Magazine Environnement

l'avenir de la gauche

Publié le 25 septembre 2011 par Rcoutouly

 

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Alors que les pilotes de l'avion européen tentent désespérément d'éviter le crash fatal, certains se penchent déjà sur les moyens de faire redécoller l'aéronef et son équipage. Comment éviter les erreurs du passé récent? Comment faire repartir la machine? Petite revue de quelques ouvrages et propositions récentes qui ont en commun de critiquer vertement les excès du capitalisme mais cherchent, de manière différente, des solutions.

Philippe Aghion vient de publier, avec Alexandra Roulet, "repenser l'Etat, pour une social-démocratie de l'innovation". C'est, des trois ouvrages que nous présentons ici, celui dont le propos se révèle le moins original. Certes, les auteurs critiquent les politiques keynésiennes qui nous ont menées dans le mur, misant sur l'augmentation indiscriminée de la dépense publique pour relancer la croissance par la demande. 

Mais une fois cette critique posée, évidente dans le contexte actuel, les propositions restent bien décevante : la solution serait dans le choix des "bons" investissements. Certes, on ne peut qu'être d'accord pour promouvoir une économie de la connaissance. Mais choisir comme seconde priorité la politique industrielle, en proposant de protéger les petites entreprises contre les risques de la mondialisation, semble d'une grande banalité : faute d'avoir analyser, avec précision et pertinence, les raisons du crash actuel, Aghion répète des antiennes du discours classique de la gauche et fait le contraire de l'esprit d'innovation qu'il prône.

L'historien Pierre Rosanvallon, avec son dernier ouvrage, "la société des égaux" mène, de son côté, une stimulante réflexion. Il revendique l'importance du vivre ensemble. "Produire du commun" signifie redonner tout son sens à l'impôt sur le revenu, pilier de la réussite de nos sociétés au XXéme siècle. 

Si Pierre Rosanvallon propose de revenir aux "fondamentaux" de la gauche, comme on dit dans le rugby, il semble avoir des difficultés à préciser les réponses concrètes à trouver. Son propos souffre des mêmes faiblesses que celui d'Aghion: on fait référence  aux valeurs de la gauche, on tire à boulet rouge et à juste titre, sur le massacre perpétré par le libéralisme triomphant, mais on a bien du mal à sortir du constat pour se projeter vers l'avenir, ce qui semble bien normal pour un historien tourné professionnellement vers le passé.

Finalement, les propos du philosophe Jean-Claude Michéa, auteur du "complexe d'Orphée, la gauche et les gens ordinaires et la religion du progrès" se révèlent plus stimulants et plus originaux.

Michéa prolonge la réflexion de Rosanvallon sur la perte du sens commun et du collectif. Le développement infini du marché menace de détruire de façon irréversible les valeurs communes dont personne ne songeait auparavant à questionner l'évidence. Quand les catégorisations philosophiques "de bon sens", qui fondent notre société, commencent à être perçues comme de pures constructions arbitraires et discriminatoires, il n'y a plus de limites et de repères. A une époque où la croissance économique illimitée est condamnée à épuiser nos ressources naturelles, cette  "extension sans fin du droit de chacun à satisfaire ses moindres lubies personnelles" menace la  survie même de nos sociétés. 

Au-delà de cette analyse, Michéa prolonge sa réflexion en s'attaquant à l'idée centrale, chez les gens de gauche, de progrès. Il revisite le complexe d'Orphée pour montrer que l'idée que quelque chose ait pu aller mieux dans le monde d'avant semble impossible à accepter.

Dès lors, ce mythe fondateur du progrès interdit toute projection différente et innovante dans l'avenir. En enfermant celui-ci dans un mystérieux sens de l'histoire construit autour de la croissance et du toujours plus, l'homme de gauche se condamne  à n'envisager le futur que comme une reproduction des combats du passé.

On voit bien ici où pêchent Rosanvallon et Aghion : en se focalisant sur les refrains des réussites de la gauche du XXéme siècle, ils tentent de faire revivre les fantômes des combats anciens qui ont permis de construire nos solidarités collectives.

Qu'il fasse les réactiver semble bien utile, mais ils ne suffiront pas pour combattre les menaces multiples qui nous assaillent. Il faudra trouver d'autres alliés si nous voulons vaincre à la fois la crise financière actuelle mais aussi les nombreux et variés dangers  environnementaux et économiques qui s'accumulent à l'horizon.

Pour ma part, et d'une manière résolument concrète, je cherche des solutions pratiques qui permettent, à la fois de retrouver ces valeurs fondamentales du vivre ensemble et de la solidarité collectif, et aussi de tenir compte des enjeux complexes de notre XXIéme siècle.

Par exemple, je ne crois pas que le retour et le renforcement de notre bon vieux impôt sur le revenu soit la solution miracle. Construit au coeur d'Etat-nations protégés par leurs frontières, l'impôt sur le revenu était, d'évidence, un outil de redistribution de la richesse.

La mondialisation l'a affaiblie. Il faut certes le défendre mais aussi chercher d'autres démarches fiscales qui permettent aux pauvres de bénéficier de la richesse des riches.

Par exemple, en taxant les propriétaires de logements énergivores pour financer leurs reconstructions, on crée une redistribution de fait qui favorise les locataires et les petits propriétaires faiblement argentés.

La lutte contre l'individualisme triomphant nécessite aussi une taxation des libertés individuelles quand celles-ci s'opposent à l'intérêt collectif. On ne peut pas interdire les 4x4, mais on peut les taxer lourdement et on peut utiliser cet argent pour développer des transports individuels et collectifs, faiblement polluants, au service du plus grand nombre.  

Tel est le but du site innovation politique/fiscalité environnementale, recenser et imaginer les méthodes et les recettes qui vont permettre à des gouvernements responsables de construire des politiques volontaristes au service du vivre ensemble et de la solidarité.


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