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Alexander Kockerbeck, le Grenelle et la présidentielle

Publié le 29 octobre 2011 par Arnaudgossement

sarkozy-triplea-europe-ue-crise-425031-jpg_282940.JPGA priori, aucun lien entre Alexandre Kockerbeck, analyste chez Moody's et "cauchemar" de Nicolas Sarkozy et le Grenelle de l'environnement où l'élection présidentielle. Pourtant... (photo© Yves Logghe/AP/Sipa).


Alexander Kockerbeck est l'analyste principal de Moody's Investors Service pour la France. Son nom apparaît dans une multitude de dépêches économiques d'agences de presse consacrées à la crise économique. Surtout, Alexander Kockerbeck a entre ses mains la note "triple A" de la France.

Il la révisera, la dégradera ou la confirmera en février prochain. C'est donc un feuilleton à suspens qui s'est ouvert, une sorte de "teasing" qui ne s'achèvera qu'en février prochain, soit peu de temps avant l'élection présidentielle de février 2012. 

Il faut saluer ici l'extraordinaire communication de l'agence Moody's. Cette manière de créer l'attente et de faire monter la pression au fil des semaines en choisissant minutieusement les dates clés du calendrier est tout à fait remarquable. Un exercice trés bien maîtrisé. Un exercice - voire une torture - qui serait à l'origine du "cauchemar" du Président de la République.

Au delà des spéculations sur l'intérêt de cette notation, qui comme toute notation, relève de la simplification de problématiques trés complexes, son intérêt tient à ce qu'elle révèle sur l'Etat. 

La peur de la perte du "tripe A" démontre sans doute que l'Etat est devenu un acteur fortement concurrencé par d'autres. Déjà, à l'unversité, les étudiants apprennent que l'Etat, en tant qu'institution, doit partager voire transférer ses compétences avec - vers le haut - l'Union européenne et - vers le bas - les collectivités territoriales. La figure du citoyen qui ne souhaite plus être un simple administré représente également un défi pour l'Etat dont les décisions ne s'imposent plus d'elles-mêmes. J'y ai travaillé à l'occasion de la rédaction de mon rapport sur le droit minier, droit créé en un temps ancien où l'Etat et la société françaises étaient fondamentalement différents. 

Avec la crise, un nouveau "concurrent" est né : l'agence de notation. Et Alexander Kockerbeck la personnifie assez bien. Désormais, l'Etat doit tenir compte des humeurs et analyses de ce monsieur pour déterminer le contenu et les conditions d'élaboration de ses politiques publiques. Un exemple ? M. Kockerbeck annonce qu'il se "penche" sur la notion de la France ? Le Président de la République se rend à la télévision pour annoncer en "prime time" aux français qu'une nouvelle loi de finances est nécessaire - alors que la première n'est pas encore votée - pour tenir compte d'une prévision de croissance inférieure et de l'impératif d'un nouveau coup de rabot sur les dépenses publiques. 

Dans ce contexte, les considérations des éditorialistes politiques sur le succès ou non de l'exercice de communication de Nicolas Sarkozy en réponse à l'exercice de communication d'Alexandre Kockerbeck ne présentent pas le moindre intérêt. Dans les circonstances actuelles, la marge de manoeuvre du Chef de l'Etat, qu'il s'appelle Nicolas Sarkozy ou François Hollande est en réalité bien faible voire nulle. 

L'Etat providence, l'Etat protecteur, l'Etat des services publics auquel les français sont si attachés depuis toujours est fragilisé, non par l'agence de notation qui n'est qu'un révélateur, mais par la crise économique et le nombre de demandes, souvent contradictoires dont il est l'objet. 

La crise actuelle impose donc sans doute une réflexion approfondie sur l'Etat. Aucun des candidats à l'élection présidentielle n'a pour l'heure osé l'entreprendre. Pourtant, elle est sans doute essentielle. 

Quel lien avec le Grenelle à présent ?

En tant qu'ancien participant au Grenelle et défenseur de ce nouveau processus démocratique, je suis frappé par le point commun entre les thuriféraires et les contempteurs du Grenelle : tous jugent du succès ou de l'échec de cet évènement en fonction de la capacité de l'Etat à mettre en oeuvre les engagements pris par une pluralité d'acteurs

En réalité, les analyses du Grenelle témoignent de ce que leurs auteurs ont souvent le même et unique microscope braqué sur le même objet : l'Etat et son chef. Que Nicolas Sarkozy obtienne le vote de la loi "Grenelle 1" : le Grenelle est sauvé. Que Nicolas Sarkozy vante les mérites du nucléaire : le Grenelle est mort ! Les choses sont elles si simples ? Sans doute pas. 

Or, l'analyse du Grenelle ne saurait se limiter à l'analyse des décisions prises ou non par l'Etat. L'Etat n'était pas le seul acteur du Grenelle et l'Etat - Alexander Kockerbeck le démontre chaque jour - n'est plus le seul acteur - loin s'en faut - de notre vie politique et économique. 

Le Grenelle engage toutes les parties qui en étaient membres et, aujourd'hui, pour savoir où en est la dynamique enclenchée en 2007, il est plus intéressant d'aller à la rencontre des entreprises, des élus locaux où des associations. 

En réalité, le processus du Grenelle est radicalement nouveau et, dans un contexte de postmodernité juridique où la règle de droit doit être sans cesse négociée pour s'appliquer, il préfigure sans doute les conditions futures d'élaboration des politiques publiques. L'acte administratif unilatéral n'est plus l'horizon indépassable de la gestion des affaires de la cité. 

Passons à l'élection présidentielle.

Certes l'élection présidentielle donnera encore l'illusion qu'un Homme à la tête de l'Etat peut faire de la magie mais....rien n'est plus faux désormais. L'élection présidentielle est une élection régionale qui mettra à la tête d'une institution remise en question, non un Homme - et sans doute pas une femme malheureusement - mais une équipe, des réseaux.

L'illusion de la présidentielle explique sans doute son succès. Malgré l'usure extrême des logiciels de droite ou de gauche, malgré le fait que les principaux débats - europe, économie, environnement - n'obéissent plus à ce clivage, malgré une crise sans précédent, à la fois économique, écologique, politique et sociale, nous tenons à cette figure de l'homme providentiel pour un Etat fort condition d'une "France puissance" dans le monde. 

L'Etat a pourtant changé. Concurrencé, remis en question, parfois fragilisé, il n'est plus cette institution définie par Charles de Gaulle, à laquelle nous tenions tant. L'enjeu n'est pas de savoir si nous devons changer le numéro de la République fondée en 1958. L'enjeu est de repenser le rôle de l'Etat lui-même dans nos vies. 

Voici un beau sujet de dissertation pour 2012. 


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