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« Prêt à jeter » : Une petite histoire de l'obsolescence programmée.

Publié le 07 novembre 2011 par Vindex @BloggActualite

« Prêt à jeter » : Une petite histoire de l'obsolescence programmée.-Voici la plus vieille ampoule du Monde-

J'ai récemment eu l'occasion de visionner un reportage arte fort intéressant dont le sujet est bouleversant, tant dans son essence même que dans ses diverses implications.

Il s'agit d'un documentaire relatif à la notion d'obsolescence programmée des produits de consommation, plus ou moins courants. En effet, le but de cette notion est de concevoir des produits dont la durée de vie est volontairement raccourcie en comparaison de ce que la technique peut rendre possible en ces termes, voire même d'en orchestrer de façon délibérée et programmée la fin artificielle ou réelle, et ce dans le but d'augmenter la fréquence d'achat des consommateurs et ainsi de préserver le marché et les bénéfices qui y sont liés.

Une brève histoire de l'industrie

Ce documentaire commence par aborder la notion d'obsolescence programmée au début du XX° siècle. L'on se dit à l'époque que les grands industriels, et en particulier l'automobile, dont le symbole marquant d'alors est la Ford T, ont à cœur de développer des produits tout à la fois innovants et de bonne qualité, sur lesquels est créée une forte valeur ajoutée (pour l'époque) d'où une véritable création de richesses porteuse de bénéfices, mais également d'une innovation permettant l'amélioration des conditions de vie de la société.

Mais, plus tôt que l'on ne veut bien le croire, les industriels vont développer des stratégies à l'échelle mondiale dont le but est double :

-Primo, se partager le marché mondial, donc les bénéfices.

-Secundo, mettre en place des procédures et cahier des charges divers destinés à empêcher les produits de l'époque d'être toujours plus performants, les conformant ainsi à un standard plus ou moins élevé et fixe de qualité permettant le renouvellement perpétuel de la production, afin de satisfaire au premier objectif.

Et ce dès les années 1920, notamment pour les compagnies d'éclairages, se constituant en cartel dont le but est d'annihiler toute concurrence.

Évidemment (mais avec combien d'années de retard) ces organisations sont démantelées, mais de facto elles perdureront et perdurent encore actuellement de manière plus ou moins informelles.

Les soucis commencent

C'est alors que se développe, en premier lieu aux Etats-Unis, mais rapidement en Europe occidentale un cercle de croissance reposant sur 3 piliers :

-la permanente innovation liée au confort personnel et à la notion de mode, de tendance, qui invite les gens à la consommation superflue de biens et services, parfois utiles il est vrai, mais le plus souvent sans se soucier de l'utilisation maximale de leur bien ou service.

-et l'abréviation consciencieusement établie par les producteurs du cycle de vie de leurs produits pour renouveler leur clientèle source de profits.

-le tout allègrement arrosé par le développement considérable du crédit à la consommation.

Mais force est de constater que ce système économique a bon nombre d'inconvénients : il nourrit une croissance certes soutenue mais se basant sur la volonté de profits entretenus et non sur la logique véritable du libéralisme, qui vise au progrès par le biais de la mise en œuvre maximale des compétences à disposition. D'où un véritable gâchis, à la fois de ressources et d'innovation, et un déficit sur les deux plans sur le long terme.

Un exemple révélateur : un brevet a été déposé selon ce reportage concernant une ampoule d'éclairage pouvant éclairer 100 000 heures (soit presque 11 ans et demi sans discontinuité !) mais je doute fort que vous pouviez un jour mettre la main sur ce genre de prodige par le biais du marché.

En quelque sorte, l'innovation est encouragée, mais toute proportion gardée, car sans cesse contenue par l'entrepreneur dans un soucis de pérennité (la sienne bien sûr), et les exemples contemporains pleuvent, à commencer par la marque Apple, qui fut à ce titre le sujet de condamnations.

Des travers du libéralisme ?

Que l'on ne s'y trompe pas. Quand bien même certaines vertus du communisme sont ici exposées dans ce documentaire (la conception et production pour durer), il n'en reste pas moins que l'obsolescence programmée n'est pas tant, à mon sens, le fruit d'un travers du libéralisme économique que celui de la cupidité orchestrée par la volonté de quelques-uns de ses acteurs à courte vue.

Et pour cause, a t-on jamais vu un seul vrai économiste libéral proclamer les vertus des cartels et ententes entre opérateurs économiques ? Non ! Au contraire, ceci est vu comme une atteinte à la libre concurrence, et à pousser la comparaison à l'extrême, on pourrait considérer que de telles atteintes ressemblent à des interventions étatiques dans l'économie, le soucis de l'intérêt général en moins.

Et que dire de la vision de l'entrepreneur innovateur développée par Schumpeter ? Effectivement, les entrepreneurs qui dépensent tant d'argent à vérifier que leurs innovations ne dureront pas trop longtemps, foulent des deux pieds la notion de coût d'opportunité pourtant nécessaire pour évaluer la viabilité d'un projet économique. Et pour cause, si cette masse financière, logistique et intellectuelle était mise à la contribution de la conquête de nouveaux marchés par le biais d'innovations mais également de reconversions, il est fort probable que l'entrepreneur mais aussi les consommateurs s'en portent mieux et plus durablement : le vrai entrepreneur ne maximise pas son profit, mais son utilité.

Mais j'idéalise.

Un changement des mentalités

Comme le dit si bien, ici, Serge Latouche, c'est d'un véritable changement des mentalités dont nous avons tous besoin.

Car comme le montre bien la vidéo que je vous propose ici, le gâchis engendré encore actuellement par l'obsolescence programmée ne bénéficie pas aux clients que nous sommes, mais elle provoque carrément des ravages dans les pays du tiers monde en terme de pollution.

Pourtant, libéralisme économique et durabilité ne sont pas incompatibles, si bien que certains entrepreneurs ont décidé, peut-être par marketing vert le doute reste permis, d'alimenter un cercle plus vertueux de croissance, fondé sur un usage maximisé des produits et des ressources (et c'est, ne serait-ce qu'en cela, que tout homo oeconomicus que nous sommes devrait protester contre l'obsolescence programmée à laquelle nous sommes contraints) ainsi qu'à leur réutilisation voir leur reconversion (ou revalorisation) tant que faire ce peut.

Le virage que doit prendre notre système d'une économie d'envie vers une économie de besoin n'est donc pas aisé, alors que pourtant il apparaît comme nécessaire à la durabilité de notre espèce : vers plus de stabilité, plus d'austérité et de simplicité.

Ceci ouvre donc sur le sujet de l'écologie, mais surtout un de ses aspects plus particulier et transversal, qui réside dans le pari de la décroissance (qui est également le titre d'un livre de Serge Latouche) dont l'idée mérite d'être considérée avec sérieux sans les œillères idéologiques traditionnelles.

Rémi Decombe.


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