imposition propre au revenus du patrimoine  ne peut ainsi qu’avoir pour conséquence une surtaxation des revenus du capital. »

On notera que le capital humain non imposé lors de sa constitution sera lui fortement imposé, au titre de revenu du travail, par le jeu de la progressivité de l’impôt sur le revenu et du plafonnement des droits sociaux acquis dans les régimes obligatoires. En effet, les revenus du travail atteignant des montants importants sont souvent permis par l’accumulation de nombreuses compétences.

Surtaxation liée à la transmission

Dans le cas où le capital n’est pas issu de l’épargne du travail de son détenteur, un autre individu a réalisé cette privation. Le capital a été transmis. Cette notion est essentielle à l’accumulation du capital à une échelle dépassant le terme d’une vie humaine pour atteindre celle d’une civilisation.

Une fiscalité dite de mutation à titre gratuit est applicable. Il s’agit des droits de donation et de succession. Ce capital est alors soumis à une surtaxation (imposition des revenus du travail + droits de mutation à titre gratuit) avant même d’avoir produit.

Surtaxation de la détention

Quand bien même le capital ne produirait pas de revenus, il est néanmoins imposé au titre de la fiscalité du patrimoine. La modification du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), applicable en 2012, permet de ne pas asphyxier toute accumulation de capital ayant une valeur monétaire  immédiate lorsqu’elle atteint un montant conséquent. Le taux maximum d’imposition est de 0,5 %.

Néanmoins, on notera l’élargissement de l’assiette de taxation (dès le 1er euro lorsque le montant net taxable du patrimoine dépasse le seuil de 1,3 millions d’euros), et la suppression du plafonnement de l’impôt par les revenus. De plus, je crains que cette réforme, très et trop modérée, ne soit remise en cause suite aux échéances électorales de 2012.

Surtaxation liée aux revenus

Les revenus (notion dont le champ d’application est délicat à délimiter et ayant connu de nombreuses évolutions comme le prévoyait déjà Yves Guyot, auteur libéral trop méconnu et pourfendeur de l’instauration de l’impôt sur le revenu), qu’ils soient réguliers (loyers, intérêts, dividendes…) ou ponctuels (plus-values), générés par le capital sont aujourd’hui tous dans le champ d’application de l’impôt. Seuls la résidence principale, un droit immobilier détenu depuis plus de 30 ans ou des régimes très restreints et très contraignants permettent d’échapper à une taxation.

Le taux d’imposition des revenus de placement à taux fixe est sur option proportionnel et peut ainsi  échapper au barème progressif et à son taux de 41%. Le taux proportionnel appliqué est néanmoins égal à 19%, ce qui augmenté des prélèvements sociaux atteint 32,5%, montant tout à fait honorable.

Les revenus fonciers sont eux condamnés à subir l’imposition au barème progressif. Le seul moyen de réduire la pression fiscale est alors de réaliser des travaux déductibles tout azimut, quitte à ce qu’ils ne soient pas efficients, s’endetter continuellement afin de déduire les charges financières, ou encore opter pour des contraintes en termes de montant des loyers et de ressources des locataires portant ainsi atteinte à la formation du prix, information fondamentale à l’harmonie des comportements et des échanges (Voir « différences et inégalités, sources de l’harmonie »).

Le gel du capital

Économiquement, la lourde taxation des plus-values et les avantages octroyés en faveur d’une trop longue conservation me semblent particulièrement néfastes car ils dissuadent les individus d’arbitrer leurs biens. Ce phénomène est amplifié par les droits d’enregistrements appliqués à toute transaction, notamment concernant les fonds de commerce, parts sociales et droits immobiliers.

Cette fiscalité fige le sang de l’économie.

Prélèvements sociaux et cotisations sociales : halte à la confusion !

Un point extraordinairement faux est la comparaison des « prélèvements sociaux » sur les revenus du capital et sur les revenus du travail.

Les revenus du travail sont arbitrairement soumis aux cotisations sociales obligatoires, dont les taux varient environ entre 25% et 40% pour les revenus salariaux en prenant en compte les cotisations dites patronales. Il est à noter que ces dernières, nominalement à la charge de l’employeur ampute la rémunération du salarié à l’identique des cotisations dites salariales.

En contrepartie de ces cotisations contraintes, l’assuré acquiert des droits présents (couverture maladie) et futurs et hypothétiques (droits à retraite). Ces droits ne sont pas proportionnels à la cotisation versée. Ainsi la couverture maladie est indépendante des cotisations versées, et les droits à retraite plafonnés. De ce fait, les revenus importants, ceux permis par un capital humain conséquent sont soumis à une surtaxation liée à la progressivité de l’impôt et au plafonnement des droits acquis dans ces régimes obligatoires.

Il ne faut pas confondre les cotisations sociales, ouvrant droit à une contrepartie sociale, et les prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social et contributions additionnelles) qui ne sont qu’un impôt sur le revenu alimentant le budget de la Sécurité sociale sans aucune contrepartie. En matière de prélèvements sociaux, l’hypocrisie du système social disparaît, on ne parle plus d’assuré mais de contribuable.

Les revenus du travail soumis à cotisations sociales subissent la CSG et la CRDS au taux global de 8%. Il s’agit d’une augmentation de cotisations salariales déguisée.

Les revenus du capital ne sont pas soumis à des cotisations sociales, mais aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social et taxes additionnelles) au taux de 13,5%. Tous les prétextes ont été bons pour augmenter les taux des prélèvements sociaux sur le capital : financer le bien-être du 4ème âge suite à la canicule en 2003, la solidarité du RSA en 2008, et dernièrement la crise des finances publiques. Les revenus du capital financent donc sans aucune contrepartie directe (droits sociaux) et bien peu indirectement (services hospitaliers publics mais dans quelle proportion ?) la protection sociale inefficiente des revenus du travail.

Certes, les taux apparents des prélèvements, bruts des droits acquis, cotisations sociales + prélèvements sociaux apparaissent plus élevés pour les revenus du travail, mais le prélèvement sur les revenus du capital est net de toute contrepartie.

Pour illustrer cette injustice, un individu qui cotise aux régimes obligatoires sur ses revenus d’activité, en raison de son épargne, résultat de sa prévoyance et qui fournit à son échelle emploi et meilleure pouvoir d’achat à autrui, va être pénalisé par des prélèvements sociaux supplémentaires sur les revenus de son capital. Ce prélèvement financera la protection des personnes consommant tout leur revenu. Les comportements vertueux sont ainsi pénalisés.

Dividende : « ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas »

L’erreur fiscale, actuellement professée dans les médias, est celle à propos d’une fiscalité avantageuse en faveur des dividendes.

Les dividendes bénéficient d’un abattement de 40% à l’impôt sur le revenu (et non aux prélèvements sociaux). Il n’en faut pas plus pour que les apprentis fiscalistes et économistes, suivis par de nombreux grands patrons (Alain Dinin, PDG Nexity, sur BFM le 09 septembre 2011 – rapport du conseil des prélèvements obligatoires d’octobre 2010) affirme que les dividendes bénéficient d’un traitement privilégié. La fin de cet abattement est alors proposée sans détours.

Seulement voilà, à l’image des revenus du capital qui sont issus de revenus du travail déjà taxés, les dividendes bénéficiant de cet abattement de 40% sont issus d’un résultat comptable d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés ayant déjà subi un prélèvement au taux 33%.

L’abattement de 40% (qui était de 50% avant 2006, et qui était même avant 2005 sous forme d’un avoir fiscal au taux de 50% remboursable si l’impôt sur le revenu du contribuable était inférieur au montant de l’avoir fiscal) est un mécanisme fortement et depuis longtemps ancré dans nos principes fiscaux.

Il n’a pas pour objectif et effet le privilège mais la neutralité. Un revenu généré par une société soumise à l’impôt sur les sociétés et entièrement distribué aux actionnaires est ainsi taxé de façon globalement semblable (impôt sur les sociétés + impôt sur le revenu) qu’un revenu généré directement par une personne physique (impôt sur le revenu).

Le dividende est même plus durement taxé car il ne bénéficie pas de l’abattement pour le calcul des prélèvements sociaux, et le taux supporté est plus élevé.

Il est à noter que si en fiscalité le taux est anecdotique dans ses effets, alors que les règles d’assiette, c’est-à-dire de détermination du revenu imposable, sont fondamentales, l’assiette de l’impôt sur les sociétés est quasi identique à celle des revenus d’activités BIC. Par conséquent, nous pouvons raisonner sur les taux sans se méprendre.

Exemple :

Revenu généré : 100

Personne physique

- Imposition à l’impôt sur le revenu au taux marginal de 41% (en principe plus de 71 K€ annuel de revenu imposable par part fiscale) : 41
- Prélèvements sociaux au taux de 8% (sans tenir compte de la déductibilité de la CSG) : 8
= 49

Société soumise à l’IS et dividende

- Imposition à l’impôt sur les sociétés au taux de 33 % : 33
- Imposition à l’impôt sur le revenu au taux marginal de 41% de 60% des dividendes versés, représentant 100% du résultat distribuable de la société (66 nous considérons que le résultat fiscal soit identique au résultat comptable) : 16,236
- Prélèvements sociaux au taux de 13,5% calculés sur 100% du dividende (sans tenir compte de la déductibilité de la CSG) : 8,91
= 58,14

Il faudrait également ajouter le cas échéant la taxe dite exceptionnelle (elle prendrait fin lorsque le déficit public serait de moins de 3%) sur les hauts revenus de 3% instaurée à compter de 2011, s’appliquant tant sur les revenus du travail que du capital, surtaxant ainsi à la fois les revenus du capital matériel et financier et les revenus obtenus grâce à un capital humain important.

Un prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) sur dividende a été introduit en 2008. Si son taux semble attrayant (19%), son assiette ne bénéficiant pas de l’abattement de 40%, il n’offre qu’un gain d’impôt qui était jusque-là parfois maigre, et désormais encore réduit en raison de la taxation exceptionnelle sur les hauts revenus. Pire, l’administration a énoncé que la grande majorité des personnes ayant opté pour ce PFL a été pénalisée par ce choix.

Who is John Galt ?

 » Le capital, pilier essentiel à la prospérité d’une société par l’emploi qu’il procure à ses membres et surtout par la productivité qu’il permet, sang de l’économie apportant l’oxygène aux muscles du travail physique et neurones du travail intellectuel, est dans notre système fiscal surtaxé et par conséquent découragé. »

L’un des atouts du capital, du moins lorsqu’il est financier et intellectuel, est sa mobilité. Les durcissements fiscaux annoncés et pressentis seront-ils une reconstitution de la révocation de l’Édit de Nantes (exode vers des contrées plus respectueuses des libertés individuelles) ou bien l’incarnation du roman d’Ayn RAND « Atlas shrugged » ou « La Grève » par le retrait des forces vives  ?


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