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Proposition de loi visant à allonger les congés exceptionnels des salariés : exemple topique de l’avènement de l’ « entreprise providence »

Publié le 25 novembre 2011 par Jblully

Proposition de loi visant à allonger les congés exceptionnels des salariés : exemple topique de l’avènement de l’ « entreprise providence »Adoptée le 23 novembre 2011 par  l’Assemblée nationale, la proposition de loi tendant à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors d’un décès d’un enfant, d’un conjoint ou d’un parent proche du 5 octobre 2011 vient d’être renvoyée au Sénat.

Cette proposition de loi n’a, c’est le moins qu’on puisse dire, pas occupé le devant de la scène médiatique, largement envahie par la crise européenne et, sur un plan plus juridique, par les projets de loi de finance et de financement de la sécurité sociale.

Cette discrétion ne préjuge toutefois pas de son caractère anodin. En effet, si ses auteurs l’ont conçu comme neutre à l’égard des finances publiques, elle ne l’est assurément pas pour celles des entreprises qui se voient, ce faisant, affublées d’un poids supplémentaire en plein milieu d’une course effrénée à la compétitivité.

Consensus sur la nécessité d’allonger la durée du congé exceptionnel en cas de décès d’un enfant, du conjoint ou du partenaire lié par un PACS

Comme le relève à juste escient la proposition de loi, le système actuel est assez choquant. L’article L. 3142-1 du Code du travail prévoit que tout salarié bénéficie d’une autorisation exceptionnelle d’absence dans certains cas : mariage (4 jours), naissance ou adoption (3 jours), ou encore décès d’un enfant ou du conjoint ou du partenaire (2 jours).

D’emblée, on est pris d’un sentiment de malaise : le décès d’un enfant génère deux fois moins de congés qu’un mariage ! À l’évidente insuffisance de la durée de ce congé en cas de décès d’un proche, se rajoute donc la hiérarchie inacceptable établie, de fait, entre les différentes causes de ce congé exceptionnel.

Au-delà de ces considérations d’équité, le consensus entre la majorité et l’opposition lors du débat en première lecture à l’Assemblée nationale le 17 novembre 2011 s’explique aussi par le fait qu’une proposition de loi poursuivant exactement le même objectif avait été déposée quelques mois plus tôt par un député UMP. Rendons à César ce qui lui appartient …

Ceci étant, une fois le principe d’un allongement acquis, deux questions se posent :

-   combien de temps accorder ?

-   sur qui va reposer cette nouvelle charge ?

Il est délicat de répondre à la première interrogation, tant il est difficile de chiffrer le chagrin et le temps nécessaire pour effectuer l’ensemble des démarches administratives et reprendre goût à la vie. Au lieu des 10 jours initialement envisagés par la proposition de loi, la commission des affaires sociales, saisie du débat, a opté pour 5 jours en cas de décès d’un enfant et pour 3 jours en cas de décès du conjoint ou du partenaire. Soit. À mon sens, le plus important est que le congé accordé dans ces hypothèses soit supérieur à celui dont les salariés peuvent bénéficier légalement pour des raisons heureuses et, qui plus est, prévisibles ! Des efforts restent donc à faire en ce domaine…

S’agissant de la prise en charge du coût de cette mesure, la proposition de loi est muette et le compte-rendu des débats elliptique. Pourquoi ? Tout simplement car il ressort de l’article L. 3142-2 du Code du travail que ces absences n’entraînent pas de réduction de la rémunération et sont assimilés à des jours de travail effectif pour la détermination du congé annuel.

En clair, puisque ces congés sont actuellement pris en charge par les entreprises, leur allongement serait de fait intégralement assumé par les employeurs !

Ne nous voilons pas la face : c’est là que le bât blesse …

Quid du financement de cette nouvelle charge ? Haro sur les entreprises !

Le propos n’est pas ici de remettre en cause l’opportunité de l’accroissement de la durée de ces congés exceptionnels. C’est incontestablement défendable. La seule question est de savoir s’il est équitable et judicieux de faire supporter cette charge supplémentaire à nos entreprises.

Pour le justifier, la proposition de loi met notamment en exergue la part importante de conventions collectives plus favorables ajoutant aux jours prévus par l’article L. 3142-1 et la distorsion ainsi créée entre les salariés des petites structures et ceux des grands groupes. Cet argument est inapproprié. Il l’est parce que les petites structures n’ont pas les moyens des multinationales, tout particulièrement au regard du contexte économique actuel. Il l’est aussi parce qu’il y a une différence de taille entre une négociation, qui s’adapte aux particularités des entreprises concernées, et une obligation légale, par nature uniforme, qui les pénalise. Il l’est encore parce qu’il s’agit, en réalité, d’une des composantes permettant aux chefs d’entreprise de créer une offre RH attrayante.

Lors du débat parlementaire, le député PS Alain Vidalies a parfaitement résumé la problématique : « Au-delà de l’objectif précis et limité de la proposition de loi, nous savons bien que la pauvreté du dispositif législatif s’explique d’abord par le fait que ce sont les entreprises et, plus généralement, les employeurs qui supportent le coût d’une solidarité incombant pourtant à la société tout entière. […] C’est bien la solidarité nationale qu’il s’agit de solliciter dans ce genre de situations, et elle ne peut reposer sur les seuls employeurs ».

Au final, le transfert progressif des charges étatiques vers les entreprises est ce qui les handicape le plus. Point n’est besoin de chercher ailleurs la cause du coût du travail en France et conséquemment de notre déficit de compétitivité. Point n’est besoin, non plus, de chercher plus avant l’explication au déficit d’ETI nationales par rapport à nos voisins allemands et anglais. Point n’est besoin, encore, d’investir dans la simplification de l’environnement réglementaire des entreprises si les gains de compétitivité ainsi dégagés sont annihilés par des mesures comme celle analysée en ces lignes.

Bien qu’adoptée par l’Assemblée nationale, cette mesure n’entrera en vigueur que si le Sénat l’adopte dans les mêmes termes. Or, si la nouvelle composition de celui-ci laisse penser qu’il donnera son aval à l’allongement de ces congés exceptionnels, l’encombrement du calendrier législatif ainsi que les prochaines échéances électorales pourraient bien remettre les compteurs à zéro.

Dans un cas comme dans l’autre, je vous invite cordialement à débattre de cette disposition et de toutes celles ayant le même effet.

Qui sait, peut-être que cela suscitera une prise de conscience collective…


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