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Bonjour Jules-Alexandre

Publié le 14 novembre 2011 par Alain Dubois

AcrobatLe discours de la Santé publique passe difficilement chez les joueurs qui le perçoivent comme étant antijeu, en particulier antipoker. Un commentaire, que Jules-Alexandre nous a écrit hier, témoigne d’une critique qui est loin d’être négligée par les gens qui oeuvrent dans l’entourage élargi des organismes de santé publique.

Je n’ai pas assez de temps pour jouer aussi souvent que je voudrais au poker sur EspaceJeux, mais tu peux à l’occasion me suivre sur des tournois multitables à $0,50+0,05 ou $1,00+0,10. Mon pseudo est le nom de ce site web. Mon plus grand fou-rire est quand je suis persuadé que j’ai affaire à un bluffeur et que je me fais sortir du tournoi. Manifestement, je ne joue pas encore assez bien. Mais, je ne perds pas d’argent. Je suis kif-kif.

En d’autres occasions, j’essaie de jouer quand je n’en ai vraiment pas envie, quand je préfèrerais être ailleurs. Je voudrais mieux comprendre ce qu’il se passe dans la tête d’un joueur qui tente d’en faire son gagne-pain. Obligé de jouer à tous les jours pour assurer un revenu constant, c’est certain que cela relève de la prouesse. Je me suis poussé jusqu’au spleen du gars qui sais parfaitement bien que sa main est perdante et qu’il y va quand même. Ces paradoxes psychologiques qu’on vit en jouant beaucoup suscitent l’intérêt de beaucoup de scientifiques qui sont loin de mépriser le poker.

En mars 2010, quand Élisabeth Papineau et moi avons écrit le mémoire de l’INSPQ adressé au ministre des Finances, nous avons déploré que Loto-Québec se précipitait sans avoir pris le temps de faire une étude crédible sur ce que les joueurs désiraient. Nous avions aussi insisté pour dire que nous ne comprenions pas encore assez bien la mentalité des joueurs pour vraiment s’assurer qu’EspaceJeux soit un succès financier et sociosanitaire. Nous reflétions alors l’opinion des 18 directeurs régionaux de santé publique, qui n’étaient pas contre le jeu en ligne, mais contre le processus d’implantation si improvisé, si risqué sur le plan sociosanitaire, qu’il en est dangereux.

Le discours aveuglément optimiste des promoteurs du poker en ligne, nous l’avons déjà entendu, durant les années 90, par quasiment les mêmes promoteurs qui, après avoir créé une fausse urgence, ont poussé pour une légalisation hâtive des loteries vidéo sans une planification sociosanitaire réaliste. La crise sociale qui a suivi a été une des pires du monde occidental. Crois-moi, ce n’est pas par puritanisme qu’on insiste continuellement pour une gestion intègre, sécuritaire et planifié du jeu. Les gens qui gravitent autour de jeuenligne.ca sont parmi ceux qui ont eu à gérer la crise des loteries vidéo, alors que nous n’étions pas prêts à donner les services communautaires et cliniques pour aider des milliers de famille qui se sont retrouvées dans la misère. Tu fais appel à l’importance du libre-arbitre des individus. Tu as raison. Mais, il y a aussi d’autres personnes dans l’entourage des joueurs qui subissent des conséquences négatives du jeu sans avoir choisi de jouer. Souvent, ces personnes ignorent que leur patrimoine se fait dilapider. Ce serait irresponsable de minimiser cette iniquité en prétextant qu’il ne s’agit que d’un problème de responsabilité individuelle.

Encore aujourd’hui, nous savons que nous ne comprenons pas bien la mentalité des joueurs de poker, et delà, nous ne sommes pas prêts à concevoir les services qui devront être rendus si jamais une autre crise sociosanitaire venait s’ajouter à celle des ALV et des MAS. On joue sans filet. Sur jeuenligne.ca, nos commentaires témoignent de notre inquiétude professionnelle (et non politique), une inquiétude fondée sur l’expérience de vingt ans. Je sais qu’il ne faut pas hypothéquer l’avenir avec les erreurs du passé. Et que demain, le monde pourrait être différent.

Durant quinze mois, j’étais assis au tribunal à témoigner et à écouter d’autres témoins tant de la poursuite et de la défense. J’en suis sorti convaincu qu’il existe un problème majeur dans le suivi de la gestion du jeu au Québec. Il y a eu une foule de petits détails qui, en s’additionnant, deviennent un gros problème. Juste un petit exemple qui n’est pas aussi anodin qu’il n’en a l’air : quand le président de Loto-Québec, qui était chargé d’implanter le concept de jeu responsable, a été interrogé sur ce que signifie concrètement ce concept dans l’administration de Loto-Québec, on a appris … que le joueur était responsable de ce qu’il lui arrivait. Par rapport à ce qui aurait pu être dit, c’était une réponse d’ignare. Et, quand on lui a demandé ce qu’il connaissait des jeux au casino, on a appris qu’il connaissait surtout le restaurant.

Il ne fait aucun doute à mon esprit que le poker en ligne de Loto-Québec n’est pas géré par des gens qui aiment le poker. Quand as-tu vu le président de Loto-Québec jouer sur EspaceJeux, ou même manifester un quelconque intérêt dans le jeu de poker? Quand as-tu eu l’occasion de jouer contre un des vice-présidents? La critique d’EspaceJeux sur jeuenligne.ca est celle de la gestion misérable que Loto-Québec fait du poker en ligne. On a l’impression d’un bidule désuet implanté-là parce qu’on a fait des promesses de millions et, maintenant que l’échec est constaté, que ses gestionnaires laissent à la dérive. C’est une situation socialement très dangereuse qui doit être rendue explicite.

Comme Alain l’a indiqué, le type de poker en ligne qu’on a au Québec ne correspond pas aux besoins de la population. La France, puis l’Italie, proposaient un nouveau modèle de poker étatique. Le modèle suédois (et le modèle de la WLA) était en danger. Les intérêts en cause sont très loin de tes intérêts comme joueur. Tu désires plus de liberté individuelle. Loto-Québec t’impose un monopole territorial. T’as pas le choix, c’est ça que tu dois bouffer. Il n’y a même pas eu d’appel d’offre. L’argumentation, qui a servi à légitimer le projet auprès du gouvernement, était bidon.

Il est possible qu’on ne soit pas d’accord sur bien des aspects du poker en ligne. Mais, conviens que jeuenligne.ca essaie d’élargir les informations dont on peut tenir compte pour se faire une idée du jeu en ligne, que ces informations ne se trouvent pas ailleurs, et que nous tâchons de bien préciser et vérifier nos sources. Nous expliquons les raisons pour lesquelles nous choisissons de diffuser des informations. Pas certain qu’autant d’efforts de transparence sont faits ailleurs.

Sur ce, j’espère que nous aurons un jour l’occasion d’être à la même table de poker et qu’en sortant on pourra se dire en souriant : bah, y comprend rien, mais ce n’était pas si nul.


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