Gros Cube
Pour y avoir passé des week ends d'hiver au coin du feu à appendre des formules magiques. Pour avoir manipulé l'objet des centaines d'heures avec fébrilité, chronomètre en main. Pour en avoir usé, comme ça, au moins un par mois pendant un an. Je connais l'addiction au Rubik's Cube. Pour l'avoir démonté et remonté, dépiauté, disséqué. Pour en avoir perdu la peau au bout des doigts. Pour n'en plus dormir à force de chercher des combinaisons qui raccourcissaient le temps. Pour tout ce temps passé à me torturer les méninges devant cet objet magique que je ne saurais même plus maintenant faire dégorger. Pour tout ça. Pour ce que la vie nous apporte de passions vides et insensées et dont on tire une si éphémère mais si roborative gloriette. Pour ce temps passé à rien, ces milliers d'heures perdues aux oubliettes du passé déconstruit, enseveli. Ne reste plus, justement, que ce passé épars et décousu qui me tisse. Parce qu'une simple machine programmée immole le champion que je fus (à mes propres yeux) dans le feu des inutilités que je me rémémore de temps à autre, l'esprit médusé et chagrin. Au noms de tous ces instants perdus qui me constituent.