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souvenirs des bords

Publié le 14 octobre 2011 par Lironjeremy

souvenirs des bords Parce qu’on a répété ce geste d’aller buter contre. On avait l’appareil pour photographier quelques centaines de mètres de mauvaises terres. Ce qu’on voyait et semblait sans usage et alors sans nom à nous mettre au bord de la langue, sans saisie. Evidence pelée. Peut-être que ceux qui  abordaient les confins de cette terre qu’il pensait plate ne découvraient dans ce par-delà les limites de la fin recommencée qu’un silence. C’était ça sous les yeux : silence à voir. On avançait dans des herbes sèches après avoir monté une bute qui cachait tout. Les pieds à déraper dans la terre meuble, fil de fer émergeant qui s’accroche. On avait regardé un moment ce qui s’étalait : des barrières, des bouts de chemins, un chantier avec engins. Et les silhouettes de la ville, plus loin. L’impression qu’ici c’était comme un pli, un excédent au dessin de la ville, une réserve dégagée par les tracés emmêlés des voies ou entre deux territoires : une zone en négatif. On appelle délaissés ou friches, mais c’est libre plutôt que délaissées qu’on dirait d’abord : zone où se rencontrent les bords de tant de choses. Etendue où viennent s’achever les territoires, de ce fait comme un « bout du monde ». Marges intérieures. Je fais parti de ceux qui ont peu connu les terrains vagues. La ville réclamant chaque parcelle à son exploitation, restait à la vue derrières des palissades de taule quelques chantiers interrompus ou qui y ressemblait le plus, quelques places négligées au pied de bâtiments, du côté de l’accès livraison du centre commercial. Pas grand chose de plus. Le terrain abandonné avec maison en ruine ou carcasse de voiture où jouer c’était plutôt de l’ordre du mythe, cartes postales pour bouquinistes le long des quais de Seine. Il y avait bien les bas-côtés des routes, là où ça longeait la rivière canalisée. Les bords de gravier et frange de bitume où on pouvait ramasser quantité de morceaux de métal, des boulons rouillés et des clous à se remplir les poches. Les grands anneaux de fer pour tenir les enjoliveurs qui bondissaient dans la poussière. Et derrière le garde-corps en contre-bas, le couloir de béton généralement sec hormis quelques flaques enherbées et boueuses desquelles émergeaient un chariot de supermarché passé par dessus bord ou un pneu. Là-bas un parking de terre là où se garaient ceux qui baladaient le long de la rivière sèche et jetaient une vieille balle de tennis au chien faisant l’aller-retour devant la marche flegmatique du maitre. Autre chose que ce qu’on abordait là. On prenait le train, derrière la vitre déjà les murs collés contre, la syncope des vides entre les bâtiments, l’appel d’air qui vous happe le regard. L’œil qui s’en va loin fouiller l’ombre, l’arrachement répété du regard, choses fuyant. Les moments calmes et les physionomies successives à réaliser les changements sans jamais détecter les transitions, le début et la fin de chaque choses ou comment l’une contamine progressivement l’autre jusqu’à s’imposer. L’arrêt sur un quai désert qu’on quittait entre deux buissons. Les lambeaux de sac plastique accrochés dans les branches. Passer dessous ou passer derrière, en tout cas passer outre les barrières, les voies et les panneaux. L’élargissement de l’échangeur, les mille scintillements des pare-brises sur un parking, loin. Là-dessus les trainées de fumée blanche que font les avions de ligne. On aurait voulu voir où s’arrête la ville et comment ou sur quoi elle s’achève. Entre la ville et ses bords, entre la ville et l’autre ville, et les réseaux les liant, quelques morceaux de silence depuis lesquels s’entendent les rumeurs mêlées de ce qui les entoure.  photo : Nicolas Dion, 2007.

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