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Les rites de la politique (9) : suivre un débat télévisé

Publié le 27 septembre 2011 par Variae

Avec les primaires citoyennes, les amateurs de politique sont gâtés : ce n’est pas à un seul petit débat d’entre-deux-tours qu’ils ont droit, mais avant celui-là à trois et peut-être même quatre affrontements entre candidats à la candidature. Seulement, avez-vous réuni toutes les conditions nécessaires pour suivre ces débats dans les meilleures conditions ? Le suivi de débat présidentiel télévisé est un art à part entière, que l’on ne saurait improviser. Variae, soucieux de participer au succès de vos soirées télé, a donc décidé de vous donner quelques clés pour mieux vivre vos primaires citoyennes sur le petit écran.

 

Les rites de la politique (9) : suivre un débat télévisé

Le jour J. En hommage à Lionel Jospin, posez une RTT pour préparer le débat, en précisant bien à votre patron que c’est comme ça, que ça lui plaise ou non, et qu’il doit déjà se préparer aux 32H si la gauche passe en 2012. Faites une sieste, des étirements, des exercices d’assouplissement. Relisez le projet présidentiel du Parti socialiste (et pour faire bonne mesure, consultez le site du PRG). Envoyez pour la 17ème fois le rappel du débat (et de son horaire) à vos amis, en double si possible, et par tous les moyens (SMS, Facebook, mail …) à votre disposition.

Préparez le lieu de visionnage. Pendez un drapeau rouge à votre fenêtre (ou une serviette, ou une nappe, bref, quelque chose). Bloquez votre escalier ou votre ascenseur en installant une table devant : interpellez tous vos voisins, ne les laissez pas passer sans leur remettre un tract et sans vérifier qu’ils connaissent bien la date des primaires. S’ils s’agacent, expliquez-leur que c’est le Parti socialiste qui vous a ordonné de procéder de la sorte. Si vous vivez en hôtel particulier, bloquez directement votre rue en garant votre voiture en travers (vous l’aurez préalablement recouverte d’affiches « Primaires citoyennes, c’est vous qui décidez »).

Ne vous laissez pas déconcentrer. Une fois rentré chez vous, barricadez-vous à triple tour, coupez le téléphone, prévenez votre entourage qu’il est inutile d’essayer de vous joindre, même en cas de décès (« Un mort a l’éternité devant lui ! »). Ne laissez allumés que la télévision et un terminal d’accès (smartphone, ordinateur) à Internet : il vous permettra de répéter en direct, sur Twitter et Facebook, les propos de votre candidat, au cas où vos 200 amis virtuels, tous de gauche, tous devant la télé, ne les aient pas assez bien entendus.

Prévoyez de quoi boire et manger à portée de main. Vous n’aurez pas le temps de bouger de votre fauteuil. D’ailleurs ne buvez pas trop, au risque de faire « une Depardieu » : il est inconcevable que vous quittiez l’écran des yeux une seule seconde, même pour aller faire vos besoins, au risque de rater un moment où basculerait le débat, les primaires, et donc le destin de la France. Si vous êtes à plusieurs et que vous ne soutenez pas tous le même candidat, infligez à vos co-spectateurs un plat emblématique de votre favori (du chabichou, des tapas, du cassoulet, du poulet de Bresse …) : ce sera une première petite victoire psychologique sur eux.

Ponctuez d’exclamations bruyantes chaque intervention de votre favori. Cornes de brume et vuvuzelas peuvent être utiles. Si vous êtes seul, vous finirez peut-être par attirer l’attention des voisins (tenez près de vous un tract à leur glisser quand ils viendront tambouriner à votre porte) ; si vous êtes plusieurs, vous aurez sans doute droit à une descente de police, qui améliorera grandement votre street credibility de gauchiste.

Adoptez des éléments de langage adaptés. Avant, pendant et après le débat. Votre candidat ? Il est serein, calme, présidentiel, drôle, très au fait de ses dossiers, en capacité de réunir la gauche, sérieusement de gauche et d’une gauche sérieuse. Les autres ? Fébriles, agressifs, en difficulté, peu précis, en déficit de crédibilité et de présidentialité – d’ailleurs vous vous demandez s’ils ne sont pas fatigués, ou malades. Comment supporteront-ils le rythme d’une présidentielle ?

Le lendemain du débat. Empressez-vous de diffuser l’information selon laquelle l’émission réalisait des pics d’audience lorsque votre favori prenait la parole. D’ailleurs il a également été le plus cité sur Internet (restez flou sur votre source, il y a suffisamment d’instituts et d’études concurrentes pour que personne ne puisse vérifier). Si Libé vous est favorable, apportez-le au bureau et montrez-le à vos collègues, à la pause café, pour expliquer qu’il faut voter pour votre candidat puisque tout le monde est pour lui. Si Libé vous est défavorable, apportez-le au bureau et montrez-le à vos collègues, à la pause café, pour expliquer qu’il faut voter pour votre candidat puisque Libé est contre lui.

Romain Pigenel

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