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Solaire : l'interruption des travaux de construction d'un parc photovoltaïque ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale

Publié le 20 septembre 2011 par Arnaudgossement

CE.jpgLe Conseil d'Etat vient de rendre une décision, le 25 août 2011 (mise en ligne ce jour), qui retiendra nécessairement l'attention de tous les acteurs de la filière solaire photovoltaïque. Il s'est en en effet prononcé sur une demande de suspension, en référé, de l'exécution de l'arrêté par lequel un maire avait ordonné l'interruption de travaux de construction d'une installation photovoltaïque. Analyse.


I. Les faits et la procédure

Le 30 juillet 2009, la société A. dépose une déclaration préalable de travaux aux fins de réalisation d'un parc photovoltaïque sur un bunker désaffecté.

Le 22 septembre 2009, le dossier de déclaration est complété.

Le 21 octobre 2009, le Maire de la Commune de V.  indique à la société A. que son projet est dispensé de toute formalité au titre du code de l'urbanisme.

Le 28 juillet 2011, le Maire prend un arrêté interruptif de travaux de construction du parc photovoltaïque

II. La saisine du Juge du référé liberté

De manière tout à fait remarquable, la société A. a choisi de saisir, non le Juge du référé suspension, mais le Juge du référé liberté, sur le fondement des dispositions de l'article L.521-2 du code de justice administrative, lesquelles précisent :

"Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures."

Il convient donc, notamment, de démontrer la violation d'une "liberté fondamentale". Au cas présent, la société A. soutenait que l'arrêté interruptif de travaux du Maire de la Commune de V.

"porte une atteinte grave au droit de disposer de ses biens et à la liberté d'entreprendre dès lors que, si l'interruption des travaux perdure, elle ne pourra pas respecter la date de mise en service de l'installation du 8 octobre 2011 et bénéficier des tarifs antérieurs, de sorte que l'équilibre économique de son projet sera totalement compromis ; que l'arrêté a été pris en méconnaissance du principe du respect des droits de la défense".

Le 3 août 2011, le Juge des référés du Tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société A. tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté interruptif de travaux du 28 juillet 2011.

Le 25 août 2011, le Conseil d'Etat a rejeté, en référé, la requête de la société A.

II. L'entrée en vigueur d'un décret marqué par "l'ambiguïté"

L'Etat a encouragé, dés 2006, le développement du solaire photovoltaïque par la définition de tarifs d'achat d'électricité. Toutefois, de manière absolument incompréhensible, ce n'est que par un décret du 19 novembre 2009 que l'Etat a fixé le régime juridique de création de ces installations au titre du code de l'urbanisme. Ainsi, avant 2009, la plus grande incertitude juridique caractérisait les projets d'installations solaires. Certaines administrations exigeaient le dépôt d'une demande de permis de construire, d'autres pas.

Cette problématique est présente dans l'affaire soumise ici au Conseil d'Etat. La société A. avait en effet conçu son projet avant la publication du décret du 19 novembre 2009. Plus encore, le Maire de la Commune d'implantation du projet lui avait même écrit pour lui indiquer que ledit était dispensé de toute formalité au titre du code de l'urbanisme.

Preuve de sa bonne foi, la société A. avait tout de même effectué une déclaration préalable dés l'instant où les panneaux devaient être installés sur un ancien bunker dont le changement de destination pouvait exiger cette formalité de déclaration.

Pourtant, alors même que la société A. était titulaire d'une décision tacite de non opposition à la suite de sa déclaration préalable, le Maire de la Commune de V. va ordonner l'interruption des travaux de construction.

En effet, entre temps, était intervenu ledit décret du 19 novembre 2009. La première question de droit est donc de savoir si ce décret s'appliquait à un projet instruit antérieurement à sa publication au journal officiel.

Sur ce point de droit, le Conseil d'Etat va juger que ...le décret était fort mal écrit :

"compte tenu (...) de l'ambiguïté des dispositions des a) et b) du 1° de l'article 9 du décret du 19 novembre 2009, tenant à ce que les installations qui étaient dispensées de toute formalité mais qui auraient cependant fait l'objet d'une autorisation pourraient relever du b) par leur nature ou du a) par le fait qu'elles ont fait l'objet d'une autorisation, le maire de V. n'a pas, en prenant l'arrêté contesté, porté une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale".

Ainsi, le Conseil d'Etat souligne "l'ambiguïté" des dispositions du décret du 19 novembre 2009. Il appartiendra sans doute au Juge du fond de procéder à une analyse plus précise de l'interprétation des dispositions du décret du 19 novembre 2009. Dans cette attente, en référé, le Conseil d'Etat juge que le Maire n'a pas "porté une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale".

La demande de suspension de l'exécution de l'arrêté interruptif est donc rejetée.

Il convient de bien préciser que le COnseil d'Etat ne confirme pas la légalité de l'arrêté interruptif de travaux : il se prononce trés exactement sur l'atteinte éventuelle à une liberté fondamentale.

III. Urbanisme et tarifs d'achat d'électricité

Le choix de la procédure du référé liberté est généralement motivé par le choix du requérant d'obtenir une décision trés rapide - en 48 h - du Juge des référés.

Au cas présent, l'urgence, pour la société requérante, résultait de l'application des dispositions du décret "moratoire" du 9 décembre 2010.

"que la société A. fait valoir que l'interruption des travaux la mettra dans l'impossibilité de mettre en service son installation avant le 8 octobre 2011, date limite lui permettant, en vertu des dispositions transitoires des articles 3 et 4 du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil, de bénéficier des tarifs de rachat d'électricité antérieurs à cette suspension et notablement supérieurs aux tarifs actuels, et compromettra définitivement la rentabilité économique de son projet".

Concrètement, l'interruption des travaux ordonnée par le Maire de la Commune de V. prive la société A. de la possibilité de bénéficier de la dérogation du décret du 9 décembre 2010 aux termes de laquelle un producteur peut bénéficier des tarifs d'achat antérieurs au moratoire, s'il (notamment) met en service trés rapidement son installation.

Tel ne pourra pas être le cas en l'espèce dés l'instant où la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté interruptif de travaux est confirmée. 

La décision du Conseil d'Etat peut être téléchargée ici. Arnaud Gossement

Avocat associé - Docteur en droit


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