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La crise : ce que personne ne dit.

Publié le 09 novembre 2011 par Dubruel


par Louis Dalmas (son site) mercredi 2 novembre 2011

lu sur le site Agora vox

suite N°4

Je vous ai parlé de trois éléments de la domination bancaire sur notre société. Nous en avons évoqué deux : la stratégie impériale et le contrôle des médias. Le troisième atout dans la main de nos maîtres est la faiblesse de l’opposition. Elle se manifeste dans quatre domaines où, à partir de ce qu’elle propose ou ne propose pas, je voudrais esquisser ce qu’elle pourrait proposer.

Il s’agit des banques, des impôts, de la guerre et de la dette.

Inutile de préciser que je ne vais pas me lancer dans une analyse économique d’ensemble : nous y passerions toute la nuit et de toute façon je ne suis pas compétent pour le faire. Je voudrais simplement, sur chacun de ces points, vous soumettre quelques observations qui, à mon sens, devraient inspirer ceux qui veulent remplacer le gouvernement actuel ou tout simplement agir pour le bien de la société.

En ce qui concerne les banques, la crise actuelle a prouvé à quel point leur pouvoir était indéracinable. Elles ont réussi à imprégner les gouvernements de la terreur de les voir s’effondrer, au point qu’ont été trouvés d’un coup de baguette magique des centaines de milliards pour les renflouer. Des milliards dont une fraction aurait suffi à éradiquer la famine dans une grande partie du monde, et qui étaient refusés aux réformes sociales. Et dont la recherche éperdue à répétition évoque, à une échelle effrayante, le rocher de Sisyphe, ou en plus grotesque, une bande dessinée célèbre de mon enfance, celle du sapeur Camembert. Ce brave militaire avait reçu l’ordre de boucher un trou, et pour le boucher, en creusait un autre qu’il fallait ensuite boucher avec la terre d’un troisième. Et ainsi de suite. Un emprunt est remboursé par un emprunt à rembourser par un emprunt à rembourser par un emprunt à rembourser. Sinistre enchaînement dont les intérêts ne cessent d’enrichir ceux-là mêmes qui ont creusé le premier trou.

Que propose-t-on pour le rompre ? Notre gauche a finalement déterré, sans la nommer, un loi américaine suscitée par le krach de 1929. Le 16 juin 1933, Franklin Roosevelt a fait adopter la loi Glass-Steagall qui établissait une cloison étanche entre les banques de dépôt et les banques d’affaires, plafonnait les intérêts perçus sur les dépôts et interdisait d’utiliser l’épargne privée pour des spéculations risquées. Les principes de cette régulation ont été peu à peu érodés à partir de 1980, sous la pression des banques, pour être finalement abrogés en 1999 par la loi Gramm-Leach-Bliley. Une partie de notre gauche s’en réclame, mais au vu des trahisons passées de la social-démocratie, on peut se demander si ses représentants arrivés au pouvoir auront le courage de les appliquer.

En admettant qu’ils le fassent, ce ne serait qu’un premier pas. Le vrai problème est qu’aujourd’hui les banques contrôlent les Etats, et qu’il faut casser ce pouvoir en redonnant aux Etats le contrôle des banques. Cela passe par des mesures beaucoup plus globales qu’une régulation inspirée de la loi Glass-Steagall, comme la réappropriation nationale de tout ce qui a été renfloué, c’est-à-dire carrément des nationalisations, ou le droit rendu à la Banque de France de battre monnaie et de prêter sans intérêt. LLoyd George disait : “On peut tout faire par petits pas mesurés, mais il faut parfois avoir le courage de faire un grand saut ; un abîme ne se franchit pas en deux petits bonds.” Le moment est venu pour la gauche d’entreprendre une offensive sérieuse, ou tout au moins de la revendiquer d’une seule voix, même si l’attaque consiste à violer quelques accords au lieu de chercher désespérément à accorder les violons.

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Avec la reprise en main des banques s’imposent une chasse féroce aux dépenses et une totale refonte de la fiscalité. Les Cassandre de la crise se lamentent sur le tarissement des liquidités, l’assèchement des crédits, les défauts de paiements, la banqueroute des Etats. En fait, ils entretiennent au profit du pouvoir bancaire le plus énorme mensonge du siècle. L’argent, il y en a, par centaines de milliards. Il faut simplement le prendre où il est.

D’abord en réduisant son gaspillage. Chaque année, la Cour des Comptes répertorie les sommes jetées par la fenêtre dont les gouvernements ne tiennent jamais compte. Il y a déjà là pas mal d’économies à faire. Mais cette brave Cour des comptes ne parle pas de la plus énorme de ces sommes, de ce torrent d’argent dilapidé dans l’usine à gaz de Bruxelles, cette Europe fictive devenue le fromage à technocrates le plus pharaonique du siècle. Ne parlons pas de la masse de fonctionnaires, de la nuée de bureaucrates, de l’armée de traducteurs, grassement rémunérés aux frais des contribuables, ou des contributions imposées aux Etats pour entretenir l’illusion continentale. Ce qui est grave, c’est qu’en plein baratin d’austérité nécessaire, on en remet une louche dans les largesses. Non seulement une bonne partie du personnel émarge à plus de 10.000 euros par mois, et un certain nombre d’entre eux ont des retraites de 9.000 euros par mois, mais la baronesse Catherine Ashton, qui fait office de ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne, a trouvé le moyen de revaloriser les salaires de ses 1.500 employés pour 7,5 millions supplémentaires.

Avec la réduction des gaspillages, il faudrait bloquer les fuites de l’économie marginale. Ne parlons pas des blanchiments de l’argent de la drogue. Un rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUOC) vient d’en établir le montant à environ 1.600 milliards de dollars pour 2009, soit 2,7 % du PIB mondial. A ce sujet, on peut se poser en passant une question : la puissance armée de l’OTAN ne serait-elle pas mieux utilisée dans la chasse aux trafiquants que dans des guerres coloniales ? 

N’attendez pas la réponse. Parlons plutôt des fraudes.

Le compte rendu annuel de Tracfin, la cellule gouvernementale du renseignement financier, les conclusions du député UMP Dominique Tian remises le 29 juin dernier, et toujours les rapports de la Cour des comptes, estiment à 20 milliards la fraude sociale (aux prestations sociales, aux prescriptions médicales, à l’assurance chômage, etc.) et à 45 milliards la fraude fiscale. Ce sont déjà des sommes importantes qui font défaut à l’Etat, mais ce sont des broutilles à côté de ce que devrait rapporter une refonte complète de l’échelle des impôts.

Cette refonte devrait tailler à coups de serpe dans la calotte des riches, une calotte qui coiffe la société d’une masse d’argent dont on a peine à imaginer les proportions, et qui appartient à une infime minorité.

En 2010, la totalité de la richesse de notre planète de près de 7 milliards d’habitants était contrôlée par 103.000 personnes. Les 1.000 Britanniques les plus riches détiennent une fortune globale de 452 milliards d’euros. 3.200 milliards de $ s’échangent chaque jour sur le marché des changes (contre 18 milliards dans les années 70). Selon une enquête du Wall Street Journal, les grands leaders de la finance et les traders de la bourse ont obtenu aux USA des rémunérations record de 135 milliards de $ en 2010, une hausse de 5,7 % en un an. Un rapport tout récent, publié le 25 octobre, du Bureau budgétaire du Congrès dit que le 1 % des Américains les plus fortunés ont plus que doublé leur part du revenu national au cours des trois dernières décennies, et après impôts, ont augmenté leurs rentrées d’argent de 278 % entre 1979 et 2007. En France, les salaires et gratifications des patrons du CAC 40, entre autres, atteignent des millions d’euros par an. Selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires du 6 octobre 2010, “les niches fiscales et sociales des entreprises représentent un manque à gagner de 172 milliards d’euros par an pour l’Etat.” Elles se sont multipliées au rythme de 12 par an depuis 2002. L’impôt sur les bénéfices des entreprises a été réduit de 7,4 milliards d’euros sur la période 2007-2009.

Nous savons tous que l’inégalité entre les classes sociales a existé de tous temps et que le luxe s’est souvent montré choquant. Mais le phénomène a atteint aujourd’hui une effrayante démesure. En une trentaine d’années, l’écart moyen entre la rémunération du dirigeant et le plus bas salaire de son entreprise a été multiplié par 25. Selon une enquête de l’INSEE publiée fin août sous le titre “Revenus fiscaux et sociaux”, le nombre de Français vivant sous le seuil de pauvreté a franchi la barre des 8.173.000 personnes en 2009, en hausse de 337.000 par rapport à 2008. Cela représente 13,5 % de notre population. A l’autre bout de l’échelle, tout en haut, les riches se multiplient dans des proportions encore plus impressionnantes. Toujours selon l’INSEE, entre 2004 et 2007, le nombre de personnes disposant de plus de 500.000 euros “par unité de consommation” a augmenté de 70 %.

Le luxe s’étale en jets privés, yachts gigantesques, demeures princières, pierres précieuses, garderobes inépuisables et armées de serviteurs, qui ornent le quotidien de la bulle des riches. Un gouffre s’est creusé entre cette bulle et le restant de la société. Ses occupants habitent une autre planète. Une idée de leurs habitudes – et de leurs moyens – est fournie par le marché de l’art. Les transactions dans les grandes salles de vente comme Sotheby ou Christie’s atteignent des chiffres qu’on a peine à imaginer. Les œuvres de certains créateurs se paient des millions de dollars, à des années-lumière de ce que peut s’acheter la masse des citoyens.

A côté de ces fastes, les exigences d’austérité et de rigueur qui étranglent les peuples et les mesures gouvernementales d’économie qui asphyxient les grands services publics, apparaissent non seulement comme des provocations, mais comme des crimes. C’est aux riches qu’il faut prendre l’argent car ils en ont beaucoup. Et qu’on ne nous dise pas que c’est de l’utopie ou du populisme : ponctionner la pellicule fortunée dans l’intérêt de la nation s’est déjà fait dans le plus grand pays capitaliste du monde, les Etats-Unis. En réponse à la crise de l’époque, Roosevelt avait fixé l’impôt sur les plus hauts revenus à 63 % en 1932, à 79 % en 1936 et à 91 % en 1941. Pendant 50 ans, la moyenne est restée à 80 %. On est loin du bouclier fiscal de Sarkozy, des cadeaux à ses amis du Fouquet’s et de la grotesque taxe de 3 % proposée par le gouvernement


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