Magazine Société

Papyboom et retraités: vieux, privilégiés, égoïstes ?

Publié le 28 novembre 2011 par Frédéric Duval-Levesque

Une société qui a peur de sa jeunesse est une société bien mal-en-point.

La France vieillit, et le corps électoral qui choisira dans cinq mois le président de la République portera la marque de ce vieillissement. Dans la France de 2011, selon le portrait social de l’Insee, les moins de 20 ans représentent 24,6 % de la population (contre 27,7 % en 1991), et les 65 ans ou plus, 16,8 %, soit 2,8 points de plus qu’il y a vingt ans.

La société française est portée par une double dynamique : celle de sa natalité, un atout par rapport à l’Allemagne, et celle de l’allongement de l’espérance de vie.

Et pourtant, la fracture générationnelle resurgit. Le sondage réalisé par Ipsos Logica Business Consulting à l’occasion du colloque organisé par Le Monde à Bordeaux, jeudi 24 novembre, est à cet égard inquiétant.

Lucidement, 81 % des personnes interrogées jugent qu’il est « difficile d’être un jeune aujourd’hui en France » et 71 % considèrent que la situation s’est détériorée par rapport aux générations précédentes. Les enfants des soixante-huitards vivent moins bien que leurs parents. C’est particulièrement vrai en termes d’emploi – où un chômage supérieur à 20 % et une précarité en hausse frappent en priorité la jeunesse -, de logement et de pouvoir d’achat.

Le constat dressé en 2006 par Bernard Spitz, dans son livre Le Papy-krach (Grasset), sur ce qu’il appelait « le casse du siècle », est toujours valable. « Les jeunes, qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail, auront à régler les charges de la dette, à payer les salaires des fonctionnaires engagés avant eux et les retraites de leurs parents », écrivait-il.

Pour préparer l’avenir de sa jeunesse, la France a des caisses vides. En 2009, selon l’Insee, 17,7 % des enfants de moins de 18 ans étaient en situation de pauvreté monétaire, contre 9,9 % des retraités.

« Plus d’un pauvre sur deux a moins de 35 ans », observe Christian Baudelot dans l’ouvrage de La République des idées Refaire société (Seuil). La jeunesse n’a connu que la crise et l’enchaînement des insécurités sociales, et cette crise a « constitué un obstacle de taille à la conquête de l’autonomie par les jeunes ».

Or tout se passe comme si les Français, et en particulier les retraités, préféraient s’accrocher égoïstement à la défense de leurs acquis plutôt que donner à la jeunesse le maximum de chances, notamment à travers l’éducation, de connaître un meilleur avenir.

Les personnes âgées ont beau être plus privilégiées que les jeunes, elles ne veulent pas qu’on porte atteinte à leur cocon. Elles ne se disent pas hostiles aux politiques pour l’emploi ou l’éducation, mais la solidarité intergénérationnelle a ses limites, marquées par l’égoïsme de ceux qui vivent bien.

Ce thème risque de se voir utilisé de façon caricaturale dans la campagne présidentielle.

Le socialiste François Hollande a multiplié les déclarations de bonnes intentions en faveur des jeunes, sans se montrer très concret, alors que Nicolas Sarkozy soigne l’électorat âgé par sa politique fiscale. Mais, au-delà de la politique, la France doit combattre ce no future qu’elle prépare à sa jeunesse.

Source: article paru dans l’édition du 24.11.11 du journal « lemonde.fr »


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Frédéric Duval-Levesque 1018 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine