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Nicolas Jaar - Space Is Only Noise (2011)

Publié le 20 octobre 2011 par Oreilles
Nicolas Jaar - Space Is Only Noise (2011)Échaudés par quelques EP plutôt brillants et singuliers, Nicolas Jaar nous achève avec ce LP. On sent encore aujourd'hui les fourmis dans les jambes à la première note de Time for us, EP qui, en son temps, avait rendu accroc notre ami Dave, et avait emballé notre microblogsphère. Space is only noise nous met cette fois sur le cul. Lenteur, calme et volupté, c'est l'extase tout du long. La pochette, avec son bébé endormi en bordure d'un espace quelconque, terrain trés vague, nous annonce qu'on naviguera doucement dans un film d'Antonioni, dans des espaces évidés, décadrés, un peu hagard, trés loin du grand speed de la machine sociale. La force de Jaar c'est d'avoir un style, et de parler sa langue tout en empruntant à la grammaire du Dubstep, du Hip Hop et de la House.
On retrouvera les ingrédients des EP, avec un côté "manifeste" en plus : ça commence et ça finit par deux types les pieds dans l'eau qui devisent sur tout et rien, on ne saisit pas vraiment de quoi ils parlent, d'ailleurs, mais on partage avec eux un moment de sérénité parfaite, ces moments où finalement on se sent exister, et où ce dont on parle n'a plus d'importance. Accéder au pur plaisir d'exister, ne rien faire, et devenir la musique.
Tout est délicat, délié et caressant dans cette musique qui apprivoise et annule tout ce qui pourrait nous heurter dans les basses fréquences et les hachures Dubstep, les beats du Hip Hop et les claps de la House. Un piano à la Éric Satie, sur fond de hoquets spatialisés nous met d'abord en condition. Puis quelques notes translucides nous introduisent dans un premier morceau trés cool, trés feutré, dans un genre "birth of the cool dubstep". On ne comprend rien à ce que raconte la voix bidouillée, puis tout à coup c'est Tristan Tzara en personne qui conclut l'affaire : "va mon enfant, cours mon cheval". S'ensuit un magnifique morceau Trip hop, avec voix enfumée et break tzigane. Puis "Keep me there" déroule une house savante, où un saxophone haché et démultiplié s'invite dans la section ryhtmique. Le morceau nous tient en haleine, frustre et excite la danse, par son arythmie savamment entretenue. Éblouissant. Un Hip Hop anesthésié clôt la face A : "I got a". On reconnaîtra un sample de "a got a woman", mais le grand Ray en a pris un sacré coup à la libido. Nicolas en arrive a un tel point de détachement vis à vis du monde, que l'hyper libido possessive en devient hors sujet ("i got a quoi déjà ?").
La face B est tout aussi passionnante. Chaque morceau s'inscrit dans un genre différent, propose une voix, un timbre différent. Une fibre pop est bien présente sur quelques morceaux ("space is only noise"), ce qui nous change un peu des bribes répétées mille fois de l'album de James Blake (aïe, je vais me faire taper sur les doigts).
En bref : Un disque captivant de bout en bout, épais, poétique, stylé. Pour tous ceux qui sont proches du burn out, en ces temps difficiles.

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