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Wikipédia : être contesté, c'est être constaté

Publié le 14 septembre 2011 par Pierrotlechroniqueur

Mais je crains qu'en réalité, ce sont surtout les abus de quelques administrateurs qui sont actuellement constatés — et désapprouvés avec force — par une part croissante de la communauté1. D'où cette prise de décision (PDD) visant à fixer les modalités de la contestation du statut d'administrateur, consécutive à celle-ci qui avait acté le principe de ladite contestation (mais il n'y avait eu aucun consensus d'obtenu, d'où la nécessité d'une nouvelle PDD, sur les conditions d'application. Ou la bureaucratie made in Wikipédia). Le principe est simple : il s'agit de généraliser, selon des critères communs que la PDD entend donc fixer, la contestation du statut d'administrateur (voir cette catégorie, et cet exemple de page de contestation pour bien comprendre) ; c'est-à-dire la possibilité pour une partie de la communauté, selon des modalités pour l'heure disparates puisque chaque administrateur fait sa petite cuisine, de forcer un administrateur ayant commis des abus à procéder à une reconfirmation (vote, si vous préférez) de son statut.

Pourquoi généraliser l'opportunité de contester ?

L'idée d'une reconfirmation du statut, il faut bien le dire, est dans l'air du temps depuis plusieurs années maintenant, et rebondit épisodiquement à chaque fois qu'un administrateur pose problème dans l'usage de ses outils. Quelques contributeurs militent ainsi, parfois depuis longtemps, pour une reconfirmation systématique à échéances fixes (en clair, un mandat d'administrateur limité dans le temps. J'ai longuement dit ce que j'en pensais ici. Je n'ai pas changé d'avis depuis). D'autres, jugeant que ce qui pose avant tout problème, ce sont les administrateurs indélicats ou ayant perdu la confiance communautaire, ont préféré les pages de contestation. Prenant le taureau par les cornes, Popo le Chien a ainsi lancé la première (la sienne) en 2008. Depuis, lentement mais sûrement, plusieurs de ses collègues ont créé la leur, avec leurs propres critères. À ce sujet, deux tendances se dégagent, selon que l'administrateur juge plus important de ne pas commettre d'abus ou d'avoir la confiance communautaire (et on retrouve ces divergences d'appréciations, pour ne pas dire de conceptions, dans la PDD en cours. Mais je vais y revenir après) :

  • Soit le contesté demande aux contestataires, qui n'ont alors pas besoin d'être nombreux, de montrer par des différentiels précis des actions administratives litigieuses ;
  • Soit le contesté demande simplement un nombre minimum d'utilisateurs mécontents (au moins 10 généralement), sans besoin d'autre justification.

Il est aussi important de noter qu'un certain nombre de contributeurs insiste sur la nécessité du volontariat de l'administrateur en question de permettre la contestation (mais ce point a donc été tranché, en leur défaveur, par la PDD de juin dernier). Pourquoi, peut-on alors se demander, précipiter les choses, et rendre obligatoire et généralisé ce processus ? Je vois trois raisons principales :

  • Une raison de mise en jeu de la responsabilité (presque politique) : c'est la communauté qui a élu les administrateurs, c'est donc à elle que revient le pouvoir de mettre un terme au mandat en cas d'insatisfaction.
  • Le nombre d'abus n'a pas augmenté, mais la communauté proactive, à force, ou parce que, peut-être, plus au fait de ce qui se passe ici ou là, est davantage sensibilisée à ces petits ou grands abus, et qu'elle a jugé qu'il était temps que des moyens simples et impliquant logiquement la communauté dans son ensemble soient mis en place pour y mettre un terme.
  • Il est toujours revenu au Comité d'arbitrage (CAr), car c'est l'une de ses prérogatives règlementaires, de décider d'un desysopage. Bien entendu, une telle décision s'appuie en réalité sur la preuve d'abus des outils par l'intéressé. Le cas s'est vu plusieurs fois par le passé. Mais force est de constater que, depuis une bonne année au moins, le CAr est devenu extrêmement frileux pour remplir ce rôle pourtant indispensable (voir ici, ici, ici ou encore ), et c'est d'ailleurs l'une des critiques principales — et légitimes — à son encontre actuellement. Cette inaction a logiquement conduit la communauté à chercher une alternative permettant la garantie minimale de contrôle de l'usage de leurs outils par les administrateurs.

Que prévoit la PDD ?

Déjà, et je l'ai indiqué en introduction de ce billet, il faut rappeler que le principe-même de la contestation a été acté par une précédente PDD. Par conséquent, et comme le souligne ici Pwet-pwet, toute tentative d'obstruction à la construction des modalités de cette contestation pour cause de désaccord avec ce principe constitue une désorganisation de l'encyclopédie. Ce point n'est tout simplement, sauf PDD contradictoire aboutie, plus discutable. Je sais qu'il n'a été acquis que par une majorité somme toute assez faible, mais il l'a été (et, pour faire une comparaison, j'observerai que, dans la vraie vie, on peut être élu avec une seule voix de majorité. Et, à ceux qui expliquent que le consensus est absent, j'objecte qu'il n'y en a pas non plus pour ne pas faire de contestations, et que l'existence déjà effective de ces dernières fait que c'est plutôt leur disparition qui doit en réalité recueillir consensus ...).  

La prise de décision est, par souci de simplicité, habilement découpée en 3 lots de questions (chacun des lots contenant des questions plus ou moins liées entre elles). Je vais étudier plus en détails chacun de ces lots, mais je tiens déjà à souligner en préambule que l'ensemble des points pratiques à traiter a été pris en compte, et que la PDD apparaît donc solide et carrée. Ce qui est fondamental si on ne veut pas risquer la nécessité d'une troisième PDD ou, plus vraisemblablement, l'enlisement sur cette question pourtant assez importante.

Le premier lot a trait aux questions de base : qui, quoi et comment. Il apparaît, j'en parlais plus haut, que, finalement, l'ensemble des choix proposés traduisent en réalité l'une ou l'autre des deux philosophies contradictoires pouvant guider le principe d'une contestation du statut d'administrateur : la perte de confiance ou l'existence d'abus. Pour ma part, parce qu'après tout je fais un blog pour donner mon avis, je considère que, malgré une certaine politisation de la fonction depuis deux ou trois ans, être administrateur c'est avant tout disposer d'outils techniques au service de Wikipédia (j'insiste : de Wikipédia et non de la communauté) et que donc la confiance communautaire, si elle ne doit quand même pas être négative, n'est pas non plus l'objectif que doit poursuivre l'administrateur, le plus important étant de se servir convenablement et utilement de ses outils. Je suis donc plutôt enclin à ce que la communauté se prononce sur l'usage abusif (ou non) des outils, mais cela n'engage que moi. Et il est de toute façon logique que le plus d'options possibles, sans surcharger la PDD, soient proposées à la communauté, qui tranchera. J'espère simplement, car on a parfois des surprises, que les réponses seront cohérentes entre elles. Parce que bonjour la logique si la proposition D ("un vote doit être étayé par une argumentation incluant des preuves solides (diffs, par exemple), et excluant toute spéculation, sans quoi il ne sera pas valide") de la deuxième question, et la proposition A ("il est possible de contester un administrateur pour n'importe quelle raison") de la troisième l'emportent toutes deux ... Enfin, je suis interpellé par deux propositions un peu étonnantes (mais je ne pense pas qu'elles seront retenues) : 

  • La proposition C ("il est possible de contester un administrateur en cas d'abus des outils ou du statut d'administrateur") de la troisième question. Je ne vois pas très bien ce que recouvre la notion "d'abus du statut d'administrateur". S'agit-il de pouvoir sanctionner les menaces inadmissibles d'usage des outils (exemple : "si tu ne fais pas ce que je te dis, je te bloque"), auquel cas l'intention est compréhensible et louable, ou les votes sur les blocages communautaires, auquel cas l'administrateur est bridé dans ses opinions ? Des précisions seraient utiles car je crains à l'avance des conflits d'interprétations à n'en plus finir si d'aventure cette proposition est validée ...
  • La proposition D ("En cas de litige, l'administrateur objet de la contestation tranche") de la quatrième question. Qui va contester une inscription sur la page de contestation ? Généralement l'administrateur qui en est victime. Et on propose que ce soit lui qui tranche ce litige ? Lui qui décide si oui ou non une inscription pour le contester est recevable ? Il est évident que cette suggestion ubuesque ne sera jamais retenue, mais je ne comprends même pas, honnêtement, qu'elle soit même présente ... Mais j'avoue avoir bien rigolé à sa lecture, ce qui était agréable tant la page est, mais c'est normal, technique et fastidieuse.

Le deuxième lot concerne l'aboutissement de la contestation (comprendre que les conditions fixées dans le premier lot sont remplies). Concrètement, combien de contestataires, et à partir de quand la suite de la procédure doit-elle être lancée ? Pour le second point, plusieurs options logiques sont proposées (il suffit d'un nombre x pour que la reconfirmation soit automatiquement lancée, intervention des bureaucrates ou droit de regard du CAr), dont une, la D, propose qu'aucune des propositions précédentes ne soit retenue. Ce qui aurait pour effet immédiat de faire capoter la PDD et de nécessiter le lancement d'une nouvelle ... Je ne suis donc pas certain, même si je comprends qu'il faut laisser le plus de choix possibles, de son opportunité tant le risque d'enlisement est alors tangible.

Le troisième et dernier lot, enfin, est relatif à la suite de la procédure une fois les conditions de la contestation remplies. La première question et fondamentale et conditionne en réalité les autres : une procédure de reconfirmation du statut doit-elle être lancée, ou faut-il refiler le bébé au CAr ? Je comprends qu'une telle alternative soit soumise à l'avis communautaire mais, à ce stade, soyons franc, je ne vois pas l'intérêt d'une intervention du comité d'arbitrage. La procédure de contestation, je l'ai indiqué dans ma première section, a notamment été envisagée parce que le CAr ne remplit plus son office de contrôle des abus d'outils d'administrateur. Pourquoi le faire sortir par la grande porte si c'est ensuite pour le hisser par la fenêtre ? Pense-t-on que, soumis à la "pression" d'une contestation préexistante et avérée, les arbitres se montreront beaucoup moins réticents à sanctionner comme il se doit les administrateurs indélicats ? Je suis loin d'en être concaincu ... De plus, la contestation ne deviendrait alors qu'une étape peu utile et doublonnesque puisqu'il demeurerait possible de saisir directement le CAr d'abus d'outils par un administrateur, et que le c'est donc lui, quoi qu'il en soit, qui trancherait ... Si la confirmation est actée, j'avoue être partagé sur le point de savoir s'il faut ou non un seuil fixe : d'un certain côté, il n'y a aucune raison de différencier confirmations et primo-candidatures ; de l'autre, l'intervention des bureaucrates — et leur pouvoir discrétionnaire — dans les candidatures découle naturellement de leur capacité technique à sysoper. Capacité qui n'a pas à être utilisée pour une re-confirmation, ce qui fait que l'usage de leur pouvoir discrétionnaire apparaîtrait beaucoup moins logique.

Remarques finales et générales de Tonton Pierrot

Vous l'aurez compris à la lecture de ce billet, je suis globalement favorable, d'autant plus que le principe est de toute façon acté, à la mise en place de ces procédures de contestation. Cela étant dit, j'ai trois remarques importantes, qui se veulent générales, à formuler, et dont il faudra, je crois, tenir compte pour éviter la survenue de futurs problèmes et drames :

  • Il faut impérativement des limites précises et cadrées. Pour que n'importe qui ne puisse pas contester n'importe quoi. Autrement dit, les contestations doivent être sérieuses. Sans quoi les administrateurs n'oseraient même plus se servir de leurs outils dans des situations triviales et quotidiennes, ce qui serait évidemment dramatique pour la gestion de Wikipédia (même dans la lutte contre le vandalisme, par exemple).
  • Il faut, et c'est en corrélation avec mon premier point, bien distinguer l'abus de l'erreur. Errare humanum est, et les administrateurs sont humains. Il n'est pas question de sanctionner les administrateurs, surtout très actifs, qui seraient coupables, ponctuellement, d'une mauvaise appréciation (par exemple une suppression immédiate un peu trop hâtive). Dans le cas où l'on retient la nécessité d'arguer d'abus par l'administrateur (et qu'on met donc de côté la notion de confiance communautaire), il est donc important d'établir la mauvaise foi de l'intéressé.
  • La procédure de contestation est avant tout d'essence communautaire. Directement communautaire. Il est donc, à mon sens, préférable d'éviter que le CAr, déjà si décrié par ailleurs, ne soit impliqué de près ou de loin dans ce processus qui se veut justement une alternative à l'arbitrage pour abus d'outils.

Bonus : j'offre un Carambar à qui me donnera l'auteur de la citation en titre de ce billet.

1. ↑ Mais il ne faut pas oublier que ces quelques abus, bien qu'indéniables, sont les arbres qui cachent la forêt. La forêt des administrateurs dévoués, ne commettant aucun abus et ayant simplement à coeur, et prenant du temps pour cela, la bonne marche de Wikipédia. Bref, pour quelques administrateurs problématiques, il ne faut pas oublier à côté les LPLT, Bloody-libu, Lomita, Theoliane, Zetud, Coyote du 86 (et j'en oublie beaucoup), pour ne citer que les plus actifs.


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