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Kadhafi: Une mort bien opportune

Publié le 21 octobre 2011 par Jcharmelot

La mort de Mouamar Kadhafi a été accueillie avec satisfaction par les principaux responsables occidentaux. En Grande-Bretagne, en France, en Italie, aux Etats-Unis, les chefs d’états et de gouvernement ont poussé un soupir de soulagement. Ils pourront parler au passé des poignets de mains, des accolades, des récèptions grandioses qu’ils avaient réservées à celui qui était devenu fréquentable à l’époque de la guerre contre le terrorisme. Même l’émir du Qatar, très en pointe dans le financement et le soutien militaire à la rébellion libyenne, avait été filmé échangeant une chaleureuse embrassade avec l’ancien maître de Tripoli.

L’éxécution de Kadhafi a évité qu’il ne s’exprime au cours d’un procès qui n’aurait pas manqué de se tenir, s’il avait été appréhendé et livré à la justice internationale. Sans doute certaines de ses révélations auraient pu mettre en difficulté des entreprises, des gouvernements, des individus qui depuis des années font des affaires en Libye.

Mais là s’arrêtent les certitudes. Les bribes d’éléments factuels qui ont été diffusées notamment par la chaîne al Jazeera sont insuffisantes pour reconstruire un scénario cohérent de sa mort. Et les circonstances de son exécution  feront certainement l’objet de spéculations, et les amateurs de complot feront assaut d’imagination. 

Ce qui semble acquis, c’est que les forces de l’OTAN ont pu localiser le dictateur déchu, comme l’a laissé entendre l’annonce d’une frappe aérienne jeudi 20 octobre contre un important convoi quittant Syrte. L’Alliance atlantique traquait Kadhafi depuis le début du conflit, mais, semble-t- il, sans succès. L’urgence de le trouver avait été renforcée par l’impression que la bataille de Syrte trainait en longueur, et prolongeait l’incertitude en Libye, pays clef d’Afrique du nord. Des élections en Tunisie, et en Egypte, rendaient encore plus impératif un dénouement.

Hillary Clinton était venue en personne à Malte puis à Tripoli le 18 octobre pour rappeler à tous les protagonistes qu’il fallait en finir. Sans doute a-t-elle à cette occasion reçu les rapports des services de renseignement permettant d’avérer la présence de Kadhafi à Syrte et, sans doute encore, a-t-elle donné le feu vert de Washington pour son élimination. Des images d’elle recevant deux jours plus tard un message sur son Blackberry annonçant la mort du chef libyen et son expression de naïve surprise n’éataient pas convaincantes.  

Une fois repéré par les services de renseignements de l’Alliance, l’élimination physique de Kadhafi ne faisait pas de doute. Elle correspond à une stratégie américaine d’élimination de protagonistes internationaux considérés par Washington comme des ennemis ou des menaces pour l’Amérique. Les plus récents exemples ont été Oussama ben Laden, et le Yéménite  Anwar Al-Aulaqi. Ils ont été tous deux tués, dans des opération anti-terroristes contrôlées par les services américains.

Dans le cas de Kadhafi, la version officielle veut que le tyran déchu eut été repéré, capturé, et tué par des combattants de la rébellion. Mais, la présence de conseillers occidentaux et arabes auprés de la rébellion est un fait acquis, et il serait étonnant qu’aucun d’entre eux ne se soit trouvé sur les lieux de l’interception du colonel en fuite.

Si les faits restent donc encore à établir, ce qui est certain c’est que le message ainsi transmis est de plus en plus clair. L’élimination physique, l’assassinat, de protagonistes désignés comme des ennemis par les puissances occidentales est devenu un outil de gestion des conflits utilisé ouvertement. Jusqu’ici cantonnées au monde de la clandestinité, et du « démenti possible » — « plausible deniability »–,  ces pratiques s’affichent de plus en plus ouvertement, et les mises en scène destinées à les rendre publiques sont de plus en plus transparentes.


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