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Le système du bonus-malus, un outil politique dépassé?

Publié le 17 septembre 2011 par Rcoutouly

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Dans les propositions politiques des partis et des experts, le bonus-malus revient de manière fréquente. Par exemple,  cherchant des pistes pour sortir de la crise financière, l'économiste Patrick Artus, défenseur de la méthode des Eurobonds (une forme de mutualisation du risque au niveau européen) propose un système de "bonus/malus" pour "contraindre les Etats de la zone euro à une saine gestion. L'idée semble séduisante mais que met-on exactement derrière cette notion de "bonus/malus?

Ce système a bien entendu pour origine une méthode utilisée par les compagnies d'assurance pour favoriser les "bons" conducteurs et faire payer davantage les "mauvais" conducteurs. La méthode se heurte donc d'emblée à deux difficultés :

-une démarche manichéenne par son principe même : ce qui séduit dans le "bonus/malus", c'est la "récompense" des "meilleurs" et la "punition" des "méchants". Or, la définition et les limites que l'on met à ses termes posent des problèmes difficiles à résoudre et que connaissent bien les philosophes : la relativité du bien et la stigmatisation de l'Autre guettent  l'apprenti sorcier qui utilise cette méthode de manière approximative .

-de ce tiraillement provient la difficulté à poser des limites claires : à quel moment mérite-t-on le bonus? A partir de quand doit-on subir le malus?

Malgré ces difficultés, inhérentes à cette démarche, elle possède de séduisants atouts. D'abord, elle permet de récompenser les acteurs sociaux qui font des efforts. Dans le contexte politique de ces dernières décennies, où la politique fut souvent synonyme de laisser-faire, on apprécie une démarche volontariste qui permet d'agir en distinguant les pratiques vertueuses des comportements   négatifs pour la société.

Ensuite, la méthode de compensation, entre les payeurs de malus qui financent les récompenses en bonus, constitue un système qui ne "coûte" en principe rien.

Mais quand on étudie la réalité concrète, cela ne marche pas aussi bien. Le bonus-malus est installé dans le champ politique après le Grenelle de l'Environnement comme une méthode fiscale permettant d'orienter la consommation vers l'achat de voitures moins polluantes. On dispose maintenant du recul nécessaire à l'évaluation de ce système. Je renvoie, à ce propos, le lecteur à l'article que j'ai écris en octobre 2008.

Faisons un rapide bilan de ce dispositif pour l'automobile, instauré au 1e janvier 2008, afin d'en tirer des conclusions qui permette d'améliorer cet outil de politique publique.

D'abord, quand on voit les difficultés et l'échec de la taxe carbone, on est séduit par la facilité avec lequel le bonus-malus sur l'automobile s'est mis en place. Pas, ou très peu, de contestations, pas de problèmes techniques, et des effets immédiats sur les  choix d'achats des véhicules neufs par les Français. La mesure est simple à mettre en place et semble à priori juste. Les critiques vont venir plus tard, au fur et à mesure que les faiblesses du dispositif vont apparaître.

Car, instauré avec l'aval des constructeurs automobiles français, le bonus-malus a des effets indirects: il favorise l'achat des petites voitures au détriment des plus puissantes. Or, Peugeot et Renault ont délocalisé la production des premières et conservé, en France, la production des secondes. Le bonus-malus contribue donc à accroître le déficit commercial du pays et a des conséquences néfastes sur l'emploi.

La grille de répartition des bonus-malus étant rigide, et relativement tolérante (pour ne pas pénaliser cette industrie) les constructeurs s'adaptent rapidement et l'ont voit arriver, assez vite, les premiers 4x4 sans malus.

Mais surtout, le déséquilibre entre le nombre croissant de véhicules à bonus et la faible quantité de modèles vendus avec malus entraîne une perte sèche pour l'Etat. En 2010, le malus rapporte 200 millions d'euros mais en coûte 700 en bonus. Ce coût de 500 millions n'a fait que croître : 200 millions en 2008 puis 500 millions en 2009.

Le bonus-malus est un système qui a prouvé son intérêt mais montre de sérieuses limites. Que proposer alors pour le faire évoluer?

1-Supprimer les grilles technocratiques complexes:

Le tableau présentant les différents niveaux d'émissions et les valeurs du bonus-malus compte 19 lignes ! Chaque année, les seuils et valeurs changent. C'est bien trop compliqué et illisible. cela ne permet donc pas aux différents acteurs (industriels et  consommateurs) de s'y retrouver et d'anticiper.

Nous proposons un système fixe avec un seuil maximum de bonus unique, un seuil minimum unique pour le malus et, entre les deux, une zone non concerné par le dispositif. Seuls les véhicules émettant moins de 50 grammes auraient un bonus, toutes les voitures de plus de 100 grammes payeraient un malus.

On a donc un objectif clair pour les industriels : fournir des voitures à moins de 2 litres/100 km. 

2-Instaurer un malus proportionnel : 

Le malus est calculé de manière proportionnel de manière à éviter les effets de seuil :  dans un premier temps, il est de 10 euros par gr/km. Le système est donc plus juste.

3-Instaurer un malus évolutif:

Il faut certes laisser du temps aux industriels pour s'adapter mais il faut que chaque acteur sache que le coût de la pollution va croître : de 10 euros par gr/km, on passe à 20 euros puis à 30, puis à 40, selon un rythme qui pourrait être d'un changement tous les deux ou trois ans.

4-Instaurer un malus transparent, connu à l'avance de tous.

Prévu par la loi sur une décennie, les tarifs des malus sont clairs et permettent à tous de prendre les bonnes décisions en toute connaissance de cause. Cela permet donc à l'Etat de fournir un signal fort et de mener une politique volontariste.

Mais que devient alors le bonus?

Pour éviter le creusement des dettes publiques, le bonus est auto-régulable. Le système de bonus-malus doit s'auto-financer. Comment cela fonctionne-t-il?

La première année du nouveau bonus-malus, seuls les malus sont perçus. La seconde année, le taux de bonus est fixé pour l'année à un taux relativement bas pour éviter tout dépassement. Les sommes non-distribuées sont conservés pour l'année suivante. Chaque année, le taux unique de bonus évolue, en fonction des prévisions de vente de véhicules, de manière à ce que le système tourne à l'équilibre. 

L'ensemble des sommes perçues (malus) est redistribué, à l'exception d'un petit pourcentage qui vient alimenter une caisse de sauvegarde. Si un dépassement exceptionnel se produit, cette caisse vient éponger le déficit mais alors les taux de bonus vont, l'année suivante, plonger car il faudra rembourser ce déficit.

La fluctuation des bonus va créer des effets d'aubaine et, au contraire, des effets repoussoirs, les "mauvaises" années, que l'on pourra lisser en créant une évolution mensuelle des bonus.

Mais, si ce mécanisme va alimenter les logiques de marché, il va permettre à la politique de peser de nouveau sur les logiques concurrentielles. 

Conclusion: Expérimenté sur l'automobile, le bonus-malus se révèle déjà un mécanisme d'intervention politique qui redonne des leviers d'actions. Mais il faut innover en améliorant la démarche pour une efficacité plus grande et un coût nul pour nos finances publiques.

En appliquant les  règles décrites dans ce texte (malus proportionnel, évolutif et transparent, bonus auto-régulable), rien ne s'opposera alors, à son développement dans d'autres secteurs de l'action public, dans le domaine de l'environnement ou dans celui de la finance par exemple. 

Lire d'autres articles sur la fiscalité environnementale.


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