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Les hommes politiques : des storytellers comme les autres ?

Publié le 18 octobre 2011 par Marketingcommunity @marketing_cmnty

Pour certains, le storytelling est une « machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits ». Cette thèse a fait florès pendant la campagne de 2007. On peut prendre le pari qu’il en ira de même en 2012 tant nous aimons les théories du complot.

Pour ses opposants, la communication narrative appliquée au champ de l’entreprise crée par définition une « économie fiction ». La plaquer sur la politique serait alors œuvrer pour « l’empire de la propagande ».

La mise en récit de la politique

En réalité, cela n’a rien de récent. On a longtemps cru que Ramsès II avait été un conquérant exceptionnel dont les stèles conservaient la trace des nombreuses victoires. En réalité, il faisait graver les monuments à sa gloire même quand il avait perdu la bataille ! Et les peuples qu’il affrontait ayant disparu de la mémoire collective, on n’a retenu que le versant lumineux de sa vie basé sur des histoires et non des preuves.

Les deux corps du chef

L’historien Ernst Kantorowicz a montré dans Les Deux Corps du Roi, que les souverains de France et d’Angleterre (mais cela vaut pour tous les leaders) avaient deux corps, l’un profane donc mortel, l’autre sacré donc immortel, que l’on pourrait qualifier de « narratif ».

Au château de Versailles, véritable mise en scène de son règne, Louis XIV illustrait à sa façon ce double corps en dormant dans une petite chambre chauffée (corps profane) et en regagnant à l’aube sa grande chambre glaciale et son lit de parade (corps sacré) où la cérémonie du lever se déroulait quelques instants plus tard. Dans le pluriel de majesté (« nous », disait le roi), il y avait aussi cette idée.

La puissance surnaturelle du leader

Dans Les Rois Thaumaturges, Marc Bloch est revenu sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale. Ce corps narratif, celui de la fonction, était aussi celui supposé guérir les écrouelles (la tuberculose). Une fois l’an, le souverain touchait les malades et l’on proclamait: « Le Roi te touche, Dieu te guérit ».

On a toujours prêté au chef des capacités supérieures aux autres, tolérant chez lui, notamment, une sexualité hors normes se traduisant par le statut quasi officiel des favorites (ou des mignons).

Les politiques, des produits comme les autres ?

La mise en narration de la communication de nos hommes et femmes politiques modernes n’est donc pas fondamentalement différente de ce qui s’est toujours pratiqué.

D’une part, la nécessité de raconter sa vie comme un roman. Comme le disait si bien Winston Churchill : « L’histoire me sera indulgente. D’ailleurs, j’ai l’intention de l’écrire moi-même ».

D’autre part, la théorie des deux corps explique aussi le vieil adage qui veut que « en politique, tant qu’on n’est pas mort… on n’est pas mort ». En matière d’élections, les résurrections sont plus nombreuses qu’en religion !

Enfin, nous continuons à voir en nos responsables des thaumaturges (personnes guérissant de manière miraculeuse), comme si toutes les réponses étaient entre leurs mains et non dans les nôtres.

Bilan.

Alors, «les hommes politiques sont des marques comme les autres» (Marcel Botton) ? C’est un peu plus complexe que cela mais il est vrai que ce qui caractérise le storytelling en politique, ce n’est pas sa nature mais son utilisation. Sa raison d’être est l’efficacité, non l’idéologie. Comme toutes les techniques, le storytelling est agnostique. Il est ce qu’on en fait.

En savoir (+)

Consultez le livre :  Storytelling : réenchantez votre communication, de Sébastien Durand, collection Tendances Marketing, Dunod, 2011.


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