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J'ai la gueule de bois.

Publié le 01 décembre 2011 par Stev
par Stèv Yäel Julien Romani-Soccoro.J'ai la gueule de bois.
J'ai la gueule de bois.Je ne suis pas en colère, je suis choqué, scandalisé et déçu. Je viens de finir l'excellent livre de Dana Thomas, Luxe & Co: Comment les marques de mode ont tué le luxe (ou Deluxe: How luxure losts its luster, en anglais).
Journaliste de mode, Dana Thomas a travaillé pour Washington Post, Condé Nast, New York Times, The New Yorker, Vogue, Los Angeles Times, Financial Times, Harper's Bazaar et a été correspondante pour Neewsweek à Paris. Du bien lourd, quoi. Son enquête brillamment menée nous emmène sur les sentiers internationaux du luxe autant que sur ses dérives ahurissantes. Du luxe, il n'en reste finalement que le mot, utilisé à outrance par des dirigeants de conglomérats qui n'ont à la bouche que la salive d'un argent facile fait sur le dos de l'historique de maisons de couture qui ne sont plus que des jolies façades cachant des pompes à fric. Je n'ai pas envie de m'étaler sur le sujet. Si vous avez un minimum de passion pour la mode, la première chose que vous ferez en vous levant demain matin, c'est de courir vous procurer le bouquin en question. Ce qui me donne envie de vomir, c'est ce qui en découle : Conglomérats & co ne vendent plus de luxe, ils vendent des noms à qui voudra bien ouvrir son portefeuille pour s'en procurer. Que ce soit la production outrancière qui se fout vraiment de notre gueule niveau qualité, ou les nouveaux marchés assoiffés, chinois ou russes, Madame Thomas passe tout en revue et prouve par A + B à quel point nos marques fétiches sont devenues un résidu d'histoire qui n'a plus rien à voir avec le rêve de ses créateurs… C'est affligeant de voir à quel point notre passion à tous est devenue une vulgaire vache à lait sans âme qui n'a plus rien de respectable. Le logo est désiré partout comme une entité prouvant son statut social, on ne s'approprie plus une créativité ancestrale, on montre simplement la largesse de sa carte de crédit. Suis-je encore le seul à considérer la mode comme une forme d'expression et non comme une volonté de consommer ? 
J'aime la mode comme une façon de montrer sa personnalité, j'aime la mode comme un héritage de mes parents qui m'ont appris à aimer les belles matières, les finitions subtiles et l'inventivité de gens barrés. Mais où sont toutes ces valeurs ? Comment voulez-vous que les éminences grises de l'art nous prennent au sérieux quand nous ne sommes plus capables de respecter des métiers artisanaux millénaires ? Comment pouvons-nous exprimer notre personnalité dans un monde où nous sommes tous des clones ? Comment encenser la créativité alors que le marketing la tue en nous harassant d'un vomi d'images plus fades et agressives les unes que les autres ? Je commence à me demander ce que je fais là.Nous sommes de gentils moutons drogués qui suivront, le sourire aux lèvres, ce qu'on nous pointe du doigt. Seules quelques maisons comme Hermès ont encore un minimum de respect pour ce qui est le vrai luxe : un objet de désir difficilement accessible, fait par des mains divines, souvent unique et qui fait rêver. 
"Le nouveau luxe" ne vaut pas bien plus que H&M et consorts. C'est un fait. Le démon du bénéfice a depuis bien longtemps pris le pas sur le savoir-faire. Certaines maisons de luxe ont déjà délocalisé leur production en Chine et seuls leurs héritages historique permettent encore de communiquer sur le segment du luxe qui ne leur appartient plus depuis bien longtemps. Nous consommons de la mode de merde que nous payons une fortune alors que H&M fait tout aussi merdique pour des sommes plus modestes. Nous n'achetons plus un produit, nous achetons un nom. C'est déprimant. 
Aujourd'hui, les marques des conglomérats me font pitié et s’il le faut, j'arrêterais d'en faire les louanges. Je ne suis pas un artiste, je ne crée pas, je n'invente pas mais j'aimerais faire partie de ces gens qui sont des artisans qui donnent à leurs produits une valeur ajoutée indéniable par leur beauté et leurs finitions : j'aimerais être un artisan blogueur qui défend de vraies valeurs. Après la lecture de Luxe & Co, je suis atterré par cette conclusion : finalement, le luxe est mort depuis belle lurette. Je suis fier de défendre la jeune génération car elle est le vrai luxe. Je ne comprends pas comment on peut encore dépenser 300 boules chez Honte & Misères pour quinze robes qui partiront en lambeaux au premier lavage sans même vous donner une belle allure, alors que l'on peut faire vivre le rêve de silhouettes sorties d'une belle imagination unique qui vous feront le corps d'une diva et qui en plus sont créées par des gens emplis de beauté, du cerveau jusqu'à la poignée de main. Je ne comprends pas. 
J'ai passé cinq jours à Brooklyn avec des personnes dont l'énergie créative est stimulée par un capitalisme sauvage et qui finalement sont les vraies reines de la mode. Pour 30 dollars (soit 22 euros), mon très cher ami et designer Brad Callahan m'a constitué une tenue, sac et chaussures compris, dans un thrift store (genre Emmaüs) : un manteau long moutarde, un pantalon en lin vert pelouse, une chemise brodée en soie, un clutch bag en faux python et des sandales de cuir marron. Comment peut-on ne pas adhérer ? C'est sale ? Le pressing, ça vous parle ? Demain, je vais peut-être amener ces fringues au nettoyage à sec et ça va me coûter 50 dollars de plus, et après ? 80 dollars (60 euros) pour une tenue complète ! Ça, c'est la vrai fast fashion, tout en contribuant à ne pas polluer la planète alors qu'elle est étouffée par une production disproportionnée. 
Quant au luxe, le vrai, je l'applique aussi, en ayant la décence de m'offrir de temps à autre des pièces réfléchies et conçues par des gens qui ont une réelle vision de la mode. Ma garde-robe prend alors tout son sens. Je porte des choses dont je peux être fier de raconter l'histoire ou la provenance. Sans être condescendants, j'affirme haut et fort que je possède une vraie personnalité. Je ne joue pas au jeu des tendances et du m'as-tu vu. J'aime raconter que mon tee-shirt est sorti de la tête d'un designer barge venu de Moldavie. Là est aussi mon plaisir : chercher, trouver, m'offrir. Du beau, du solide, du pensé. Madame Lanvin, Madame Chanel, Monsieur Saint Laurent doivent fulminer de là-haut ! Qu'a-t-on fait de leur nom ? UNE HONTE ! un escroquerie... 
J'ai eu un cours sur les médias de la mode pendant lequel ma prof a surnommé une de mes compatriotes blogueuses mode "la faucheuse", en référence à l'image que l'on se fait de la mort. Au début, je ne comprenais pas son point de vue et je défendais ma collègue corps et âme, trouvant ma prof dure, voire vache. Aujourd'hui, j'acquiesce quand je sais que cette "faucheuse" vendrait son cul pour un goodie bag. Elle n'aime pas la mode, elle aime ÊTRE à la mode. Différence subtile et pourtant grave. Plus personne n'a donc de couilles pour avoir une réelle opinion ?! Entre les annonceurs qui régissent les rédactions les plus pointues et certains blogueurs qui sont grassement achetés, je me demande où est passée l'objectivité. LVMH me dégoûte et je ne pense pas qu'il soit utile de parler des grandes chaînes. Je ne veux pas paraître fermé mais je n'ai aucunement l’intention de faire partie de ce cirque. Je fais Monsieur/Mademoiselle parce que je « surkiffe » les idées créatives qui peuvent devenir de véritables objets, pas pour être in. J'ai des convictions et je n’ai pas envie d'être une pute. Désolé, je ne vends pas mon corps pour du Fendi. 
Si Montréal et son école pourrie par le marketing m'ont bien appris une chose, c'est à me battre pour des idées, à continuer de rêver avec des gens qui en valent vraiment la peine par leurs idées, à toujours continuer à vouloir être un être à part, à m'exprimer par mes fringues et mes millions de chaussures sans céder une once de terrain à Arnault et ses compatriotes. À présent, Monsieur/Mademoiselle ne parlera ni des marques de "luxe" ni de la fast fashion. Je serai certainement un blog de niche et peu de lecteurs suivront, mais j'aurai l'impression de faire de l’artisanat, d'être vrai et surtout je me sentirai bien dans mes baskets. Et ça, ça vaut toutes les vestes YSL du monde… 
CE POST NE COMPORTERA PAS D'ICONOGRAPHIE CAR IL SE VEUT COMME UN MANIFESTE. IL EST DÉDICACÉ AUX PERSONNES QUE LA RÉDACTION ESTIME AVEC LA PLUS GRANDE FIERTÉ, DES PERSONNES QUI ONT ENCORE LES COUILLES DE FAIRE DE NOTRE PASSION, UN VRAI RÊVE.
MERCI: Marius Borgeaud, Léonie Hostettler, Ophelie Klere, François Alary, Céline lellouche, Aurore Brun, Benoit Rafhay, Jean-Paul Lespagnard, Bradley Callahan, Genevieve Clifford, Belinda Cordier, Julie Calbert, j'en passe et des meilleurs...
Bien à vous ( ET MERCI POUR VOTRE ASSIDUITÉ )"

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