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Comment ça va, madame Placard?

Publié le 24 novembre 2011 par Toulousejoyce

Monsieur et Madame Trucmuche ont des jumeaux, un garçon et une fille. Comment doivent-ils éviter de les appeler ? Benoît-Isidore et Pauline-Ursule. En effet, si l’on en croit une étude américaine publiée en 1999 dans le Journal of Psychosomatic Research, avoir des initiales à consonance négative (ici B.I.T. et P.U.T.) peut s’avérer un facteur non-négligeable d’espérance de vie réduite. A l’inverse, des initiales à consonance positive (F.O.R. ou V.I.E.) sont une petite promesse de vie plus longue. L’effet est sans doute nettement moins marqué en France qu’aux Etats-Unis, où la tradition d’insérer un deuxième nom entre le prénom et le patronyme est très vivace, comme on le voit fréquemment avec les présidents américains, de Franklin Delano Roosevelt à Barack Hussein Obama, en passant par John Fitzgerald Kennedy.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’impact du symbole (et donc de l’esprit) sur la mortalité humaine est un phénomène qui se rencontre en maintes occasions : ainsi, une étude a montré que les femmes mouraient en général moins la semaine précédant leur anniversaire, comme si la Camarde était priée de patienter jusqu’à ce que la ligne soit franchie… En revanche, la semaine suivant le changement d’âge était celle où, en moyenne, ces dames quittaient le plus volontiers ce monde (parce que le gâteau préparé par leurs héritiers était peu digeste ?). La même étude soulignait que ce n’était pas le cas chez les hommes, qui avaient une légère tendance à s’abstenir de souffler leurs ultimes bougies en décédant avant leur anniversaire. Nombreuses sont également les personnes tombant malades ou mourant à l’âge où l’un de leurs parents a disparu. A ces “réactions aux anniversaires” s’ajoutent d’autres exemples. Une étude a ainsi mis en évidence, chez des juifs pratiquants, une baisse sensible de la  mortalité dans les jours précédant la fête de Pessa’h et une hausse dans les jours suivants. Le même effet a été constaté, dans une communauté chinoise, au cours de la période entourant la fête de la mi-automne. Comme si la mort devait attendre dans le vestibule…

Mais celle-ci peut-elle s’inviter plus tard lorsque vos initiales reflètent une notion positive, ou plus tôt si vous vous appelez Maurice-Alexandre Landouillette ? L’étude du Journal of Psychosomatic Research répond par l’affirmative. Pour le montrer, ses auteurs, chercheurs en psychologie à l’université de Californie (San Diego) ont ainsi épluché les registres des décès de cet Etat entre 1969 et 1995, car ils présentent l’avantage de donner le nom complet des morts. Deux listes d’initiales à consonances positive et négative avaient auparavant été testées et validées auprès d’un panel. Dans la première catégorie, on trouvait notamment ACE (as), GOD (dieu), LIF (pour vie), LOV (pour amour), VIP, WIN (gagner). La seconde rassemblait des mots ou abréviations comme APE (singe), ASS (cul), BAD (mauvais), DIE (mourir), DTH (abréviation de “death”, mort), DUD (raté), HOG (pourceau), ILL (malade), MAD (fou),  ROT (pourriture), SAD (triste), SIK (pour malade). Pour les morts portant ces initiales particulières, on notait l’âge au moment du décès, qui était ensuite comparé à l’âge moyen de groupes témoins dont les membres avaient des initiales sans signification. Les résultats ont été plus que surprenants. Les hommes portant des initiales “géniales” vivaient en moyenne 4,48 années de plus que le groupe témoin, et les hommes avec des initiales “pourries” vivaient 2,8 années de moins que le groupe témoin. Du côté des extrêmes, les 28 LOV ont vécu 76,85 ans en moyenne alors que les 194 DTH sont passés de vie à trépas à seulement 58,9 ans, toujours en moyenne. Chez les femmes, l’effet était moins marqué (3,36 années de plus pour la première liste et pas de différence significative pour la seconde), ce à quoi les chercheurs s’attendaient : au gré de leur(s) mariage(s), les femmes peuvent changer plusieurs fois d’initiales au cours de leur existence et si l’impact de celles-ci existe, il est nécessairement moindre. Autre point à signaler, les causes du décès chez les hommes aux initiales négatives étaient sensiblement différentes des autres, avec une surreprésentation des accidents et des suicides, c’est-à-dire des causes directement dues au comportement.

Pour expliquer ces écarts tout de même importants, les auteurs de l’étude ont cherché de nombreux biais. Une petite “controverse” a surgi quand une équipe d’économistes a remis en cause les méthodes statistiques utilisées, notamment le fait qu’il est toujours délicat de recruter des cohortes de sujets a posteriori. Un biais dont les chercheurs étaient parfaitement conscients et qu’ils ont tâché de contourner en établissant avec précision les groupes témoins. L’hypothèse d’une corrélation sans lien de cause à effet a aussi été écartée. Il était en effet envisageable que les mauvaises initiales trahissent simplement des parents négligents, que l’espérance de vie plus courte soit avant tout la conséquence de mauvais soins et non pas celle due à l’influence desdites initiales. Mais rien n’est venu confirmer cette hypothèse, notamment au niveau de la mortalité infantile.

Les psychologues californiens ont donc conclu à la validité de leur hypothèse sur la puissance symbolique des initiales (tout comme il existe une puissance symbolique du nom que l’on porte) : “Il semble improbable, écrivent-ils, qu’une personne ayant des initiales comme CUL ou JOI puisse ne pas remarquer leurs connotations négatives ou positives. Apparemment, de telles initiales (…) peuvent influencer la cause et le moment de la mort. Notre interprétation de cette découverte s’appuie sur l’examen des causes individuelles du décès. Le suicide et les accidents, qui sont, parmi toutes les causes de décès étudiées, les plus liées au comportement, montraient les plus fortes différences entre les groupes positif et négatif. L’”explication symbolique” est aussi soutenue par la découverte que les effets sont moins importants chez les femmes et absents chez les enfants : ces groupes sont plus faiblement attachés à leurs initiales.” Par conséquent, si votre patronyme commence par un “R” et si vous souhaitez donner un prénom composé à votre futur fils, préférez Franz-Olivier à Marc-Olivier ou Pierre-Olivier.

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : Winston Churchill, est mort à l’âge de 90 ans. En dépit de ses initiales, pourrait-on dire. Trois objections toutefois :

1/ en psychologie, il y a toujours des cas particuliers ; 

2/ son vrai nom était Winston Leonard Spencer-Churchill, ce qui change un peu la donne ; 3/ l’expression “water closet” à laquelle ses initiales peuvent renvoyer est… beaucoup plus utilisée en France qu’outre-Manche !


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