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La rediffusion du football mise sur orbite

Publié le 05 octobre 2011 par Duncan

CJUE, 4 oct. 2011, Football Association premier League, C-430 et 429/08.

Un arrêt extrêmement long (précédé d'une table de smatières, assez rare dans le domaine du marché intérieur, plus fréquent en concurrence) et aux repercussions économiques majeures.

Le litige opposait la Football Association premier League (AFPL) qui est responsable du tournage et de la retransmission du signal de la première division anglaise (ce signal est ensuite diffusé vers les consommateurs par la chaîne BSkyB qui a le monopole de diffusion) à des tenanciers de pubs. Ces derniers diffusaient les matches dans leurs cafés en utilisant un décodeur importé leur permettant de retransmettre des rencontres en passant par des chaînes étrangères, contournant ainsi le monopole de BSkyB sur le territoire anglais.

La première question posée à la CJUE consistait à savoir si ces décodeurs satellités constituent des "dispositifs illicites" au sens de la directive 98/84. La Cour écarte cette possibilité puisque les décodeurs en cause "sont fabriqués et mis sur le marché avec l’autorisation du prestataire de services, ils ne permettent pas un accès gratuit aux services protégés et ils ne rendent pas possible ou plus facile de contourner une mesure technique prise pour protéger la rémunération de ces services, étant donné que, dans l’État membre de mise sur le marché, une rémunération a été acquittée".

En effet,dans l’État membre d’émission, qui est l’État membre du lieu d’origine de cette communication, les organismes de diffusion disposent d’une autorisation de la part des titulaires de droits concernés, et versent une rémunération à ces derniers, cette rémunération pouvant d’ailleurs tenir compte de l’audience effective et potentielle dans les autres États membres.

Toutefois, l'article 3 de la directive ne s'oppose pas à ce qu'une réglementation nationale interdise l'importation de tels décodeurs. En effet, cette question ne fait pas partie du domeine coordonné de la directive.

La Cour se tourne ensuite vers l'analyse des infractions à la libre prestation de services (le volet marchandise est écraté au motif qu'il ets tout-à-fait secondaire par rapport à l'entrave à la libre circulation des services: l'interdiction d'importer des décodeurs visent surtout à empêcher la diffusion satellitaires des émissions  et non pas tant la circulation des déodeurs eux-mêmes).

L'existence d'une entrave est avéré: "l’accès aux services de transmission satellitaire (...) est conditionné par la détention d’un tel dispositif dont la fourniture est soumise à la limitation contractuelle en vertu de laquelle ledit dispositif ne peut être utilisé que sur le territoire de l’État membre d’émission, la réglementation nationale concernée s’oppose à la réception de ces services par les personnes résidant en dehors de l’État membre d’émission, en l’occurrence au Royaume-Uni. Par conséquent, ladite réglementation a pour effet d’empêcher ces personnes d’accéder auxdits services".

Une raison impérieuse de protection de la propriété intellectuelle peut toutefois justifier une telle entrave. Or, la Cour constate qu'un match de football ne peut être qualifié d'oeuvre et non peut donc pas, en tant que telle, bénéficier de la protection du droit d'auteur, ni à aucun autre titre.

Toutefois, la Cour considère que les matchs de football revêtent un caractère unique et donc "original". cette originalité mériteraient d'être protégée au motif que l'Union favorise, selon l'article 165 TFUE, la promotion des enjeux européens du sport. Voici donc un objectif légitime... et la Cour de retomber sur une analyse en terme de protection de la propriété intellectuelle malgré la conclusion rappelée plus haut selon laquelle un match n'est pas une oeuvre...

Encore faut-il qu'il soit proportionné. Or, selon la Cour, "il convient de rappeler que des dérogations au principe de la libre circulation ne peuvent être admises que dans la mesure où elles sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l’objet spécifique de la propriété intellectuelle concernée". Or, "force est de constater qu’un tel objet spécifique ne garantit pas aux titulaires de droits concernés la possibilité de revendiquer la rémunération la plus élevée possible".

Et la Cour de conclure que la restriction qui consiste en l’interdiction d’utiliser des dispositifs de décodage étrangers ne saurait être justifiée au regard de l’objectif de protection des droits de la propriété intellectuelle (la Cour écarte également un objectif d'assurer la présence du public dans les stades)

La Cour enfonce encore un peu plus le clou en concluant que cette conclusion "n’est infirmée ni par la circonstance que le dispositif de décodage étranger a été obtenu ou activé par l’indication d’une fausse identité et d’une fausse adresse, avec l’intention de contourner la restriction territoriale en question, ni par la circonstance que ce dispositif est utilisé à des fins commerciales alors qu’il était réservé à une utilisation à caractère privé".

Sous l'angle de la concurrence, défaite sur toute la ligne, puisque la Cour considère que" les clauses d’un contrat de licence exclusive conclu entre un titulaire de droits de propriété intellectuelle et un organisme de radiodiffusion constituent une restriction à la concurrence interdite par l’article 101 TFUE dès lors qu’elles imposent l’obligation à ce dernier organisme de ne pas fournir de dispositifs de décodage permettant l’accès aux objets protégés de ce titulaire en vue de leur utilisation à l’extérieur du territoire couvert par ce contrat de licence".

Nous laissons au lecteur le soin de lire la fin de l'arrêt relatif aux notions de "reproduction" et de "communication au public" en lien avec la reproduction de sémissions dans la mémoire du décodeur puis sur l'écran de télévision.

Un arrêt important donc dont les conséquences pratiques demeurent toutefois complexes à mesurer. Risqueon de voir se développer des marchés parallèles organisés d'importation de décodeurs? Les émetteurs étrangers vont-ils augmenter leur prix, flairant une bonne affaire? Les émetteurs nationaux vont-ils réduire leur prix poru décourager ces pratiques? Des obstacles techniques risquent-ils de se multiplier et donner lieu à de nouveaux litiges?


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