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Patience et longueur de temps

Publié le 28 septembre 2011 par Toulouseweb
Patience et longueur de tempsANA prépare enfin l’entrée en service du Boeing 787.
Le 787 est incontestablement l’avion de transport civil dont le développement a été le plus coûteux, probablement 16 milliards de dollars, affirment des experts crédibles, une fois et demie le montant de l’investissement consenti par Airbus pour mettre au point l’A380. S’y ajoutent une quinzaine de milliards qui dorment sur le tarmac de l’usine d’Everett, dans l’Etat de Washington, une bonne trentaine d’avions terminés, en attente de modifications avant livraison. Vu sous cet angle, le programme est un fiasco et Boeing mettra longtemps à remonter la pente.
Bien entendu, l’industriel contrôle soigneusement sa communication, reste muet sur les chiffres mais, curieusement, Jim McNerney, son PDG, affirme que le 787 sera profitable immédiatement, ce qui est pour le moins difficile à comprendre. Quoi qu’il en soit, la compagnie japonaise ANA, client de lancement pour le moins échaudé par le retard de 3 ans, a finalement pris livraison du premier des cinquante-cinq avions qu’elle a commandés et le mettra en service fin octobre. Après un galop d’essais sur les lignes intérieures, il assurera des vols Tokyo-Francfort à partir de janvier.
On saura alors si le 787 tient ses promesses, malgré une surcharge pondérale qui sera sans doute corrigée au fil des temps, et affiche des coûts directs d’exploitation inférieurs de 20% environ à ceux des appareils de la génération précédente. Les ennuis commenceront alors à s’estomper et l’histoire retiendra aussi que 821 exemplaires du dernier-né de Boeing ont été vendus sur catalogue, un record.
Compte tenu de ce succès, et pour tenter de combler une partie de son retard, Boeing vise une montée en cadence rapide : deux exemplaires par mois dans l’immédiat, dix à fin 2013, sept à Everett et trois dans la nouvelle usine de North Charleston, en Caroline du Sud. Cette dernière est au cœur d’une sérieuse polémique politico-syndicale. La décision de la construire ne répondrait pas uniquement à la nécessité de créer un potentiel industriel supplémentaire mais aussi de punir le puissant syndicat IAM qui, par une grève dure, avait paralysé il y a 3 ans les différentes usines de la région de Seattle et Everett. Le dossier reste explosif et il est dans les mains des hommes de lois.
Le 787 est également un cas d’école pour de tout autres raisons. Les dirigeants de Boeing ont fini par reconnaître qu’ils ont confié de trop grandes responsabilités à leurs principaux partenaires, principalement au Japon et en Italie, cela sans exercer un contrôle suffisamment strict de leurs méthodes de travail. Le secteur a beau être mondialisé à outrance, il y a des limites à ne pas dépasser et Boeing l’a appris à ses dépens, au prix fort.
Le sort s’est d’ailleurs acharné sur l’avionneur, le gros 747-8, version allongée et remotorisée du célèbre gros porteur, étant également victime d’une sortie de route technique. D’où le refus de Cargolux, client de lancement de la version fret, de prendre livraison des premiers avions de ce type. Une polémique pour le moins encombrante et destructrice d’image de marque.
Quand on se souvient par ailleurs des gros problèmes de production de l’Airbus A380, des difficultés de l’A400M et que l’on constate que l’A350 pourrait ne pas tenir les délais, on en arrive à noter une fois de plus que l’aéronautique souffre de problèmes endémiques : les industriels commettent de coûteuses erreurs tandis que leurs clients courent vainement après la rentabilité. Sans la passion des uns et l’obstination des autres, le secteur tout entier serait déjà allé dans le mur depuis longtemps.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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