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"L'ordre et la morale" fait le vide

Par Tred @limpossibleblog
En début d’année, lorsque je citais les onze films que j’attendais le plus pour 2011 au cinéma, L’ordre et la morale de Mathieu Kassovitz en faisait partie. C’était une évidence. Parce que je n’aimais plus le cinéaste que le français était devenu. Je n’aimais plus ses films depuis trop longtemps. Parce que je l’avais au contraire tant aimé, et que je l’aimais encore tant chaque fois que je tombais sur La Haine ou Métisse. Oui, paradoxalement, L’ordre et la morale était sur les tablettes de mon impatience parce que je croyais ne plus pouvoir ou devoir attendre grand-chose de Kassovitz réalisateur, englué dans les souvenirs de Gothika et Babylon AD.
Sur le papier, L’ordre et la morale semblait pouvoir être un retour au Kassovitz que j’admire, celui des années 90. Un cinéma français fort et engagé. Je croyais que les cinéphiles étaient nombreux à attendre le retour de Kassovitz à ce cinéma promis par L’ordre et la morale. Les premiers chiffres parus la semaine dernière m’ont fait retomber du nuage sur lequel m’avait propulsé la sortie du film. En fait nous ne sommes pas tant que ça à nous réjouir de la sortie du film. Pas tant que ça à être excités de curiosité au point de se précipiter vers une salle de cinéma pour le découvrir.
Mon attente était trop grande cette semaine, je ne pouvais pas laisser le weekend filer sans avoir vu L’ordre et la morale. Et j’ai donc pu constater de mes yeux ce que les chiffres du premier jour laissaient entendre : les spectateurs français sont peu nombreux à être intéressés par le nouveau film de Kassovitz. Un samedi en début d’après-midi dans une grande salle 300 fauteuils au moins, nous ne devions pas être plus de 30 ou 40 curieux. Les chiffres de la semaine sont tombés, et le film atteint tout juste les 100.000 spectateurs en sept jours dans plus de 300 salles. La désaffection ou le désintérêt du public est flagrant, et désolant.
Le sort du film de Kassovitz sera une de ces injustices dont le cinéma et sa roulette géante ont le secret. On ne pourra pas dire que le sujet, la prise d’otage de gendarmes en Nouvelle-Calédonie à la veille des élections présidentielles de 1988, n’était pas porteur. On ne pourra pas dire que le marketing aura été mauvais, quand on jette un œil à l’affiche ou à la bande-annonce. On ne pourra pas non plus dire que le film a débarqué avec une mauvaise réputation. Le bouche-à-oreille était excellent, et les critiques porteuses. Les ingrédients étaient là, ils n’ont pas pris, et j’ai du mal à croire que les 200 ou 300.000 spectateurs de plus que le film aurait dû attirer en première semaine étaient tous occupés à regarder Intouchables.
Tant pis. Les spectateurs français choisissent délibérément de passer à côté d’un des films français majeurs de l’année, un film de conviction et de doutes, une bourrasque cinématographique à la mise en scène implacable et au discours écœuré par l’héritage du colonialisme, par les méandres politiques, par l’écrasement de l’humain au profit du pouvoir. Pourvu que Kassovitz sache que ceux qui ont vu son film l’ont aimé et attendent d’autres longs-métrages de cet acabit à l’avenir. Les autres s’en mordront les doigts un jour ou l’autre. Et si vous lisez ces lignes et que vous n’avez pas encore vu L’ordre et la morale, mais que faites-vous donc encore devant votre ordinateur ? Attrapez votre veste, une bonne écharpe pour le froid, et foncez au ciné !

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