Magazine Conso

Etre pere, disent-ils

Publié le 20 octobre 2011 par Lorraine De Chezlo

ETRE PERE, DISENT-ILSde Philippe Claudel, Olivier Adam et Philippe Delerm
Récits - août 2010
Editions Librio - 80 pages

Trois écrivains se plient à l'exercice qu'on leur a demandé : écrire sur leur sentiment de père, leur paternité, ce qui les anime à l'évocation de leur enfant. Un Philippe Claudel qui parle de sa fille en émotion, en tendresse déferlante, en amour débordant, avec la gravité de celui qui réalise ne plus pouvoir quitter la monde. Un Olivier Adam, toujours en gravité, se remémorant une précédente naissance délicate, où l'espoir côtoie la peur de la mort, le risque, des heures éprouvantes et l'esprit tourné vers l'enfant et la compagne. Enfin, un Philippe Delerm qui parle d'enfance, celle de son fils Vincent, un garçon qui fut sensible pour son plus grand plaisir ; une inévitable réflexion sur l'éducation et sur les instants privilégiés de l'enfance.

Ce n'est pas un Librio comme les autres qu'on tient dans ses mains. Ce sont des voix qui vous confient de précieuses choses, par des mots dont on se délecte. Une parenthèse pour les auteurs qui se sont livré au jeu des souvenirs, de l'hommage, de l'intimité. Une parenthèse pour le lecteur, des témoignages sensibles qui parlent vrai et transpirent à la fois des sentiments et des styles littéraires de chacun. Une parenthèse, ou plutôt trois parenthèses, trois auteurs qui parlent de leur paternité par des angles différents. Pour Philippe Delerm, c'est évidemment son fils unique Vincent qui la symbolise. Une enfance rouennaise, une sensibilité au monde du spectacle, l'obligation pour les parents de combler cette attente de Vincent, qu'il voit et fasse ce qui l'épanouit. Et le souvenir des instants à deux, à trois. Le ton est presque scientifique, on y parle d'éducation, d'épanouissement, et puis de permettre l'envol en dehors du nid. C'est le texte que j'ai le moins aimé.Olivier Adam, lui, ne déroge pas à sa règle, à ses coutumes : il parle de ses angoisses qui resurgissent, de la mort qui peut rôder même autour des gens qui s'aiment. Il parle de sa paternité, ses paternités, à travers l'événement premier : l'accouchement, et comment il le vécut. Quelles pensées allaient vers sa femme et vers le nouvel être qui lui tardait d'accueillir. L'environnement médical aux promesses parfois douloureuses, et puis toutes les divagations intérieures, inquiétantes ou pleine d'espoir, qui se glissent dans son corps fatigué. C'est le récit le plus physique à lire, tant Olivier Adam s'applique à retranscrire les sentiments poignants de souffrance et d'impatience.

Extrait :
"Ma petite fille, ma chère, douce, unique et inestimable petite fille, ce n'est pas ta vie qui est entre mes mains, mais la mienne qui est entre les tiennes. Et j'ai compris cela dès mon premier regard sur toi. J'ai su à ce moment, devant toi si légère, qui venait à peine de venir au monde, que je devenais lourd d'une belle et profonde dépendance."

Mais aussi et surtout, il y a ce texte de Philippe Claudel, texte magique, d'une grande beauté, plein de poésie et de tendresse, qui, a lui seul, vaut bien un livre. Comment, père, il voit sa fille, il a vu sa fille grandir, ce qu'il en retient, la manière dont son amour pour elle évolue, toujours doublé de crainte, d'angoisse pour l'avenir, de certitude que l'insouciance n'existe plus et que soudain il lui est interdit de penser au suicide, impossible de se retirer du monde quand cette dépendance à sa fille s'est installée.Emouvant !!


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Lorraine De Chezlo 64 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines