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Dites-moi Robert : courtoisie ou politesse ?

Publié le 19 novembre 2011 par Mademoiselledupetitbois @MlleduPetitBois
Dites-moi Robert : courtoisie ou politesse ?

Mon cher, je ne vois rien de tout ça à l'horizon. Cherchons encore voulez-vous ?

Voilà en quelques mots un questionnement qui finit par s’imposer : quid des courtoisie, politesse, gentillesse et autres élégantes manières ? En lisant un article en hommage à Pierre Dumayet, ce fantastique passeur de livres du temps d’une télévision qui, dixit cet autre excellent transmetteur Jacques Chancel, ne proposait pas aux téléspectateurs ce qu’ils aimaient mais ce qu’ils pourraient aimer, je lis ces mots : « C’est transformer la courtoisie en politesse. » Comprenez : la courtoisie est supérieure à la politesse.
De prime abord, j’opine du bonnet. La politesse me paraît une simple attitude guidée par les codes de bonne conduite. Alors que j’associe la courtoisie à l’élégance. Je m’en vais donc vérifier tout ça dans mon Grand Robert de la langue française et je lis :

Courtoisiepolitesse raffinée. Voilà, il suffit d’ajouter le raffinement. Et c’est, aussi, une attitude conforme à l’esprit de chevalerie.

Politesse – Délicatesse, élégance, raffinement, bon goût, mais attention, cette définition vaut pour la langue classique, au XVIIe siècle. Car (nuance de taille) dans la modernité, la politesse est bien l’ensemble des usages qui régissent le comportement dans une civilisation, un groupe social donnés – autrement dit la bienséance quoi.

Mon Robert, comme à son habitude, m’offre même un superbe extrait pour illustrer sa définition :
« La politesse, cher enfant, consiste à paraître s’oublier pour les autres ; chez beaucoup de gens, elle est une grimace sociale qui se dément aussitôt que l’intérêt trop froissé montre le bout de l’oreille, un grand devient alors ignoble. Mais (…) la vraie politesse implique une pensée chrétienne ; elle est comme la fleur de la charité, et consiste à s’oublier réellement. »
Balzac, Le lys dans la vallée

[je renvoie à la lecture de ce livre et de toute l'œuvre d'Honoré, mon premier amour littéraire lu quasi exclusivement pendant mes années lycée]

Soit, fausse politesse/vraie politesse, courtoisie… Reste que par les temps qui courent, tout attribut de la civilité devient rare et cher, comme un cheval bon marché*. Imaginez donc : déjà que la courtoisie n’étouffe pas nos contemporains, que dire de la politesse qui n’est bien désormais qu’une grimace camouflant l’ignoble esprit d’apothicaire qui veut faire son affaire ?
L’époque est aux valeurs marchandes : les courtiers en assurance de leurs sentiments distingués sont de vulgaires usuriers, qui entendent se payer de leurs ridicules largesses en métal argenté au taux de leur perversité décuplée, ignorant bel et bien au passage l’or de ce qui n’a pas de prix.
La politesse élémentaire n’est même plus automatique, la courtoisie est réduite à peau de chagrin sur mesure pour les porcs en quête de style, et la véritable gentillesse – au sens gratuit de la politesse selon Balzac donc – ne se trouve plus qu’au hasard des bonnes humeurs croisées dans la rue. Quant à moi, il me semble que je suis plus chrétienne que je ne le pense, ou alors je vis encore au XVIIe siècle… Et la chevalerie, me direz-vous ? Et bien si elle ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval, allez donc trouver un sabot de cheval pour voir.

Dites-moi Robert : courtoisie ou politesse ?

En attendant visez-moi un peu ces fumiers

* Ce faux syllogisme me paraît fort à propos :
Tout les choses rares sont chères
Or un cheval bon marché est rare
Donc un cheval bon marché est cher
Puisque la conclusion n’a pas de sens, la prémisse majeure est fausse – et c’est bien ce qu’on pensait : l’authentique élégance est rare, donc elle n’a pas de prix, car elle est gratuite.

- Le Grand Robert de la langue française en six volumes n’est plus disponible dans sa version papier hélas… 

- Mais toute la Comédie humaine de Balzac oui : lire en priorité Le lys dans la vallée, La peau de chagrin, Splendeurs et misères des courtisanes et autres Grandet, Goriot, Cesar Birotteau…

- Errol Flynn, en justicier des Bois dans le Robin de Michael Curtiz (1938), ou en parfait Gentleman Jim dans le film de Raoul Walsh (1942), souvenirs de grande télévision.


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