"En soupirant, elle s'assit devant son couvert. Rien ne lui était plus douloureux, certains matins, que la vue de cette table. Agnès l'avait achetée avec Jean-Baptiste voilà trente ans. Ils y avaient pris leurs repas. Elle y avait écrit ses premiers romans tout en surveillant Elisabeth. Ce n'était pas une très jolie table ; elle n'avait pas coûté cher ; ne disposait même pas d'allonges. Un meuble ordinaire. Il les avait suivis dans tous leurs déplacements en Europe depuis vingt ans. Vite reléguée à la cuisine, couverte ou non d'une nappe au gré des humeurs et des lessives, elle avait longtemps servi aux repas des enfants et aux petits déjeuners. Elle était la gardienne de cette époque révolue où les quatre enfants dînaient en se chamaillant. Elle était la table des enfants."
Elisabeth est morte, en Allemagne, en compagnie de son mari. Un accident de voiture tout bête, une plaque de verglas. Agnès est effondrée, elle quitte la Belgique, ses enfants adolescents, son mari pour se rendre aux obsèques de sa fille aînée. Là-bas, elle tente de comprendre pourquoi cette dernière avait depuis plusieurs années coupé les ponts avec elle malgré la tendresse qui les liait si visiblement, et pourquoi aussi elle avait fait de sa mère l'unique tutrice de ses deux enfants, et de ses biens. Faire son deuil, s'occuper de deux orphelins presque inconnus, réconforter la jeune-fille au pair, et mener l'enquête qui s'impose à elle donnera finalement à Agnès beaucoup d'occupation et les clés d'un nouvel avenir.
La Table des enfants croise quelques thèmes intéressants, ceux plus particulièrement de la relation mère-fille et celui de l'écriture (Agnès est auteure à succès de romans policiers). J'ai aimé également suivre les réflexions de cette femme d'âge mûr, sommée par les évènements de choisir son destin, et comprendre ainsi qu'à tout moment de la vie, tout est encore possible, transformable. Les ambiances sont posées tranquillement, chaque détail est minutieusement étudié, l'Allemagne devient présente, palpable, les personnages consistants. Tout m'a plu dans ce roman qui n'oublie pas de distiller aussi, et jusqu'à la dernière page un suspens troublant.
Un bon roman confortable, et un coup de coeur !
Editions du Livre de Poche - 7.50€ - Avril 2003