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293 - Le journaliste Ali Boudoukha est mort

Publié le 17 novembre 2011 par Ahmed Hanifi

Ali Boudoukha, ou l’impasse du journalisme
Ali Boudoukha a reçu un hommage posthume aussi unanime que paradoxal. Décédé à l’âge de soixante ans, cet homme, plutôt discret, au look jeune, qui a eu un parcours aussi heurté que celui de la presse algérienne, a suscité des commentaires étonnants de la part d’une corporation dont, disons le crûment, il méprisait une bonne partie.

293 - Le journaliste Ali Boudoukha est mort
Peut-être que l’hommage à Ali Boudoukha est-il une sorte reconnaissance en lui de vertus perdues par la presse algérienne, une presse qui a trouvé en cet homme modeste les qualités qu’elle voulait exhiber mais qu’elle a abandonnées, sous la double pression de l’argent et du pouvoir, deux facteurs face auxquels Boudoukha n’a précisément toujours refusé de céder.
Formé à l’école du service public, à la radio, Boudoukha s’est naturellement retrouvé assez tôt dans la contestation. Un peu par tempérament, beaucoup par conviction. A la fin des années soixante dix et au début des années 1980, la contestation ne pouvait, pour un journaliste de la radio, s’exercer que dans le syndicalisme. Boudoukha s’est donc engagé dans le syndicalisme, pour se rendre compte rapidement de l’impasse : le parti unique était un mur contre lequel tout se brisait, qu’il s’agisse de l’exercice du journalisme et des luttes syndicales.
Mais les choses se sont ensuite rapidement accélérées. L’épuisement du système du parti unique a enfanté de multiples formes de contestation, dont l’une des plus abouties s’est cristallisée autour du Mouvement des Journalistes Algériens (MJA) bien avant octobre 1988. Ali Boudoukha en était évidemment, participant en franc-tireur aux luttes que tentaient d’aiguiller partis et courants clandestins.
Avec l’euphorie démocratique qui a suivi octobre 1988, Ali Boudoukha s’est trouvé coincé entre un service public qu’il assumait à la radio, et un engagement politique en faveur de la démocratie, qu’il voulait exprimer au sein de différents journaux privés. La rupture s’est faite avec son engament plein et définitif avec l’hebdomadaire La Nation, où il a atteint la plénitude de son métier. Animant une rubrique célèbre, Souk El-Kalam (le marché des mots), honteusement plagiée par plusieurs journaux, Ali Boudoukha racontait chaque semaine, dans un style unique, les péripéties et les dérapages de la presse algérienne.
Mais le journaliste cherchait toujours un terrain où exercer son métier de manière correcte, selon les règles auxquelles il croyait. Avec, en premier, la fidélité aux faits, s’appuyant sur une rigueur intellectuelle et morale sans faille. A la fin des années 1990, et après l’arrêt de La Nation, il n’y avait, pour lui, guère d’espace où travailler selon ces normes. Il a donc tenté l’expérience avec Libre Algérie, journal du FFS, dont il se sentait proche.
Son itinéraire, ensuite, résume bien ce qu’est l’impasse de la presse algérienne. Pouvoir et argent ne laissaient guère d’espace au journalisme. Il ne restait plus que la presse internationale et la presse électronique, un champ que le pouvoir algérien n’avait pas encore su apprivoiser. C’est naturellement que Ali Boudoukha devint correspondant de RFI et fondateur du site Maghreb Emergent.
Sur le plan politique, Ali Boudoukha appartenait à ce courant issu du FLN, progressiste et moderne, qui croyait à la solution algérienne à la crise. En ce sens, avant de se rapprocher du FFS, Boudoukha était d’abord un ami de Mouloud Hamrouche et de Abdelhamid Mehri. Il croyait très fort que ces hommes, symbolisant à la fois l’enracinement historique et la modernité, constituaient une chance unique pour le pays, un atout inégalé face à la perte de repères et à la déliquescence de la pensée.
Mais il faut bien admettre que l’Algérie a décidé de se passer de cet atout. Ce qui symbolise l’impasse dans laquelle se trouvait Ali Boudoukha alors qu’approchait pour lui l’heure de la retraite. Mais il a réussi un autre pari : assurer à ses enfants une formation de haut niveau. Une fois ce pari réussi, il a décidé de partir. Comme pour dire qu’il n’avait plus envie de tourner en rond dans un monde FLN-RND-Hamas, avec le terrorisme et l’OTAN là-bas, en bout de piste.

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par Abed Charef
Mardi 15 Novembre 2011
in: http://www.lanation.info/Ali-Boudoukha-ou-l-impasse-du-journalisme_a463.html

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