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Le doux cri de Fatoumata Diawara

Publié le 30 octobre 2011 par Africahit
Révélée par une comédie musicale, Fatoumata Diawara livre un album bouleversant : le bilan d’une vie rocambolesque entre Côte d’Ivoire, Mali, Royal de Luxe et Damon Albarn
Le journaliste est grand, mais il n’est pas vaillant. Au moment de rencontrer Fatoumata Diawara, qui pendant trois cents soirs, entre 2007 et 2009, a incarné la sorcière Karaba dans la bankable comédie musicale Kirikou et Karaba, il est pris de peur : la belle va-t-elle rugir et envoyer les fétiches tueurs ? 

Non, Fatoumata Diawara, 29 ans, dite “Fatou”, comédienne et chanteuse, n’est pas Karaba. Mais elle lui doit beaucoup. “C’était un rôle difficile et une belle rencontre. Je chantais pour me libérer, je criais à chaque fin de spectacle et j’ai appris à me soigner en criant dans la peau de Karaba. A la fin du spectacle, on m’enlevait une épine du dos. Depuis, j’ai mal à cet endroit-là.” 

D’où vient cette blessure invisible ? De quoi Fatou souffrait-elle ? D’une enfance africaine. Fatou est née en Côte d’Ivoire. A 10 ans, elle est envoyée par ses parents chez une tante à Bamako, au Mali. Elle ne reverra pas ses parents pendant quinze ans. Cette histoire, Fatou la chante dans Sowa, un titre de son premier album. “Je ne cherchais pas à ce que cet album soit un bilan de ma vie, mais il l’est devenu. Ma vie est bourrée d’incompréhensions liées à l’enfance, d’émotions qui n’ont pas été nommées. En Afrique, il y a beaucoup de barrières entre les générations, la communication n’est pas fluide, je n’ai pas pu m’y faire.” 
Alors elle est partie. Fugueuse dans le chant, qu’elle a toujours pratiqué comme une thérapie, puis la danse, le théâtre et le cinéma. Pour échapper au carcan de la société malienne, qui aurait préféré la voir mariée plutôt que sur un écran, elle accepte un contrat de six ans avec la troupe Royal de Luxe, et quitte le Mali avec un aller simple, mais pas si simple.Je suis partie un soir à 19 ans et pendant six ans ma famille n’a pas su où j’étais.” Destination le monde, via Paris où elle s’est installée. En France et ailleurs, Fatoumata travaille avec Oumou Sangaré, Dee Dee Bridgewater, Cheick Tidiane Seck, Herbie Hancock, Damon Albarn ou sur le projet AfroCubism… Il y a trois ans, elle apprend la guitare, inspirée par Rokia Traoré, et commence à chanter ses chansons dans des bars parisiens. 
Fatou est le fruit, mûr à point, de cette vie d’aventurière, animée par le besoin de se libérer, de se trouver. Sur son album, elle aurait pu inviter ses prestigieux amis – “ils m’ont tous proposé un coup de main”, dit-elle. Mais elle a préféré ne pas (on entend quand même Tony Allen, Toumani Diabaté et John Paul Jones). “Ce disque, c’est moi, mon histoire, je n’y tiens pas le second rôle.” 
Inspirée par la musique et la langue de Wassalou, la région qui l’a vue naître, Fatou a choisi de ne pas utiliser d’instruments traditionnels. Ses chansons, mélopées aussi douces, mouvantes et mélancoliques qu’un coucher de soleil, planent sur un nuancier de guitare acoustique, d’orgue, de basse, de petites percussions. Un folk sans frontières, ballades funky sans oeillères, dont la profondeur a la douceur consolatrice d’une caresse. Karaba lui a appris à crier, mais la voix de Fatou est douce et un brin râpée, comme raccommodée. “Je chante pour donner tout ce que je n’ai pas reçu.” 
Concerts : le 26 octobre au Festival de La Glacerie (50), le 30 octobre à Marseille (Fiesta des Suds), pour l’unique date française de Honest Jon’s Chop Up, avec Damon Albarn, Tony Allen, Shangaan Electro, Phil Cohran & Hypnotic Brass Ensemble, le 29 novembre à Paris (New Morning)

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