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Double programme

Par Inisfree
Arizona Colt est le premier western de Michele Lupo après une poignée de peplum, et sa seconde collaboration avec le beau Giuliano Gemma (après un Maciste en 1963). Les deux hommes feront quatre autres films ensemble dont le polar Un uomo da rispettare et le western tardif California en 1977. Arizona Colt, c'est du western italien première manière dans la lignée des Ringo de Duccio Tessari avec Gemma en héros juvénile, bien rasé, athlétique et souriant. Ici, il est prisonnier dans un pénitencier attaqué par le bandit Gordo qui a une façon bien particulière de recruter des hommes pour son gang. Après avoir décimé la garnison, il donne aux hommes libérés le choix : entrer à son service et porter sa marque au fer rouge sur l'avant bras (S pour scorpion) ou une balle dans la tête. Décontracté, le personnage de Gemma improvise un nom : Arizona Colt (d'où le titre) et annonce qu'il va y réfléchir. Comme Ringo, c'est un malin et cette réplique « Je vais y réfléchir » est le running gag du film. S'en suit une suite de péripéties classiques avec attaque de banque, partie de poker, embuscades et fusillades jusqu'à un remarquable duel final entre Arizona et Gordo dans l'atelier sombre du croque-mort local. La mise en scène de Lupo est assez platement fonctionnelle. On retrouve ces plans trop connus de la bande de cavaliers galopant entre les collines pelées du côté d'Alméria, des séquences d'action un peu mécaniques, des décors et figurants trop fonctionnels, la musique de Francesco De Masi a bien vieillit, bref rien de bien excitant quand on connaît un peu le genre. Rien d'ennuyeux non plus, Gemma y déploie son charisme habituel, il a quelques belles acrobaties dont une jolie descente d'arbre. Et puis il y a cette démesure dans la cruauté qui fait le charme baroque du western italien. La violence est quasiment surréaliste. Fernando Sancho, dans le rôle de Gordo nous refait le numéro des Ringo, tuant à tour de bras dans de grands éclats de rire. La scène de l'attaque des éleveurs rappelle l'exécution des péones dans Django. Plus tard, il laissera Arizona agoniser dans le désert, une balle dans chaque membre. Et puis cette réplique : « il y a des moment ou j'ai envie de couper ma propre gorge pour toucher la récompense ». Dernier élément non négligeable dans le charme relatif qu'exerce le film : la présence de figures hautes en couleurs du genre, outre Sancho, on retrouve Roberto Camardiel en old timer amateur de whisky et de dynamite, Nello Pazzafini en homme de main (croisé chez Sollima, Stegani ou Ferroni), José Manuel Martín (vu chez Colizzi, Tessari ou Damiani dans la bande d'El Chuncho) et le visage allongé à la terrible dentition de Jose Terrón. Côté féminin, une (petite) surprise, co-production française oblige, c'est Corinne Marchand, la Cléo de Varda qui joue l'héroïne. Elle y est bien jolie. f07af1b3297609752b1932aac0a75b97.jpg

C'est un tout autre calibre que Quella sporca storia nel west, un des premiers westerns d'Enzo G. Castellari. Dès les premiers plans, nous sommes en plein rêve : caverne fantastique, image d'un bonheur lointain, spectre d'un père. Le héros, Johnny, se réveille sur une plage. « Mourir, dormir, dormir, rêver peut être... ». Il y a des comédiens, un acrobate, des oriflammes. On se croirait chez Fellini ou dans Le septième sceau de Bergman. Notre héros est de retour de la guerre. Il tire juste. Il rentre chez lui, au ranch Elsenor. Il fait une halte au cimetière de Danark pour se recueillir sur la tombe de son père lâchement assassiné. Il croise un sympathique fossoyeur philosophe et se voit défié par deux petites frappes : Guild et Ross. A partir de là, j'attendais de savoir qui allait annoncer : « Ross et Guild sont mort ». Oui, Quella sporca storia nel west est une adaptation très ambitieuse de la pièce de Shakespeare dans un contexte western. Le film est tout à la fois très riche et toujours surprenant. Chaque cadrage est travaillé dans le détail. Les mouvements de caméra sont de toute beauté comme ce lent travelling le long des restes d'un buffet que l'on imagine orgiaque. Non seulement la composition évoque une superbe nature morte d'un point de vue plastique, mais le plan signifie avec force qu'il y a bien quelque chose de pourri au royaume du Danemark (c'est très langien comme approche). J'aime aussi le mouvement langoureux qui remonte le long des bas puis des jambes de Gabrielle Grimaldi pour la découvrir dans les bras de Johnny. Contrairement au film précédent, les extérieurs sont originaux et Castellari sait les filmer avec ampleur. Les étranges formes rocheuses, le moulin à eau bucolique ou la présence de la mer au début participent de l'état mental des personnages. Il y a un jeu constant avec le théâtre, rideaux et miroirs, que ce soit le fond de teint trop épais pour être honnête du héros, la pâleur d'Eugénia, la douce amoureuse, les toiles dans le moulin et le repaire baroque du chef de gang mexicain qui ressemble tant à une loge d'acteur. Et que dire du cimetière, incroyable décor installé dans une caverne avec ses éclairages violents dans la droite lignée du cinéma fantastique ? Il y a des plans d'une beauté à tomber, comme celui de la mère agonisante sur le tapis. Il y a des images d'une force inoubliable comme le héros crucifié au sommet d'une colline et sa mère rampant vers lui où lorsque l'oncle assassin se renverse la poudre d'or sur le visage et que les traces brillantes qu'il laisse derrière lui permettent au héros de le suivre dans l'obscurité (Je pensais à la scène finale de Se sei vivo spara ! (Tire encore si tu peux) de Questi).

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L'idée du film est deg. Après avoir décimé la garnison, il donne aux hommes libérés le choix : entrer à son service et porter sa marque au fer rouge sur l'avant bras (S pour scorpion) ou une balle dans la tête. Décontracté, le personnage de Gemma improvise un nom : Arizona Colt (d'où le titre) et annonce qu'il va y réfléchir. Comme Ringo, c'est un malin et cette réplique « Je vais y réfléchir » est le running gag du film. S'en suit une suite de péripéties classiques avec attaque de banque, partie de poker, embuscades et fusillades jusqu'à un remarquable duel final entre Arizona et Gordo dans l'atelier sombre du croque-mort local. La mise en scène de Lupo est assez platement fonctionnelle. On retrouve ces plans trop connus de la bande de cavaliers galopant entre les collines pelées du côté d'Alméria, des séquences d'action un peu mécaniques, des décors et figurants trop fonctionnels, la musique de Francesco De Masi a bien vieillit, bref rien de bien excitant quand on connaît un peu le genre. Rien d'ennuyeux non plus, Gemma y déploie son charisme habituel, il a quelques belles acrobaties dont une jolie descente d'arbre. Et puis il y a cette démesure dans la cruauté qui fait le charme baroque du western italien. La violence est quasiment surréaliste. Fernando Sancho, dans le rôle de Gordo nous refait le numéro des Ringo, tuant à tour de bras dans de grands éclats de rire. La scène de l'attaque des éleveurs rappelle l'exécution des péones dans Django. Plus tard, il laissera Arizona agoniser dans le désert, une balle dans chaque membre. Et puis cette réplique : « il y a des moment ou j'ai envie de couper ma propre gorge pour toucher la récompense ». Dernier élément non négligeable dans le charme relatif qu'exerce le film : la présence de figures hautes en couleurs du genre, outre Sancho, on retrouve Roberto Camardiel en old timer amateur de whisky et de dynamite, Nello Pazzafini en homme de main (croisé chez Sollima, Stegani ou Ferroni), José Manuel Martín (vu chez Colizzi, Tessari ou Damiani dans la bande d'El Chuncho) et le visage allongé à la terrible dentition de Jose Terrón. Côté féminin, une (petite) surprise, co-production française oblige, c'est Corinne Marchand, la Cléo de Varda qui joue l'héroïne. Elle y est bien jolie.

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C'est un tout autre calibre que Quella sporca storia nel west, un des premiers westerns d'Enzo G. Castellari. Dès les premiers plans, nous sommes en plein rêve : caverne fantastique, image d'un bonheur lointain, spectre d'un père. Le héros, Johnny, se réveille sur une plage. « Mourir, dormir, dormir, rêver peut être... ». Il y a des comédiens, un acrobate, des oriflammes. On se croirait chez Fellini ou dans Le septième sceau de Bergman. Notre héros est de retour de la guerre. Il tire juste. Il rentre chez lui, au ranch Elsenor. Il fait une halte au cimetière de Danark pour se recueillir sur la tombe de son père lâchement assassiné. Il croise un sympathique fossoyeur philosophe et se voit défié par deux petites frappes : Guild et Ross. A partir de là, j'attendais de savoir qui allait annoncer : « Ross et Guild sont mort ». Oui, Quella sporca storia nel west est une adaptation très ambitieuse de la pièce de Shakespeare dans un contexte western. Le film est tout à la fois très riche et toujours surprenant. Chaque cadrage est travaillé dans le détail. Les mouvements de caméra sont de toute beauté comme ce lent travelling le long des restes d'un buffet que l'on imagine orgiaque. Non seulement la composition évoque une superbe nature morte d'un point de vue plastique, mais le plan signifie avec force qu'il y a bien quelque chose de pourri au royaume du Danemark (c'est très langien comme approche). J'aime aussi le mouvement langoureux qui remonte le long des bas puis des jambes de Gabrielle Grimaldi pour la découvrir dans les bras de Johnny. Contrairement au film précédent, les extérieurs sont originaux et Castellari sait les filmer avec ampleur. Les étranges formes rocheuses, le moulin à eau bucolique ou la présence de la mer au début participent de l'état mental des personnages. Il y a un jeu constant avec le théâtre, rideaux et miroirs, que ce soit le fond de teint trop épais pour être honnête du héros, la pâleur d'Eugénia, la douce amoureuse, les toiles dans le moulin et le repaire baroque du chef de gang mexicain qui ressemble tant à une loge d'acteur. Et que dire du cimetière, incroyable décor installé dans une caverne avec ses éclairages violents dans la droite lignée du cinéma fantastique ? Il y a des plans d'une beauté à tomber, comme celui de la mère agonisante sur le tapis. Il y a des images d'une force inoubliable comme le héros crucifié au sommet d'une colline et sa mère rampant vers lui où lorsque l'oncle assassin se renverse la poudre d'or sur le visage et que les traces brillantes qu'il laisse derrière lui permettent au héros de le suivre dans l'obscurité (Je pensais à la scène finale de Se sei vivo spara ! (Tire encore si tu peux) de Questi).

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L'idée du film est de Sergio Corbucci et l'on retrouve sa manière dans la brutalité des bagarres au poing et surtout dans les souffrances physiques infligées au héros. Les mains martyrisées de Johnny font de lui un proche cousin de Django et de Silence et il doit littéralement attacher son colt à sa main, comme une extension vivante, pour le règlement de compte final. De Masi cette fois plus inspiré, compose une musique beaucoup plus intéressante dont le thème principal est décliné tour à tour de façon épique, dramatique ou sentimentale. Il faut également citer la photographie d'Angelo Filippini qui travaillera plus tard sur le Don Giovanni de Losey. Là encore, chaque élément contribue à un état mental et ne se contente pas d'une simple illustration. Ses extérieurs sont lumineux comme cette aube derrière l'oncle à l'entraînement. Ses ambiances fantastiques sont dignes de celles de Mario Bava. Peu de « tronches » dans la distribution, mais de solides acteurs. Andréa Giordana dont la carrière cinématographique est assez courte joue Johnny avec obstination et ce qu'il faut de feu intérieur. Gilbert Roland suave et décontracté est l'équivalent d'Horatio, l'ami fidèle, gâchette d'élite et fine moustache. Au registre co-production, l'oncle est joué par l'allemand Horst Frank bien connu des amateurs des Tontons flingueurs et la française Françoise Prévost joue la mère (on la verra chez Rivette). Ignazio Spalla et Ennio Girolami, le frère de Castellari sont les duettistes Ross et Guild.

Tout fonctionne avec harmonie dans la tragédie de Castellari et nombre d'éléments seront repris dans son chef d'oeuvre Kéoma en 1976 : la crucifixion du héros, les citations de Shakespeare (Le roi Lear et Jules César) et de Bergman, la dimension tragique et familiale, le rapport au père, l'utilisation d'une musique en leitmotiv obsessionnel et de superbes travellings circulaires. Quand on aime explorer le cinéma de genre, il y a toujours un peu la recherche d'une perle rare, de ce film véritablement original et si possible oublié dont la rareté et la réussite redoublent le plaisir. Ces perles sont bien plus rares que l'on veut bien le croire. Un film comme celui de Lupo restera un souvenir agréable comme tant d'autres, bientôt diffus, lointain. Celui de Castellari, comme Kéoma, comme le film de Questi cité plus haut, fait partie de ces moments rares et précieux de véritable révélation.

Pour s'y retrouver, le film est sortit en France sous le titre opportuniste de Django porte sa croix (et le spectateur donc), les allemands ont traduit le titre français tandis que les anglo-saxons, qui aiment bien appeler un chat un chat, l'on titré Johnny Hamlet.

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Photographies : Cinéma strike back (dédiée à Marie Thé) et capture DVD Koch Media.

Les bandes annonces sur Cher Nanni...

Quelques belles images sur Sundance (pour admirer les cadrages)

Le film vu par Tepepa

Le film vu par Breccio

Le film vu par Jari Kovalinen (en anglais)

Le film sur Dollari rosso (anglais et portugais)


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