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Rachel, II - (IT'S THE MOTHERJACUZZING GREEN RACHEL !) par Axel C.

Par Fric Frac Club
Rachel, II - (IT'S THE MOTHERJACUZZING GREEN RACHEL !) par Axel C. suivant, évidemment : Rachel, I Les murs sont épuisés. De cette salissure qui n'est que propreté étalée dans le temps, conservation, quand les successions ont commencé à nier à la peinture l'état ou l'idée qu'elle était supposé inspirer après avoir affronté les goûts. Reste une forme d'oppression lâche, suite d'un passé raconté par personne ; ici ne plus bouger signifie presque perdre toute envie de continuer.
Il faut aller jusqu'à l'ascenseur pour se rendre compte que le bâtiment est plus qu'un lieu ou l'ennui et la faillite du créatif ont envahi l'ensemble. Son chrome pédant, encore visible sous l'utilisation, son aspect évasif et son décorum désuet de futur jamais arrivé : il est évident qu'il, rien que sa porte peut-être, est le seul objet sur lequel les gens qui passent en ce sens regardent. Rachel l'appelle de son index droit, courbé, impuissante à la limite du tolérable en l'entendant glisser jusqu'à elle, les chiffres défilent en helvetica.
Pendant la montée elle s'effondre, lasse (un 800m papillon est toujours une idée de merde), le haut de son dos heurte une paroi, glisse, la chemise de documents à bout de bras—un trombone seul, fier, empêche le déferlement. D'un mouvement unique sa main a appuyé sans courage sur le plus de boutons possibles. La lenteur du trajet pour agiter une contenance et la régularité des arrêts comme compte à rebours sans précision de fin. Sans se lever elle s'installe de l'autre côté, là où même visible personne ne la remarquerait. Les bras autour des genoux, se reprend en main, s'ébroue les misères idiotes. Elle attend. Supposément le lieu connu dilue ses trouilles et court-circuite sa méfiance. Personne ne la remarque, effectivement, aucune peur non plus, l'habitude du lieu, elle connait tout le monde ici, de nom ou de loin, l'étui d'évitement varie sa perméabilité et cloisonne l'irréel pour la laisser souffler quelques instants ; personne donc, tous avec autant d'initiative que des tournesols, jusqu'à Automne (Automne “cue Enée” Quetsche, 1979), qui lui lance un petit sourire moins aimable que triste et la laisse tranquille. Rachel n'a plus qu'à choisir : continuer ou descendre avec elle, sa cible est la même. Il n'y a plus vraiment qu'une putain de flemme pour lui coller le cul au sol, et peut-être la promesse de Raoul-au-cube, le magicien local mais coréen, qui d'habitude surgit encapé, haut-de-formé et saoul, entouré ou suivi d'un halo épuisant, à mi-chemin entre fumée de méchoui et soap opera effect. Raoul, dont la capacité à s'afficher en entier est discutable, effectue ses tours dans l'un ou l'autre ascenseur, n'arrive jamais entre les étages mais avec un chat que des documentalistes en mal d'aventure ont fini par déterminer être au moins trois différents, tous aux miaous très avant-gardistes.
Automne, l'air absorbée dans ses projets et par ses écouteurs, les doigts un peu enflés, strasbourgeois comme des saucisses et à l'instant les joues d'une blonde après un sprint—avec son ventre de trois mois, sa ceinture noire de BJJ, ses stilettos 480 nm à mesure de son salaire, une chemise qui semble masculine, motifs hawaïens iconiques peints aux pochoirs, jean noirâtre aux genoux troués comme la postérité, lâche odeur de mangue et… oui, à côté de la laisse, une boîte au bout du bras, de quoi faire discourir Forrest Gump. C'est ça qui finira par décider Rachel, il suffit de peu parfois, Automne donc se remue les glutei maximi à l'arrivée prochaine de son étage. Rachel, II - (IT'S THE MOTHERJACUZZING GREEN RACHEL !) par Axel C. [Fig. 11.5 : NOPE] (yojōhan shinwa taikei/the tatami galaxy ; Masaaki Yuasa, madhouse, 2010)
Les deux s'engagent, sans parole. Rachel n'a qu'à déposer son butin, le débrief logique n'est pas supposé être avant la fin d'aprèm, l'hôpital et son Gabriel ont été prévus entre-temps. Ceci dit le chocolat est un moteur suffisant, précaire certes comme vanité si peu crédible, pour la faire avancer au-delà du nécessaire.
Elle tourne déjà en rond, bras ballants, suit sans vigueur Automne. Le peu de couloirs sont gentiment encombrés par quelques peut-mieux-faires occupés à remplir les moments avant de mourir.
Et il suffit d'un contact, un simple costume pressé et plus attentif à sa trajectoire qu'aux obstacles, ça ou une poignée de main déjà très élaborée cherchant à évoluer par improvisation pour la première fois et Automne, à regarder ses doigts d'un air fièrement sapiens², commence un “c'était plutôt cool”, coince l'intonation de “, ma poule” ou “ese” [1] dans une cadence pas loin de la négation du sens et s'aperçoive trop tard de son erreur pour que Rachel commence à fondre, à se contenir, maintenir un équilibre savamment cartographié et toujours trop sauvage.
La pression suspend son vol… plutôt s'affixe, comme un de ces petits nuages isolés et vicieux de cartoon, non-assigné à des raisons climatiques mais pas indépendant pour autant. La solution la plus acceptable, vis-à-vis de garder la face, reste de prétendre et s'esbigner aux chiottes pour se rafraîchir les narines. Rachel s'en va confronter le miroir, pour faute de mieux, notes tristes avec elle.
Voir quelques instants son visage usé, ses expressions jusqu'aux rictus les plus couillons vendus et le peu d'officiel résultant déchiré, brûlé. Elle en profite, sait que ça ne durera pas, conserve le différent de l'actuel dans une poche de souvenir. Une chasse d'eau étouffée comme retour au réel.
Ici les toilettes sont décorées selon les étages, leur popularité variable avec le thème majeur. Doum di doum à l'instant l'étage 12 avec ses serviettes monogrammées étalées aux murs et plafond. Commencée comme trait d'humour, l'affaire a connu plus de résultats que de ricanements. Chaque membre de la réunion initiale vole sa serviette, de toilette si possible mais de bain pourquoi pas, dans un hôtel (garde pour lui probablement le peignoir qui allait avec) (de la même façon, l'idée que quelqu'un vole une serviette sous-entend la, erm, qualité de l'hôtel, sa facilité à évoquer quelque endroit décent à passer l'une ou l'autre nuit/douche), à la condition qu'elle soit blanche, crème au pire, et monogrammée, si discrètement le soit-elle. Avec le temps les curieux deviennent actifs, les petits malins se multiplient, les tissus se superposent et l'installation enlève du centimètre cube à la pièce. Un certain cachet, pour autant, gimmick qui se punaise un prestige lessivé. Au moment critique où une nouvelle serviette aurait supprimé une autre de la vue des visiteurs transitoires, le plafond s'est fait recouvrir, avec quelque mal aux endroits les moins accessibles. Au moment critique bis où la même chose aurait fini par se produire plafond compris, il semble qu'un consensus ait émergé : le sol ne sera pas recouvert. Quelques unes débordent de la porte sans vraiment gêner les charnières et envahissent gentiment le couloir, fonctionnant comme présentation du lieu, étiquette collée au bas d'un tableau pour faire semblant d'expliquer ce qu'il est. Les serviettes surnuméraires, qui toujours s'accumulent en petites piles bien pliées autour des lavabos, retrouvent leur fonction initiale [2], ou du moins quelque chose d'assez proche—l'arrivée constante de nouvelles, cepanmoins, a forcé quelques déviations du flux, et l'un ou l'autre concierge est régulièrement chargé de mener le trop-plein en des lieux secrets.
Son robinet continue. Rachel se frotte les yeux. Derrière elle le rituel bien trop minutieux de sortie de chiottes de qui s'avère être Lvcivs [3] [4] “in the dark” Glau, qui s'installe silencieux trois porcelaines à droite. Il s'essuie les mains comme un archéologue maladroit, la tête penchée fixe un endroit précis comme si le monogramme (RL, elle le connait, il se moque d'elle) était un code déclenchant la suite de sa journée, et finit par se tailler sans bonjour ni parfum.
Deux cils s'en vont faire du canoë dans le fond diffus du lavabo. Elle les abandonne avant la fin de leur course, ses tiags rebondissent à peine sur le sol. Le blanc qui l'entoure, supposé calmant, ici au ixième abord, l'idée imprimée en elle comme normale plus qu'inhabituelle ou comique, finit par l'oppresser. L'exception a fini d'être telle et l'ensemble est vaguement analogue à une cellule d'HP ; Rachel est principalement sauvée par sa défiance envers la simple idée d'analogie.
Semi-souriante dès le franchissement de la porte et toute cette situation est comme dans une bulle de possible, à la limite basse de l'énergie nécessaire à assurer sa viabilité dans le temps et, à vrai dire, dont l'existence actuelle est aberrante, la future inepte, traîne de quelque poussière quantique sur le point de s'évanouir, incertaine, et laisser revenir le réel sur des vagues où il lui conviendrait mieux—cette situation ne devrait pas être possible, elle ne correspond à rien. Au mieux un mécanisme de défense insidieux qui face à sa propre complexité et le dégoût subséquent aurait choisi un pli dégoûtant pour claquer de son starting-block et coincer Rachel dans une régression, un trac face au réel et ses ramifications habituelles, peur puis blocage face aux choix qui commencent déjà à s'effilocher. Elle revient sur son passé ad museam, trop lâche pour affronter le tumulte de l'hôpital ou l'attend, inquisiteur, Gabriel.
Q. que devra donc comprendre, intégrer ou même supposer Rachel pour évoluer, s'en sortir ou même avancer ?
R. que nier une erreur ne supprime pas ses conséquences—un truc comme ça Rachel, II - (IT'S THE MOTHERJACUZZING GREEN RACHEL !) par Axel C. [Fig. ? : possibilité de vue de haut]
(cowboy bebop ; Shinichirō Watanabe, sunrise, 1998)
En s'approchant de son but initial, pris en otage par l'envie des chocolats quetschiens, la situation a comme glissé.
Vers le bureau elle voit Automne s'éloigner avec Cielho (i.e. le patron). Tant mieux si elle n'a pas à le voir avant un moment. Automne lui jette un clin d'œil. Entre, juste à la porte, l'air fier mais incapable de savoir s'il doit osciller ou se fixer entre ça et la honte, voire la peur (Automne doit lui avoir annoncé qu'elle avait un tonychimel dans le tiroir) : Clémentin, un peu de preuve au bord la lèvre inférieure. Ouaip, c'est bien parti. Plus qu'à le convaincre et gratter des chocos. Il suffit de rester simple, de s'infiltrer discrètement à travers les vagues d'informations sur ses prouesses musicales, pouétiques ou paternelles nouvellement acquises pour lui tirer la localisation du butin ou l'envoyer quiller quelques minutes plus tard. Sans chocolat au bout ça reste Clémentin—agréable et lourd sur quelques bords (par exemple il semble porter un t-shirt à pingouins, trop grand pour lui (mais à fond blanc), a les paupières bien trop plissées et a cette façon très répandue de se mouvoir comme s'il était suivi par une équipe documentaire), et même si l'existence de leur couple contredit sa conception des relations humaines Rachel comprend ce qu'Automne fout avec lui. Pour autant si elle peut ne pas passer plus de cinq minutes avec lui tout ira pour le mieux.
Il lui suffit de parcourir d'avance les super-amas d'inanités qui vont suivre, tournées avec souplesse ou non elle n'a même plus le soulagement éphémère de l'exercice de style, pour se demander si le résultat est si intéressant que ça.
Il gesticule des bras comme un enculé en l'apercevant, pour autant n'avance pas vraiment et attend sagement, presque soulagé de voir quelqu'un à la limite entre le collègue et la connaissance. Après une bise polie la fierté d'être fertile l'envahit et dégouline de sa verve. Rachel s'installe et tout est plus agréable que prévu, la sous-conversation interne qu'elle avait en réserve ne s'engage pas, la boîte de chocolats se découvre puis s'ouvre vite, Clémentin est plus mélodieux que prévu, les utopies qu'il forme pour son gosse, si peu élégantes, n'ont pas encore l'air effritées.
Le moment limite survient pourtant assez vite. Dans le flux de ses envies, Clémentin liste Gabriel comme choix éventuel de prénom—c'est malheureux étant donné la laideur. Il ne remarque pas vraiment l'erreur, elle n'a rien à lui dire. Avec toute la merde qu'il a dans la gorge et la fascination sans recul qu'il a pour à peu près tout il a eu la politesse de ne rien demander jusqu'ici. La démarcation entre conversation et pensée se fait plus mince, l'une se délite l'autre gonfle, le décalage s'avance cagoulé, les temps se séparent, l'écart entre le sien interne et le supposé réel accède à s, à sa, à son incarnation habituelle du relatif, frottement et décompression des temps, fracture d'intensité, comme un détective dans un musée ou une harpiste sur une falaise
Gabriel ?
Ils n'ont même plus de dynamique. Les nuances se bloquent où il ne faut pas. Les défauts d'élocution deviennent vite des mondegreens cambrés dans les oreilles de Clémentin, vite aussi s'étalent serviles en perdant leur caramel. Logique comme un carnaval mourant elle commence à raconter, sa voix cahote—les lèvres rubis.

[1] ou “homegirl” ou “R-bone, la araña discoteca” ou “sharp dressed woman” ou “r to the uzzi” ou “agent spécial Muldool” ou “eine kleine Rachtmusik” ou “Cactus Jaczz” ou “agent spécial Scooll…y” ou “Ray-Z” ou etc.

[2] Il est discutable de dire que tout ceci part d'une volonté de faire glisser leur contexte, plus pour faire admettre qu'elles en avaient un à la base que pour autre chose

[3] parents et administration à peine trop rigides

[4] c'est mixte, le mur central habituel a été mis à pied, donc grand aussi


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