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Bel-Ami de Maupassant (4/12)

Publié le 08 novembre 2011 par Sheumas

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Le roman se termine dans la lumière de ce mariage en grandes pompes qui consacre le triomphe du personnage, écrasé de lumière. Cet éclat providentiel ne masque pas les grandes hantises du romancier qui injecte de l’inquiétude et de la noirceur à différents moments du roman, comme pour contrebalancer cette ascension.

   Le monde de la lumière, de l’éblouissement vers lequel il tend contient en soi, comme en une anamorphose, un tragique théâtre d’ombres où les mêmes scènes se répètent à l’infini. Schopenhauer est passé par là. Malgré la menace implacable de la mort et de la disparition, (la forêt qui effraie Madeleine en Normandie, le fond de l’eau dans l’aquarium que regardent, anxieux, Georges et Suzanne) les vivants qui se côtoient et se frôlent (comme au cours de la promenade au Bois de Boulogne dans le chapitre 2 de la seconde partie) se précipitent vers les éclats trompeurs de la vie et sont avides de pouvoir, de plaisir, de richesse.

Georges et Madeleine s’amusaient à regarder tous ces couples enlacés, passant dans ces voitures, la femme en robe claire et l’homme sombre. C’était un immense fleuve d’amants qui coulait vers le Bois sous le ciel étoilé et brûlant. On n’entendait aucun bruit que le sourd roulement des roues sur la terre. Ils passaient, passaient, les deux êtres de chaque fiacre, allongés sur les coussins, muets, serrés l’un contre l’autre, perdus dans d’hallucination du désir, frémissant dans l’attente de l’étreinte prochaine. L’ombre chaude semblait pleine de baisers. Une sensation de tendresse flottante, d’amour bestial épandu alourdissait l’air, le rendait plus étouffant. Tous ces gens accouplés, grisés de la même pensée, de la même ardeur, faisaient courir une fièvre autour d’eux. Toutes ces voitures chargées d’amour, sur qui semblaient voltiger des caresses, jetaient sur leur passage une sorte de souffle sensuel, subtil et troublant.

Georges et Madeleine se sentirent eux-mêmes gagnés par la contagion de la tendresse. Ils se prirent doucement la main, sans dire un mot, un peu oppressés par la pesanteur de l’atmosphère et par l’émotion qui les envahissait.


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